Même avec le nez collé à la vitrine pour tenter d’y voir plus clair, elle n’arrivait pas à scruter l’intérieur de la petite boutique. Avec un froncement de sourcil dubitatif elle regarda à nouveau le panneau de bois accroché de travers, qui indiquant sobrement de sa peinture verte effacée : Herboristerie. Sceptique quand à la qualité de l’établissement, elle faillit s’en retournée sur ses pas, avant de renifler, hautaine, et de passer la porte du morne édifice. Il faut dire qu’elle avait mis un temps phénoménal à débusquer le lieu, pourtant indiqué très clairement par le plan qu’elle tenait à la main. Elle ignorait encore comment elle avait bien pu se perdre dans ce dédale de petites rues, toutes plus sinistres les unes que les autres, et quand enfin elle allait renoncer et s’apprêtait à rentrer elle l’avait découverte juste là, coincée entre ces deux immeubles décrépits. A sa façade, nul-doute qu’elle ne trouverait pas ce qu’elle cherchait ! Il était même certain que la boutique ne devait être en réalité qu’un lieu de rendez-vous pour touts ces junkies, adeptes de la mode du biologique, mot dont ils ignoraient probablement la signification. En fait à bien y réfléchir, elle ne tenait plus tant que ça à entrevoir ce monde de débauche. En arrêt dans l’embrasure, elle faillit une nouvelle fois faire demi-tour et une fois de plus fut rattraper par sa curiosité dévorante et ce fut avec un soupir d’exaspération et d’excitation qu’elle entra. Déçue. Et soulagée en même temps, elle ne savait plus trop ce qu’elle aurait aimée avoir sous les yeux à dire vrai.

En fait des lieux sordides auxquels elle s’était attendue, une pièce plus grande qu’elle n’imaginait étalait ses rayonnages de feuilles, de racines et de tiges, de fleurs, en bref de toutes les plantes possibles et imaginables, toutes bien rangées dans de grands pots tantôt de bois, tantôt de porcelaine, parfois même certains en verre. Chacun était étiqueté avec un nom latin et une courte explication sur les vertus du contenu. Pour la plupart, inconnues. Effarée, elle défilait devant les pots, elle se tenait pourtant pour caler en botanique et voilà qu’elle se trouvait perdue, déboussolée, elle prit une pincée de large feuille vert sombre, quand un grondement sourd et menaçant la fit sursauter, lâchant l’objet de son attention. Lentement, elle se retourna pour faire face à un énorme chien. Un comme elle n’en avait jamais vu encore auparavant. Noir de la truffe aux pattes, ses yeux jaunes dégageaient le sentiment qu’une sentence irrévocable allait s’abattre, ajouter à sa taille démesurée, la bête semblait sortie tout droit des Enfers. Déglutissant, la femme fit un pas en arrière, puis un autre, sans pouvoir échapper au regard accusateur et aux grognements de l’animal. Une patte après l’autre, il se rapprochait, lui coupant la retraite vers la porte salvatrice, elle aurait préférée tomber sur une bande de junkies défoncés finalement. Le chien était désormais à portée d’elle, prêt à bondir pour lui arracher la gorge ou un bras, Dieu seul savait quoi ! Quand un sifflement aigu, suivit d’un appel mit fin au grondement menaçant. S’asseyant sur son postérieur, sans toutefois la lâcher des yeux l’animal ne semblait pas vouloir bouger, quand la voix réitéra l’appel. Une voix douce au timbre chaud, envoutante, une voix indubitablement féminine. Volant de surprise en surprise, elle écouta le pas de la nouvelle venue sur le plancher, lent et régulier, précédé d’un raclement tenu, léger. Une canne ? Quel âge pouvait avoir la propriétaire pour avoir besoin d’une canne ?

« Noir ? Viens ici mauvais garçon, tu vas faire peur à la dame, allez viens mon chien ! »

Stupéfaite la femme resta les bras ballants en voyant le chien faire demi-tour et se ranger aux côtés de la jeune femme qui posa sa main sur le plat de sa tête pour lui gratter les oreilles. C’est tout juste si elle atteignait le mètre 65, mais elle dégageait une sensation bizarre, à la fois inquiétante et apaisante. Elle était étrangement vêtue, d’une robe grise, sobre mais élégante, dont la coupe semblait passée de mode depuis… des lustres. Mais le plus étrange et le plus fascinant restait son visage, un joli minois, quoiqu’un peu pâlichonne, de grands cheveux châtains et ses yeux surtout. Cachés par un bandeau qui lui barrait le visage. Encore sous le choc de sa rencontre avec le chien, elle mit un moment à mettre en relation celui-ci, le bandeau et le long bâton en bois qu’elle tenait dans son autre main. Le mot lui sauta aux yeux, d’un coup. Aveugle.

« … désirez ? Madame ? Madame ? Vous désiriez quelque chose en particulier ? »

Secouant la tête, la femme s’arracha à ses pensées, se rendant subitement compte qu’on lui parlait.

« Oh ! Je … excusez-moi, j’étais complètement … enfin, je… je n’avais pas pensée que…

Que vous auriez à faire à une aveugle ? Ne vous excusez pas, vous n’êtes ni la première, ni la dernière à en être surprise. Allons ! De quoi avez-vous besoin ?

Je vous demande pardon ?

De quoi avez-vous besoin ? Personne ne vient dans mon herboristerie par hasard, ceux qui ont la volonté, seuls eux la trouve, alors si vous me disiez ce qu’il vous faut plutôt ? »

Comme dans un rêve, désorientée, elle écouta la jeune femme dire des choses qui ne veulent rien dire, émettre quelques commentaires désobligeants sur le monde, et lui vendre des herbes dont elle ne savait plus vraiment pourquoi elle était venue en chercher, ni qu’en faire. Hébétée, elle ressortie à l’air libre, un sac d’herbes médicinales dans les mains et une imprécation sur une histoire d’équilibre rompu dans les oreilles. Elle fit quelques mètres avant de recouvrer ses esprits et se retourna pour constater la disparition de la boutique. Elle secoua la tête et parti d’un bon pas dans la direction opposée, elle ne voulait pas comprendre.


Regardant la moldue s’éloigner prestement comme si elle avait rencontrée le diable, Gaëlle s’éloigna à mesure que l’aura s’amenuisait, passant hors de sa portée. La peste soit des moldus et de leur foutu progrès et la peste soit des sorciers et de leurs arrogantes manières. Sentant la truffe humide de Noir venir effleurer sa main, elle ébouriffa le pelage du sinistros en une sorte de petite crête de poil, sachant bien que cela l’agaçait. Sentant le regard de l’animal posé sur elle, elle tourna son visage vers lui et hocha la tête en déclarant d’un ton affectueux :

« Bientôt, très bientôt… Le chaos approche. Alors ce sera à nous d’entrer en scène, mon ami. »