Le jour J était enfin arrivé, celui qui était supposé être le tournant de sa vie, celui qui ferait d’elle une sorcière officielle. Voilà une semaine que la jeune fille se levait pour voir si la fameuse lettre n’était pas arrivée, une semaine qu’elle ne pensait qu’à une seule chose : Poudlard. C’était sa lumière d’espoir, son destin qui se traçait devant elle. Son père s’était fait plus distant, plus absent. Il ne voulait pas voir sa fille si heureuse, elle le savait. Voilà un an que l’homme se battait avec son chagrin, un an qu’il avait perdu sa raison de vivre. Il avait rapidement sombré dans l’alcoolisme, puis la violence. C’était dur pour la jeune fille qui grandissait sous les coups et sous les cris. Rien de ce qu’elle ne faisait n’était suffisant, rien n’était assez bien. Il trouvait toujours quelque chose à critiquer, une raison valable pour se défouler sur sa fille, sur celle qui avait été sa princesse. Cela faisait deux mois que l’homme se battait contre son problème d’alcool, mais il n’était pas devenu un père model pour autant, il voulait que sa fille excelle partout, il voulait la voir réussir brillement et exigeait énormément d’elle. Et Ange voulait qu’il soit fier d’elle, elle voulait le voir sourire à nouveau, mais cela serait-il possible ? L’homme s’enfermait à présent dans son bureau, travaillait comme un forcené, Ange quant à elle passait un maximum de temps avec son grand-père, seulement celui-ci était mort quelques semaines auparavant. La demoiselle n’avait pourtant pas pleuré, elle était très attachée à son grand-père, mais elle lui avait fait la promesse de ne jamais le pleurer et de toujours penser à lui dans les mauvais moments. Il lui manquait, mais il lui avait appris à vivre malgré la douleur, malgré ce trou dans sa poitrine qui se creusait chaque jour un peu plus. Ange était devenue une battante, une force de la nature, mais elle n’en avait pas encore conscience.

Enfin, un hibou arriva. Il tenait dans ses griffes une lettre faite de parchemin. La demoiselle était fébrile, ses mains tremblaient à cause de l’excitation. Elle ouvrit tant bien que mal l’enveloppe avant de se lancer dans la lecture de la lettre qu’elle contenait. Son cœur battait la chamade dans sa poitrine, elle se sentait pousser des ailes. Elle touchait enfin au but. Poudlard était là, à porter de main. Elle partirait enfin, loin de cette maison, loin de son père. Cette pensée lui embruma l’esprit. Elle aimait son père, malgré tout, elle l’aimait, il était son père après tout, et elle s’en voulait de le laisser seul, mais elle n’en pouvait plus, son cœur, son corps, tout était brisé en elle. Elle devait s’éloigner, partir. Peut-être les choses changeraient-elles enfin. Elle l’espérait. Elle espérait de tout son cœur qu’il se souviendrait qu’elle est sa fille, qu’il est supposé l’aimer, elle espérait que les choses changeraient, mais elle n’était pas sûre que ce serait le cas, au contraire.

Quelques semaines après la réception de la carte, la jeune fille partait pour Poudlard, seule. Son père ne désirait pas l’accompagner. Elle ne s’en soucia guère et ce parce qu’elle ne s’était pas attendue à ce qu’il l’accompagne. Elle savait qu’il enverrait son chauffeur la conduire et qu’elle devrait se débrouiller seule, il en avait toujours été ainsi et les choses ne changeraient pas si vite. A dire vrai, cela ne la peina même pas, ainsi elle pourrait profiter pleinement de l’excitation que cette journée lui apportait. Elle n’avait pour ainsi pas dormi la nuit précédant son départ, et elle était tellement heureuse de se retrouver parmi d’autres enfants sorciers qu’elle ne se souciait guère des convenances qu’on avait tant tenté de lui inculquer. L’adolescente monta dans le train, sans même se retourner, enfin l’aventure commençait pour elle ..

La demoiselle déambulait dans les longs couloirs du train. Tous les compartiments étaient pleins d’adolescents excités par leur rentrée. Ange commençait à désespérer de trouver un endroit où elle pourrait s’asseoir. Enfin, elle en trouva un où se trouvait seulement une jeune fille. L’adolescente pénétra dans le compartiment en souriant. Elle hissa sa valise dans les filets prévus à cet effet et sortit un livre de sortilèges. Ange était comme cela, elle aimait apprendre, c’était incroyable. Mais elle n’était pas non plus une fille qui passait sa vie dans un livre, au contraire, elle aimait profiter du grand air, s’amuser, elle aimait vivre. Si la mort de sa mère lui avait bien appris quelque chose, c’était cela, c’était qu’il fallait profiter au jour le jour, vivre sa vie à cent à l’heure et ne jamais regretter. La brunette savait que son père regrettait énormément de choses, que ces mêmes regrets le rendaient plus amers encore, qu’ils lui pourrissaient le cœur sans qu’il ne puisse rien faire. Ange s’était toujours jurée de ne pas devenir comme cela. Mais elle avait des regrets, elle regrettait les choses qu’elle n’avait pas eu le temps de dire à sa mère, elle regrettait de ne pas avoir été plus à ses côtés pendant sa maladie.

Ange leva les yeux de son livre et accrocha le regard de l’adolescente qui se trouvait en face d’elle. Elle lui sourit et ignora son sourcil qui se levait alors qu’elle la regardait étrangement. Apparemment la fille avait le même âge qu’elle, peut-être un an de plus. Mais au regard qu’elle lui décochait, Ange comprit rapidement qu’elle entrait elle aussi en première année. Elle aurait pu lui parler, engager la conversation, mais elle n’était pas de ces gens qui allaient vers les autres, ou en tout cas pas tout le temps, parfois elle préférait que l’autre personne fasse le premier pas. Pas par timidité, au contraire, juste qu’elle savait qu’une personne qui venait vers vous était souvent une personne que vous intriguiez et à qui vous plaisiez, aussi non pourquoi serait-elle venue à vous ? Alors elle replongea son regard dans son livre. S’y trouvaient tous les sorts qu’on apprenait en première année, elle était déjà à la fin du bouquin. Ange était ainsi, elle aimait avoir une longueur d’avance sur les autres, sans être une miss-je-sais-tout pour autant. Elle n’aimait pas étaler ses connaissances, elle n’aimait pas paraître comme une intellectuelle.

« - Tu connais tous les sortilèges de ce livre ? »
« - Heu .. Oui .. Presque .. »
« - Waouw .. Tu peux m’en montrer un ? »
« - Bien sur .. » ajouta-t-elle en extirpant sa baguette de sa poche.
« - Waouw .. Ta baguette est superbe. »

Le cœur de la petite fille se serra dans sa poitrine. Elle se plongea dans ses souvenirs, observa longuement sa baguette. Elle se revoyait entrain de l’acheter. Ollivander en avait sorties une vingtaine au moins. Puis elle avait saisi une baguette d’environ 30 cm en bois de houx contenant un crin de licorne baigné dans du poison de scorpion. Mais ce n’était pas tout ce qu’il y avait à savoir à propos de cette baguette, elle était en tout point identique à celle que sa mère avait acheté du temps où elle était entrée à Poudlard. Voilà pourquoi la demoiselle était tant attachée à cette baguette, voilà pourquoi son cœur se serrait à chaque fois qu’on lui faisait observer qu’elle avait une baguette assez spéciale, de plus, le bois était légèrement sculpté.

« - Alors .. » Ange posa son regard sur son livre en souriant : « - Wingardium Leviosa ». Elle accompagna la formule d’un petit geste de la main et l’imprimé qui s’envola. La demoiselle sourit et le reposa tout en rangeant sa baguette.

« - Waouw. J’aimerais bien faire cela un jour. »
« - C’est le premier sort du livre .. Ne t’inquiète pas je suis sûre que tu t’en sortiras très bien. »

Mûre ? Oui. Ange l’était. Cela se voyait dans son regard, dans sa façon d’agir, de s’exprimer. Elle était bien plus mûre que la moyenne, mais elle n’était pas toujours raisonnable pour autant. C’était aussi une personne de confiance, une vraie tombe, le genre de personne à qui on peut raconter ses secrets les plus sordides sans craindre de les entendre être répétés dans les couloirs de l’école. La demoiselle sourit à nouveau et se mit à discuter avec l’adolescente et elles continuèrent ainsi jusqu’à la répartition et même après .