Elle avait le don de jouer avec le destin. De le modeler à sa façon, comme il lui plaisait. Elle avait une idée un peu particulière de la perfection, qu'elle entretenait comme une manie pointilleuse. On la pensait bizarre, complètement décalée de la réalité. Ce n'était pas totalement faux. Eris était le genre de fille dont vous ne pouvez rien tirer, à part un bon mal de crâne. Elle savait aussi jouer avec les mots, on le lui avait appris. Elle savait mentir, mais préférait maquiller la vérité afin d'embrouiller son interlocuteur. Avec elle, on n'était jamais sur de rien. Elle s'ouvrait à peu de gens, si peu de gens il y avait. C'est ainsi qu'elle cultivait le mystère autour de sa personne. Par exemple, personne ne savait qu'elle avait une sœur jumelle, car celle-ci n'avait jamais mis les pieds à Poudlard. C'était une cracmole. Eris n'en parlait jamais, pas parce qu'elle avait honte de sa sœur, mais par nécessité. Eris n'avait pas honte, c'était sa sœur qui ne voulait pas qu'on apprenne son existence.
Certains disent qu'Eris n'aime personne. Ce n'est pas vrai. Eris est dans un autre monde, le sien. Là-bas, elle contrôle la cadence et chaque méandre de son esprit tortueux apporte sa contribution à l'élaboration de ce monde compliqué.


Eris était assise par terre, adossée à un arbre dans le parc de Poudlard. Elle avait étalé ses jambes devant elle, et un énorme livre vieux de plus de cinquante ans était posé dessus. La reliure était marron, et il était écrit en lettres dorées « Le livre des monstrueuses créatures TOME 2 ». Eris était plongée dans sa lecture, la mine sérieuse. Le soleil, derrière le lac, était en train de disparaitre à l'horizon. Plus haut dans le ciel, la lune pleine était déjà là, prête à prendre la relève pour illuminer la nuit noire. Quelques élèves commençaient déjà à rentrer au château. Eris, elle, comptait rester encore un petit moment, et même si la nuit l'empêchait de lire, elle avait toujours sa baguette posée à côté d'elle. En bois de noisetier, mesurant vingt-six centimètres et contenant un crin de queue de licorne. Souple et facilement maniable, très efficace pour les sortilèges et enchantements. Eris l'avait eu au chemin de Traverse, l'été avant sa première rentrée à Poudlard. Elle avait été

infiniment heureuse, rien que de pouvoir toucher le bois doux et régulier.

? - Eris, tu ferais mieux de rentrer non ? La nuit va bientôt tomber et la température aussi. Viens.

Eris releva la tête doucement, comme si elle émergeait d'un rêve eveillé. Elle n'avait pas reconnu la voix et cela l'intriguait. En fait, c'était une demoiselle qui devait être en première année. A Serdaigle, selon la couleur bleue des bordures de sa robe de sorcière. Elle souriait et attendait qu'Eris esquisse un geste. Mais elle n'en fit rien. La demoiselle Hearn regarda longuement la petite fille. Celle-ci ne sut jamais si à cet instant, Eris se demandait comment elle connaissait son prénom ou si, elle se demandait pourquoi on l'interrompait dans sa lecture. Dans tous les cas, Eris ne répondit pas. Elle était comme ça. On ne savait jamais ce qu'elle pensait, si elle allait vous répondre ou vous snober complètement. Eris était comme ça et tout le monde l'avait accepté. Elle était hors du temps, décalée de la réalité. Eris avait été élevé dans un monde de rêveur. Son père peignait des toiles avec sa baguette, et sa mère écrivait des livres, elle était historienne et retraçait les grands événements de l'histoire. Les valeurs que Mrs et Mr Hearn avaient voulu inculqué à leurs deux filles étaient le romantisme et la sagesse. Fidélité, générosité et cette manière qu'Eris a d'être hors de portée.

Retour en arrière.
Eté 1996.

WEDDIE - Eris ! Tu as reçu une lettre. De Poudlard.

Eris, jusqu'ici assise tranquillement sur son lit, releva la tête quand sa soeur jumelle déboula dans la pièce. Elle brandissait une lettre à l'aspect vieilli, qu'elle se mit à secouer devant les yeux d'Eris. Celle-ci prit la lettre doucement et décacheta l'enveloppe. Weddie la regardait avec une attention toute particulière. Elle ressemblait beaucoup à sa soeur Eris, sauf qu'elle était un peu plus grande et que ses cheveux étaient moins longs, et toujours lâches.
Eris parcourut la lettre, ses yeux noisette décryptant les mots à vitesse grand V. Puis, elle replia la lettre, la déposa à côté d'elle et déclara de sa voix douce et rêveuse :

ERIS - Je suis admise à Poudlard.

Weddie hurla de joie. Eris grimaça, mécontente de ce bruit qui lui transperçait les tympans. Elle, elle était pleine d'un enthousiasme contenu. Weddie, elle, se laissait aller à ses émotions qu'elle ne contrôlait pas. Elle était heureuse pour sa soeur, et la déception était effacé. Ellle était cracmole, sans pouvoirs. Mais elle connaissait la magie et lisait beaucoup de livres dessus. Certains cracmoles travaillaient en coopération avec le monde magique, c'est ce qu'elle voulait faire. Elle avait hâte que sa soeur soit à Poudlard, pour qu'elle vive cette aventure pour deux. Weddie avait déjà prévu d'envoyer au moins une lettre tous les deux jours à sa soeur et espérait bien qu'elle lui répondrait. Toutes deux formaient un tout, et ce tout serait séparé.

WEDDIE - Je suis très heureuse pour toi.

Elle étreignit sa soeur, qui restait toujours un peu passive. Elle rêvassait encore, dans son monde. Ce labyrinthe où personne ne pouvait la suivre, même pas sa soeur jumelle.

ERIS - Merci.

Un murmure, presque étouffé sous l'étreinte de sa soeur. Weddie quitta la pièce en sautillant presque. Eris, elle, reprit sa lettre et lut plus attentivement, encore et encore.

Copie d'une lettre envoyé par Weddie le jour même.
Novembre 1998.

« Ma chère Eris. Toi qui est loin de la maison, tu n'es au courant de pas grand chose. J'aurais préféré t'écrire pour te parler de la neige, de la nouvelle collection de tableau de papa et du nouveau livre de Maman. Mais je ne peux pas, parce que ce jour est bien triste, Eris. Je vois déjà la petite moue que tu fais quand tu veux cacher que tu es intriguée. Oui, exactement celle-là. Papa a des problèmes. Tu sais, il fait tout le temps cette tête fatiguée et perdue qui lui va si mal. Même Maman ne sourit plus. Papa garde tout pour lui et ne veut rien dire. Il ne parle plus et passe son temps enfermé dans son bureau, à peindre des tableaux de plus en plus noirs. Je me demande même comment un jour, lorsque nous étions petites, il a pu nous faire ce tableau représentant un champ de fleurs colorées avec un papillon dorée. Tu te souviens de ce tableau ?
Je suis plutôt inquiète, parce que tu sais bien que je déteste ne pas comprendre ce qui m'entoure, comme toi un peu. Je ne voulais pas que tu t'inquiètes, mais il fallait que je te mettes au courant quand même.
Ta soeur Weddie. »

Copie d'une lettre envoyé par Weddie le jour même.
Février 1999.

« Ma chère soeur. Nous n'irons pas en vacances pendant ses vacances. Papa est mort. Dans la nuit, dans le lit des parents à côté de Maman. La maison est en deuil. Je pleure en ce moment même mais j'ai besoin de t'écrire pour te mettre au courant. Le médecin est venu et a dit que Papa avait une maladie dont je n'ai pas retenu le nom tellement c'était compliqué. Tu sais bien, Papa n'aimait pas aller chez le médecin et il a dû laisser la maladie s'installait. Je voudrais que tu sois là avec nous, avec Maman et moi. Je te laisse, Maman m'appelle. Elle n'est pas bien du tout, elle non plus.
Weddie. »

Eris replia la lettre. Elle refoula ses larmes, alors que déjà quelques perles salées coulaient sur ses joues rosies. Elle quitta la volière d'un pas lent et partit vers son dortoir.

Désolée du double-post qui sert presque à rien, mais je pense à avoir terminé =)