« Un jour, Nathaniel Hawthorne a dit : Personne ne peut longtemps présenter un visage à la foule et un autre à lui-même sans finir par se demander lequel est vrai. Cette citation a du être écrite pour moi. Car aujourd’hui je ne sais plus qui je suis. Je me perds dans les méandres de ma mémoire, seize années de souvenirs que j’essaye de déchiffrer, de comprendre. Mais comment peut-on comprendre la mort de quelqu’un ? Comment peut-on comprendre la violence d’un être qui nous est cher, son amertume, sa rancœur ? La réponse est venue à moi comme une évidence. On ne peut pas. Il est impossible de comprendre ces épreuves que la vie vous impose, il est impossible de comprendre ce genre de chose. Vous devez continuer de vivre, survivre, continuer sur la voie que vous vous êtes tracée. C’est ce que je fais : je survis. Offrant au monde le visage d’une personne sûre d’elle, une personne parfaite en tout point, une personne tantôt méprisante tantôt froide et distante. Je déroute de part mes multiples personnalités, les gens essayent de me comprendre mais peinent à y parvenir. Je ne montre pas mes faiblesses, jamais, et personne ne sait réellement ce qu’il se passe dans ma vie et c’est tant mieux ainsi. Mais dans le fond, je suis brisée, dévastée. La mort de mon frère a emporté avec elle une partie de moi, mon père a fini le travail et m’a détruite. L’amour ? Je n’y crois pas. Il a quitté mon foyer et mon cœur depuis un bout de temps déjà, je suis morte avec lui, vivant ma vie comme je le peux, comme je le veux, défiant l'autorité de mon père et oubliant qui je suis réellement. Je prétends collectionner les aventures, sortant quelques semaines avec un garçon plutôt que d'essayer de m’attacher à une personne qui pourrait un jour me conforter dans l’idée que ce mot avec un grand A. n’est fait que pour les idéalistes, les optimistes, ce que je ne suis pas. Du moins c’est ce que je crois. Car dans le fond, je pense avoir quand même l’espoir d’être prédestinée à quelque chose de bien, de grand. Dans le fond, je sais que le bonheur est à porter de main et qu’il me suffit de lever les yeux pour l’attraper. Dans le fond, malgré tout ce qu’il m’arrive, il m’arrive d’être heureuse et de sourire à la vie. Vous y comprenez quelque chose vous ? Moi non plus .. »



________ chapitre un ..

« - Tu sais petite sœur, je suis fier de toi .. Tu vas à POUDLARD ! C’est vraiment chouette ! Je te montrerai tout ce qu’il faut savoir, je te promets.
- C’est vrai ? Raconte moi encore comment c’est Poudlard .. »

Cette scène touchante se reproduisait encore et encore. Une petite brune marchant main dans la main avec son grand frère de quatre ans son aîné. La petite fille avait atteint l’âge de onze ans à peine un mois auparavant et déjà elle recevait la lettre qui lui assurait son entrée à l’école magique anglaise. Son cœur battait la chamade dans sa poitrine depuis qu’elle avait tenu le vieux papier entre ses mains, depuis qu’elle avait pu voir le sceau de Poudlard dessiné sur l’enveloppe et son nom. La première personne à qui elle l’avait annoncé ? Son grand-frère. Il était son modèle, celui qu’elle aimait le plus dans sa famille, celui qui l’accompagnait pas à pas dans sa vie. C’était le rebelle de la famille, celui qui décevait ses parents, incapables de voir tout ce que leur fils avait à offrir. Il n’avait pas atterri à Serpentard comme ses aînés, et seul Serdaigle aurait été acceptable dans ce cas, mais non. Il avait atterri à Gryffondor, loin des convictions de sa famille, loin des idéaux des Blackwood. Il n’était plus un membre à part entière de la famille, il n’était plus que le fils qui avait déshonoré ses parents.

Pearl leva les yeux vers son grand frère. C’était une douce soirée d’été, le soleil se couchait derrière les collines de la maison de campagne de la famille. Elle lui sourit, elle était heureuse de partager ce moment unique dans la vie d’un sorcier avec l’être qui comptait le plus pour elle, son meilleur ami, son confident, celui qui la comprenait et l’aimait plus que quiconque. La petite fille obligea le jeune garçon à s’asseoir dans les hautes herbes et s’y allongea. Elle observa le ciel, les nuages. Ces derniers étaient teintés d’orange et de rouge, un rouge vif qui rappela la couleur du sang à Pearl. A nouveau elle sourit, si un jour on devait lui demander le moment le plus heureux de sa vie, ce serait sûrement celui-ci. Dans cette campagne anglaise, par une belle fin de journée d’été, avec son frère et sa lettre d’admission à Poudlard. Oui, c’était le plus beau jour de sa vie.

« - A quoi tu penses, petite sœur ?
- A Poudlard .. Comment c’est la rentrée ?
- La rentrée des premières elle est spéciale. Tu arrives dans le train puis tu traverses le lac en petits bateaux. La première chose que l’on te dit c’est de ne pas te pencher pour ne pas tomber dedans. Je connais quelqu’un qui est tombé dedans .. Le calamar géant la ramené dans sa barque.
- Calamar géant ?
- Oui .. Il ne faut pas en avoir peur petite sœur, il est vraiment pas méchant. Ensuite tu arrives dans le Hall de Poudlard et puis tu traverses la Grande Salle où se fait la répartition. Les élèves sont appelés les uns après les autres et on te met le Choixpeau sur la tête. Il faut pas avoir peur de lui non plus, c’est un vieux chapeau pleins de poussière.
- Tu penses que j’irais dans quelle maison ?
- Hum .. Je te verrai bien à Serdaigle, ou peut-être Gryffondor comme moi, mais tu es trop sérieuse. Non, Serdaigle te conviendrait parfaitement même.
- Pas Serpentard ? Pourquoi pas Serpentard ?
- Tu n’es pas assez méchante ..
- Papa et Papy et Mamy ont été. Ils ne sont pas méchants. »

Il ne répondit pas à sa petite sœur, il savait où le débat allaient les mener : nulle part. Elle ne voyait pas encore qui était sa famille, ou du moins si, mais elle se cachait de la vérité. Elle ne voulait pas admettre que son père était un monstre, sa mère une femme qui n’aurait jamais du être maman et que leurs grands parents étaient loin d’être de ceux que l’on voyait dans les films pour petit, ils ne leur offraient jamais rien si ce n’était de l’argent en grosse quantité.

« - Un jour .. Tu comprendras. »

Oui, un jour elle comprendrait. Rapidement, bientôt, elle en avait la certitude. Elle voyait déjà ce que son frère voulait dire, elle savait que pour ses parents, il était la honte de la famille, mais on a qu’une famille, et jusqu’à ce qu’ils fassent un acte si abominable qu’elle ne pourrait en parler, elle les supporterait, d’une façon ou d’une autre. Elle n’était pourtant ni bête ni naïve, juste protectrice envers les siens. Mais cela n’allait pas durer, elle avait cet étrange sentiment que quelque chose allait arriver, quelque chose qui allait l’aider à ouvrir les yeux ..



________ chapitre deux ..

« - Tu n’es qu’un bon à rien ! Tu es le déshonneur de cette famille !
- Ah ouaip ? Pourtant je ne suis pas celui qui est soupçonné de meurtre pas vrai ?
- Ne parle pas des choses dont tu ne sais rien ! Tu ne mérites pas tout ce que tu as !
- Et que suis-je censé avoir père ? L’amour familial ? Le respect des miens ? Laisse-moi rire ! Tu ne vaux pas mieux que moi, tu es même pire.
- Quitte cette maison, sur le champ, tu n’y as plus ta place. Ne reviens pas, jamais. »

L’orage grondait au dehors, mais pas assez fort pour couvrir les éclats de voix du jeune homme et de son père. Pearl se cacha sous sa couette, elle pleurait à chaudes larmes. Son cœur cognait fort dans sa poitrine. Elle entendit une porte claquer au loin, elle sursauta, se leva d’un bond. Non. Impossible. Il ne pouvait pas être parti. Pas encore, pas tout de suite. Elle courut à travers les longs couloirs de sa maison et ouvrit en grand la porte d’entrée, courant au dehors, désespérée. Elle eut à peine le temps de voir les phares de la voiture utilisée par son frère, il avait toujours préféré utiliser ces objets moldus plutôt que le transplanage ou le balai, afin de marquer encore plus la différence qu’il y avait entre lui et sa famille. Pearl s’effondra. Elle était seule, abandonnée. Le seul être qui l’ait jamais comprise, celui qu’elle aimait tant, l’abandonnait à son tour. Elle fut bien vite rejointe par l’un des serviteurs de la maison qui lui couvrit les épaules avec une grosse couverture. Elle était trempée, les gouttes de pluie se mêlaient à ses larmes sur ses joues. Elle savait que son frère ne reviendrait jamais, il attendait ce jour depuis tellement longtemps. Lui-même ne voulait pas partir de son plein gré, il ne voulait pas abandonner sa petite sœur, mais elle savait qu’il attendait d’être mis à la porte. Le cœur de la demoiselle se serra, son père la rejoint et l’observa sévèrement.

« - Efface le de ta mémoire, c’est un vaux-rien, il ne peut pas être ton frère. Il n’est plus rien .. Oublie le.
- Comment oublier le seul être qui m’ait jamais réellement aimée dans cette demeure ? Comment oublier mon meilleur ami ?
- Oublie le, c’est tout. N’entre plus jamais en contact avec lui, c’est bien compris. »

Et Pearl fit quelque chose qu’elle n’aurait jamais fait en temps normal, elle défia son père du regard. Il n’en fallut pas plus pour que ce dernier rentre dans une colère noir et envoie sa fille valser à travers le corridor. La tête de la demoiselle heurta un meuble, le noir entoura ses yeux, elle sombrait petit à petit, se perdant entre rêve et réalité. Tout ce qu’elle put dire, c’était qu’elle fut transportée jusque dans son lit, après le noir la submergea et elle tomba dans un profond sommeil.

{~}

Des pleurs, des voix. Voilà ce que Pearl entendit en se réveillant. Sa tête lança violemment, elle porta une main à l’endroit d’où provenait la douleur. Elle y sentit une bande qui lui protégeait le crâne. Le coup avait été violent, très violent. Pearl s’attendait à trouver son père à son chevet, ou sa mère, mais ni l’un ni l’autre ne semblait vouloir faire acte de présence. Dans le fond, la demoiselle n’en fut pas trop étonnée. Cependant elle ne comprenait pas les pleurs qui l’entendaient, elle ne comprenait pas les chuchotements. Etait-elle morte ? Non. La douleur était trop vive pour qu’elle puisse être morte. Son cœur se serra dans sa poitrine. Elle sentait qu’un malheur s’était produit. La demoiselle ouvrit les yeux difficilement, la lumière l’agressa, elle essaya de se redresser dans ses oreillers, mais on la recoucha immédiatement. Les journées se suivirent ainsi jusqu’à ce qu’elle puisse enfin reprendre totalement connaissance. Le visage qui l’accueillit lui brisa le cœur. Elle avait compris, elle avait vu dans les yeux de sa mère, elle avait lu dans son esprit ce qu’il s’était produit. Elle revoyait dans sa tête le policier qui venait annoncer à ses parents qu’on avait retrouvé la voiture de leur fils, celle-ci s’était écrasée contre un arbre. Un chauffeur ivre l’avait percuté, le jeune homme était mort sur le coup. Pearl tremblait comme une feuille qui se décroche de son arbre, de grosses larmes se mirent à couler sur son visage. Son monde se déchirait, une plaie béante s’ouvrait dans son cœur. Elle perdait pied, sa tête tourna, elle retomba lourdement sur ses oreillers, perdue entre rêve et réalité, réalité et cauchemars.

{~}

« - C’est de votre faute si il est mort. C’est vous qui l’avez tué. Vous êtes des monstres, vous n’avez pas de cœur. Vous me l’avez pris. Il est parti. C’est de votre faute si il est parti .. »

Voilà les premiers mots que la demoiselle prononçait depuis trois semaines déjà, quelques mots emplis de haines et de mépris. Le regard de la demoiselle était brisé, enragé. Elle cracha ces mots comme un serpent crache son venin. Pearl n’était plus que l’ombre d’elle-même, elle regarda ses parents, les méprisants tous les deux : son père pour son orgueil, sa mère pour son manque d’amour envers son propre fils. Le premier était égal à lui-même, elle par contre semblait avoir perdu une dizaine de kilos en quelques semaines. Rares étaient les jours où Madame Blackwood descendait pour manger avec le reste de sa famille. Elle se leva sur ces propos et partit se réfugier dans sa chambre. Quatre mois plus tard, elle se retrouvait à Ste Mangouste, plus personne dans la maison n’était capable de s’occuper de cette femme qui n’était plus que l’ombre d’elle-même, pas même son soi-disant mari. Pearl, elle, ne se remettait pas de cette peine, cette plaie béante qui lui déchirait le cœur ne semblait pas vouloir se refermer. Elle ne parvenait pas à oublier ce sourire, ces conversations, ce visage, elle ne parvenait pas à oublier son frère, cet être qu’elle avait tant aimé et qui lui avait appris tant de choses. Elle souffrait, mais personne à Poudlard ne s’en rendait compte, elle masquait ses sentiments derrière un masque froid et dur auquel beaucoup d’élèves se heurtèrent, son regard était distant, elle semblait être dans un autre monde, un monde où son frère aîné serait toujours en vie ..

« - Bonsoir mlle Blackwood Entrez je vous prie. Vous pouvez constater que vous n’êtes pas la seule élève à me tenir compagnie ce soir. »

En effet. Un jeune homme se trouvait là aussi. Il lui sourit et Pearl lui rendit son sourire, difficilement, mais elle le fit. La demoiselle s’assit à la table voisine du jeune homme mais le professeur lui demanda de se déplacer d’une chaise. L’adolescente grimaça et s’exécuta sans rien dire. Elle avait déjà remarqué le jeune homme qui se trouvait à ses côtés, il était .. Différent des autres. Mignon, bien sûr aussi non jamais elle n’aurait posé le regard sur lui, mais différent. Il ne faisait pas parti de ces garçons qui se croyaient tout permis, de ces garçons qui pensaient qu’ils avaient un droit sur chaque fille du château. Il était réellement différent, et c’est pourquoi Pearl l’avait remarqué, le regardant différemment. Elle ne voulait pas faire de lui une de ces proies, loin de là, et même si elle l’avait voulu elle était sûre que jamais il n’aurait accepté. Pearl l’observa du coin de l’œil puis reporta son attention sur le professeur.

« - Que dois-je faire pour vous ce soir professeur.
- Rien.
- Je vous demande pardon ?
- Eh bien je devais vous punir pour la forme, et c’est ce que j’ai fait. Vous avez sûrement un livre ou l’autre à lire dans votre sac. Lisez. Je sais que vous adorer lire. Ah moins que vous ne désiriez copier des lignes .. »

Pearl rougit et s’exécuta. En effet, elle avait un livre dans son sac. Il avait fait beau toute la journée, un temps comme il en faisait rarement à cette époque de l’année. Un temps comme elle les aimait. La demoiselle s’était assise près d’un grand saule pleureur pour lire à l’ombre. Elle aimait la brise fraiche qui venait faire danser ses cheveux, elle aimait l’odeur des fleurs et des feuilles qui commençaient à tomber des arbres. Le temps était doux, agréable. Elle n’avait rien trouvé de mieux à faire que prendre un livre et s’asseoir pour lire. Lire encore, jusqu’à ce que le soleil décline au loin, que ses derniers rayons ne se réfléchissent sur l’étendue endormie d’eau que constituait le lac. Elle avait du partir alors que l’air se rafraichissait et avait quitté à contre cœur ce petit coin de paradis qu’elle s’était constituée. Quand elle lisait, Pearl partait dans un monde qui n’appartenait qu’à elle, un monde où sa mère n’était pas morte, un monde où son père n’était ni violent ni alcoolique. La demoiselle, bien qu’elle ne le montrait pas, était une grande romantique. Elle ne lisait pas trop les histoires d’amours à l’eau de rose, mais aimait celles qui étaient surréalistes, celles qui semblaient impossibles. Elle rêvait d’un jour en vivre une semblable à celle de ces livres, une histoire d’amour improbable, une histoire d’amour faite de passion et de rire, une histoire d’amour qui lui rendrait ce bonheur perdu quelques années auparavant. Alors qu’elle se plongeait dans son livre, elle vit quelque chose qui attira son attention sur le coin de sa table. Un petit mot que le jeune homme venait de lui faire passer. Elle sourit, plaça son livre de façon à ce que le professeur ne voit pas le bout de papier. Elle l’ouvrit et le lit : « Salut .. Je m’appel x. Tu as fait quoi pour être ici ? Je pensais que tu étais pas vraiment le genre à te retrouver en colle ». Pearl sourit à nouveau. La demoiselle se sait d’une plume qui trainait dans son sac et se mit à écrire : « J’ai collé un gars sur le plafond .. Il m’avait cherché. Pas de chance, le prof est passé à ce moment là. » ; « qu’avait-il fait pour que tu le fasses voler de la sorte ? » ; « il avait dit choses que l’on ne dit pas à quelqu’un .. et toi ? comment tu t’es retrouvé ici ? » ; « pareille .. Non je plaisante ! j’ai juste pas rendu un devoir à temps .. donc je dois le finir ici. » ; « je vais te laisser travailler alors .. » ; « tu n’es pas obligée .. je préfère te parler que rendre ce devoir dont je connais déjà le contenu .. ». Pearl sourit, ils continuèrent ainsi, parlant de choses banales comme si ils se connaissaient depuis toujours. Quand le professeur les libéra, Pearl eut l’impression qu’une dizaine de minutes à peine s’était écoulée depuis qu’elle était entrée dans la salle. Son cœur se serra alors que le jeune homme semblait partir vers son dortoir, cependant il se reprit et lui proposa de l’accompagner jusqu’au sien. La demoiselle accepta avec plaisir et alors qu’ils se dirent au revoir, le jeune homme l’embrassa et fila.

« - Tu sais .. Ca faisait quelques temps que je t’observais.
- Je te crois pas.
- Si si c’est vrai.
- Je te crois pas parce que moi aussi, et vu que je t’observais j’aurais bien remarquer si toi tu le faisais aussi.
- Tu sais que je sais être très discrète .. »

Deux mois. Deux mois qu’ils étaient ensemble, deux mois qu’ils s’affichaient main dans la main, tout sourire et pleins de bonheur. Deux mois .. Cela semblait si court et si long pour la demoiselle qui n’avait pas l’habitude de ce genre de relation. Voilà bien longtemps qu’elle avait claqué la porte de son cœur au nez de l’amour, voilà bien longtemps qu’elle avait choisi un chemin qui ne ressemblait en rien à celui qu’emprunterait l’amour, mais la vie avait surpris Pearl, elle s’était laissée rattraper par ce sentiment qu’elle était certaine de ne jamais connaître. Ils s’étaient revus une fois, deux fois, trois fois, avaient appris à se connaître, à s’aimer, à ne pas être un couple comme les autres. Pearl avait obtenu son histoire d’amour improbable, ce bonheur qu’elle était sûre de ne plus jamais connaître, elle était heureuse pour la première fois depuis la mort de son frère, pour la première fois en deux ans, elle souriait franchement.

« - J’aimerais que ce moment dure et ne s’arrête jamais .. »

C’était des phrases comme cela qui avait fait que Pearl était tombée amoureuse du jeune homme. Des choses qu’il disait spontanément, sans réfléchir à ses sentiments. Pearl avait peur, oui peur, elle avait peur de fuir comme elle le faisait si souvent, elle avait peur de fuir ce jeune homme qu’elle aimait tant. La demoiselle avait peur de ces sentiments grandissants, de ce cœur qu’elle sentait grossir et grossir dans sa poitrine. Elle rougit, baissa les yeux. Elle se sentait bête, stupide même. Jamais elle n’aurait agi de la sorte avec quelqu’un d’autre, avec un autre garçon, lui ne semblait pas être une simple passe de sa vie, il n’était pas un garçon parmi tant d’autre. Si cela avait été un autre, voilà bien longtemps qu'elle aurait passé la nuit avec lui, mais pas avec lui et, même si peux de personnes étaient au courant, la demoiselle n'avait à dire vrai jamais passé la nuit avec personne. Il serait le premier, elle voulait qu'il soit le premier, mais elle avait peur, peur qu'il s'enfuit après cela, peur qu'il prenne ses jambes à son cou et qu'il ne donne plus signe de vie, elle craignait cette conversation et l'évitait soigneusement ..

« - Ca va ? »

Pearl sursauta. Jamais personne n’avait su la déchiffrer comme il la déchiffrait, jamais personne n’avait su lire son regard et ses expressions. Elle lui sourit, prit sa main et posa sa tête sur son épaule.

« - Oui oui ça va .. Pourquoi ?
- Tu avais l’air songeuse .. Tu es sûre que ça va ?
- Oui oui. »

Elle voyait qu’il ne la croyait pas mais il n’insista pas, comme toujours. Il lui laissa le bénéfice du doute et continua de marcher. Il la connaissait si bien, c’était même effrayant de voir à quel point il pouvait anticiper chacune de ses réactions. Peut-être l’avait-il réellement observé après tout, mais cela effrayait la demoiselle qui n’avait pas l’habitude de ce genre de chose. Son cœur se serra dans sa poitrine, non, elle ne pouvait pas fuir, elle ne pouvait pas prendre ses jambes à son coup et s’éloigner de ce jeune homme qui représentait tout ce qu’elle cherchait chez un garçon. Elle serra sa main un peu plus fort, comme si elle avait peur de se réveiller et que tout cela ne soit un rêve.

« - J’ai l’impression de rêver quand je suis avec toi .. Tout ce bonheur .. C’est trop pour quelqu’un comme moi ..
- Quelqu’un comme toi ? »

Il s’arrêta net et lui fit face, plantant son regard dans celui de la demoiselle.

« - On ne peut pas dire que je suis toujours la fille qui mérite le plus d’être heureuse ..
- Stop. Tais-toi. Tu racontes des conneries que je ne veux pas entendre. Tout le monde mérite d’être heureux, toi particulièrement. Tu ne t’en rends peut-être pas compte, mais tu es une personne formidable Pear, une personne exceptionnelle même. Tu n’en as pas conscience, mais ton cœur vaut de l’or, ton esprit ressemble à celui des plus grands penseurs, tu es intelligente, marrante, belle, adorable, avec toutes ces qualités, comment ne peux-tu pas penser que tu mérites d’être heureuse ?
- Peut-être parce qu’à côté de cela je n’aime pas la vie comme je devrais, peut-être parce que tu ne vois que le bon en moi et pas tout le reste, le mauvais côté de ma personnalité, peut-être que tu ne me vois pas comme je suis, que tu es aveuglée par l’amour.
- Je te vois, je te vois comme tu es, tu mérites d’être heureuse, fin de la discussion. »

Pearl se réfugia dans ses bras, elle laissa une larme couler sur sa joue. Son cœur battait la chamade dans sa poitrine, il la serra un peu plus fort, lui aussi avait peur, elle le savait, il avait peur qu’elle fuit devant tous ces sentiments, devant tout cet amour. Mais elle ne fuirait pas, pas cette fois, pas tout de suite.

« - Tu me surestimes tu sais .. Mais je t’aime pour ça .. Mais ne dis pas ces choses trop souvent, je finirai par y croire ..
- Alors je vais te le dire encore de nombreuses fois .. »

La demoiselle sourit. Elle savait qu’il disait cela pour lui faire plaisir, mais en même temps, elle savait qu’il le pensait. Il ne lui mentait jamais, du moins c’est ce qu’elle pensait.



Rien d’autre. La demoiselle déchira cette lettre, elle déchira ce papier qui venait de lui briser le cœur. Les larmes coulèrent sur ses joues, détruite, voilà ce qu’elle était, à nouveau détruite. Son cœur se déchira violemment dans sa poitrine, elle avait l’impression de suffoquer. On était en juillet, voilà deux mois que l’année scolaire s’était terminée, voilà neuf mois qu’ils s’étaient embrassés pour la première fois, neuf mois d’un amour que tout le monde disait d’improbable. Pearl se souvenait de ces paroles mesquines qu’elle entendait à propos de leur relation, qu’il était trop bien pour elle, qu’elle ne le méritait pas. Son cœur frêle vint se poser sur le sol alors qu’il était secoué de tremblements incontrôlables. Elle avait mal, elle souffrait. Pour la première fois depuis la mort de son frère, Pearl avait donné sa confiance à quelqu’un, elle avait ouvert son cœur, elle était tombée amoureuse. Et le jeune homme était amoureux d’elle, ou du moins c’était ce qu’il avait prétendu des mois durant. Pearl pleura des heures et des heures, elle ne bougea pas de ce coin de sa maison, son père n’était pas revenu de son escapade au ministère. Et soudain elle comprit. Elle sut ce qu’était ces raisons qui avaient poussé le garçon qu’elle aimait à la quitter de la sorte, à dire vrai il n’y avait qu’une seule et unique raison : son père. Il avait été libéré suite à son procès, il était revenu vivre auprès de sa fille, il était revenu mais partait sans cesse.

Pearl se traina jusqu’à son lit qu’elle ne quitta plus que pour se nourrir de temps à autres, quand elle y pensait, quand la douleur n’était pas trop présente. Quand elle osa se regarder dans le miroir, l’image de sa mère quelques années plus tôt lui revint en mémoire. Ses yeux d’habitudes si clairs semblaient presque noirs à présent, ses joues s’étaient creusées, sa clavicule ressortait anormalement de son épaule. Sans réfléchir, la demoiselle lança son poing dans ce miroir qui lui renvoyait une image d’elle-même qu’elle s’était promise voilà trois ans de ne plus jamais revoir. Elle ne se plaignit pas de cette douleur qui lançait dans son poing, elle passa juste sa maison sous l’eau et la banda soigneusement. Son père n’était toujours pas revenu, mais c’était habituel, elle ne le reverrait sûrement pas avant la veille de son départ pour Poudlard, c’était toujours ainsi, il réapparaissait pour lui dire au revoir et cela ne la dérangeait aucunement. Soudain, quelqu’un toqua à la porte, Pearl se figea. Personne ne venait plus jamais dans cette grande maison de campagne. Elle marcha doucement jusqu’à la porte et regarda par la fenêtre pour voir qui c’était. Son cœur s’arrêta de battre quelques instants durant. Elle ouvrit la porte à la volée, c’était impossible. Son esprit lui jouait des tours. Pourtant, il semblait être bien là.

« - Matthew .. ? »

Elle fut incapable de prononcer un seul mot de plus. Son grand frère se trouvait sur le pas de la porte, son grand frère supposé mort depuis maintenant trois ans. Elle voulut se frapper, trouver un moyen de revenir sur terre, car cela ne pouvait être qu’un rêve, c’était impossible.

« - Pearl .. Je suis désolé .. »

Mais sa petite sœur ne lui laissa pas le temps de finir, elle alla se réfugier dans ses bras tout en continuant de pleurer. Il était là, il était bien là. Pearl ne se posa aucune question, tout ce qu’elle voulait c’était pleurer toutes les larmes qu’elle n’avait pas versé, elle avait besoin que tout sorte, que tous ces sentiments qu’elle gardait en elle depuis tellement de temps évacuent son petit cœur.

« - Tu .. Tu .. Comment .. ? Matthew ..
- J’ai survécu .. J’ai survécu. Mais je suis parti, j’ai vécu loin de père, loin de mère, loin de toi .. Je suis si désolé .. »

La suite restera un mystère pour les lecteurs de cette histoire car elle n’appartient qu’à Pearl et son frère, mais, peut-être, un jour pourra-t-on lire ces quelques paroles qui furent ensuite échangées ..