Il devait y retourner. Il en avait besoin. Un besoin purement masochiste. L’homme est attiré par la souffrance même s’il sait que ça peut causer sa perte. Il régissait à ce besoin tout en sachant que c’était une mauvaise idée. La nuit était déjà avancée, les élèves étaient censés être dans leur salle commune et les Professeurs faisaient leur ronde habituelle. Max’ se prêtait à ce jeu et effectuait donc le tour des cachots en quête d’élèves téméraires et opaques à toute idée de règlement. Ce rôle ne lui allait pas, en tant que Professeur il était très bon pédagogue mais piètre surveillant. Il ne se trouvait pas crédible dans ce rôle se remémorant qu’il était, lui et ses amis, ce genre d’élève enclin à braver le règlement juste pour l’adrénaline que cela apportait.

Le point positif de la chose c’est qu’il connaissait bien le château, ses recoins, ses cachettes. Il déambulait dans la pénombre, ses pas effleurant légèrement les pavés durs et humides des cachots. Si le château en lui-même était immense, ses fondations et profondeurs l’étaient d’autant plus. Il portait un jean et un tee-shirt blanc près du corps. Il avait donc quitté sa robe de sorcier depuis un bon moment. Son regard parcourait les murs des souterrains, il marchait depuis un bon moment maintenant et ne savait pas exactement à quelle profondeur il pouvait bien se trouver. Il cherchait ce cachot si particulier qui terrorisait ses rêves depuis près de 20 ans. Il était effrayé à l’idée qu’à chaque tournant il pouvait se trouver en face de celui-ci.

Au détour d’un couloir il reconnu cette porte faite de barreaux. Son rythme cardiaque s’accéléra inévitablement, une de ses mains trouva pour appuie le mur à sa droite. Ses doigts s’agrippèrent aux pierres froides du couloir. Ses yeux se plissèrent, il se rapprocha lentement de cette porte à pas de loup. Elle lui rappelait trop de souvenir, de mauvais souvenir. Lui courant, l’entraînant dans sa course. Elle terrifiée s’agrippant à sa main de toutes ses forces. Il posa une de ses mains sur la porte, celle-ci s’ouvrit dans un grincement strident. Le cachot était petit, vide, sombre, il y faisait froid. Les visions du passé tiraillaient l’esprit de Max’, il sentait que ses jambes ne le supportaient que trop peu. S’accrochant aux barreaux de la porte il balayait du regard la pièce, le souffle haletant, la transpiration naissante.

Il voyait le sang, les cries, des éclaires de magie complexes. Puis des pleurs, la mort, le regret, le doute. Sa tête allait exploser, il se sentait très mal trop mal. Il ne ressentit pas la dureté du sol du cachot quand il s’écroula au sol. Tout devint noir. Il était là, au milieu du couloir, meurtrie par le passé. Son tee-shirt était maculé de sang sans raison apparente. Inconscient.

Qu’avait-il fait ? Qu’avaient-ils fait ? Etait-ce le bon choix ? En tout cas ce choix avait hanté l’esprit de Maxence jusqu’à ce jour et probablement l’hantera-t-il jusqu’à sa mort. Cette vision d’un nouveau-né enveloppé dans un linge blanc maculé de sang, cette vision lui tiraillait l’esprit. C’était sa plus grande peur, son épouvantard. Une vision funeste qui était marqué au fer rouge dans sa mémoire. En revenant sur les lieux du ‘crime incriminel’ elle l’avait transcendé et transpercé comme une lame acérée. Certains souvenirs sont plus douloureux qu’un sortilège doloris en pleine exécution. Et il n’y avait aucun contre-sort, Maxence avait succombé à la douleur. Son esprit errait dès à présent des les contrées de l’inconscience. Tout y était noir, il voyait Elisabeth tenant dans ses bras un linge blanc tâché de rouge. Elle pleurait, il se sentait impuissant.

La vue d’Elisabeth se brouilla telle une secousse. Tout redevint noir, l’esprit de Maxence plongeant d’un cran encore une fois dans les abysses de l’inconscience, flirtant dangereusement avec la mort.

- Enervatum entendit-il lointainement, très lointainement, trop lointainement ? Une voix frêle et jeune résonnait dans sa tête tel un écho perdu au beau milieu des montagnes noires et froides.

Quelques secondes plus tard, l’air sembla s’engouffrer avec force dans les poumons du Professeur. Son torse se contracta et se souleva du sol tandis que sa bouche s’ouvrit dans un souffle.
- Elisabeth… murmura-t-il dans ce souffle de manière à peine audible.

Son corps se décontracta quelque peu et il ouvrit les yeux. Sa vue était encore brouillée, sa respiration saccadée, haletante et perdue. Il vit un visage flou penché au-dessus de lui, ne distinguant que les traits de celui-ci, il vit néanmoins la chevelure blonde. Elisabeth ? Une de ses mains s’éleva doucement et faiblement pour aller caresser le visage de ce mirage. Avant qu’un quelconque contact physique ne survint, Max’ retrouva sa vue en un quart de seconde - grâce à son don d’animagus assurément – et reconnu la jeune fille qui n’était pas Elisabeth. Sa main se rebaissa et il roula sur le côté pour se retrouver face au sol. Il transpirait et ne retrouvait toujours pas sa respiration. Ne disant rien il essayait de s’appuyer sur ses bras musclés pour rester à genoux.

- Enervatum… A n’utiliser… que lorsqu’on est sûr que la personne est bien stupéfixiée… et avec plus… de conviction. dit-il par à-coups avant de jeter un regard en biais à la jeune fille en souriant en coin. Il avait un mal de crâne assez phénoménal du au sortilège.

Toujours à genoux, toujours assez mal en point. Pendant un moment il sembla murmurer dans paroles incompréhensibles, en tout cas ses lèvres bougeaient et ses yeux étaient fermés. L’attitude à adopter pour lancer certains enchantements. Rompant le silence une nouvelle fois il se rendit compte que son tee-shirt était encore plus mal en point que lui. D’ailleurs il était rabattu jusqu’à ses pectoraux et laissait entrevoir un buste parfait. Un nouveau sourire en coin de la part du Professeur et il rabattit son tee-shirt.

Hésitant quelque peu, il tenta de se remettre debout. Ses jambes mirent un certain temps à retrouver leur force, temps durant lequel il resta appuyé contre un pan de mur.

- Carlson n’est pas avec vous Miss Mandrake ? … Etonnant… dit-il toujours essoufflé, son mal de crâne s’estompant peu à peu. Puis il plongea finalement son regard dans celui de la jeune fille. Il avait un regard d’un vert émeraude, perçant et aérien. Merci. dit-il dans un murmure en se détachant un peu du mur.

Il n’y avait toujours que la baguette de Rose qui éclairait quelque peu les ténèbres de ce cachot bien que très petit. En se rapprochant de Rose, le pied du Professeur cogna contre un objet que l’on entendit rouler sur les pierres dures du sol puis se casser dans un bruit de verre.
Max’ sortit immédiatement sa baguette et éclaira l’endroit d’où provenait ce bruit. Une fiole venait de déverser un liquide doré au pied d’un pan de mur du cachot. Le Professeur se mit devant la jeune fille comme pour palier toute éventualité de danger. La baguette tendue devant lui, il assista à un phénomène des plus étranges. Le liquide doré de faible quantité s’épaissit, s’étendit et remonta le pan de mur par les rainures des pierres de celui-ci. Le liquide remontait, remontait et finit par disparaître dans le mur. Quelques secondes plus tard une porte apparut au même endroit, une porte en vieux bois, à la poignée et aux pièces de métal doré.

- Hum… Miss Mandrake ? dit-il sur un ton neutre sans se retourner vers elle, attendant une quelconque explication à tout cela. Il n'y avait pas une once de colère dans sa voix, juste... une incompréhension quasi totale de ce qui venait de se passer.

Non ce n’était pas Elisabeth. Et pourtant elle lui ressemblait tant, le même âge d’an tant, la même beauté juvénile, le même manque de confiance en soi et la même grandeur d’âme. La jeune fille était intriguée par le sang maculant le tee-shirt de Max’. Elle lui proposa d’aller à l’infirmerie, encore une fois il ne répondit rien. Le silence était un moyen d’expression que Maxence utilisait souvent. S’il ne voulait pas aller à l’Infirmerie c’était pour la simple et bonne raison qu’il n’y avait rien à soigner. Ou peut être juste son mal de tête, résultat du sortilège peu recommandé dont avait usé Rose. Mais Aenas était un dur au mal, il était robuste et en tant qu’Auror, il avait suivit des entraînements intensifs pour pallier la douleur.

Le regard d’azur de Rose se confrontait à celui d’émeraude de Maxence. Elle avait ses raisons de se poser des questions mais le Professeur ne répondit pas à ses interrogations. Peut-être était-ce par choix, ou peut-être n’en avait-il pas le courage, ou peut-être le temps. Cette dernière possibilité était à mettre en avant lorsqu’il fit éclater la fiole de Felix Felicis sous son pied. Dès lors des évènements s’enchaînèrent de manière tout à fait incongrue. La porte apparue après quelques secondes. Une porte étrange, en vieux bois et aux jointures dorées.

- Hum… Miss Mandrake ?
- Je vous assure que je n'ai pas pris cette potion pour les examens, ou les devoirs. J'ai juste... enfin...

Passé un temps où il regarda la porte avec stupéfaction. Il sourit ensuite en coin aux paroles de la jeune Gryffondor, réaction typique d’un élève. Le Professeur de Métamorphose n’avait insinué à aucun moment que Rose aurait pu prendre cette fiole pour tricherie.

- Je ne sais pas ce qui m'a pris. C'était juste... une idée comme ça...

Maxence réfléchissait. Aussi étrange que cela puisse paraître, l’élève et le Professeur avaient à ce moment là, exactement les mêmes pensées. Maxence voulait ramener Rose à son dortoir et revenir après en espérant que la porte n’ait pas disparu d’ici là.

- Qu'est-ce qu'il s'est passé, à votre avis ? C'est quoi cette porte...

- Aucune idée. répondit-il évasivement.

En réalité l’esprit de Maxence fourmillait d’idée à ce sujet, mais laquelle était la bonne ? Il ajustait tous les paramètres, la potion, la porte, la réaction magique… Puis procédait par élimination. Tout en réfléchissant il se rapprocha de la porte et passa sa main sur les jointures dorées, en prenant soin de ne pas toucher la poignée. Il commençait à comprendre…

Il devait ramener Rose à son dortoir. Lorsqu’il se retourna, prêt à raccompagner la jeune fille, l’émeraude se plongea une nouvelle fois dans le céruléen. Puis il regarda la porte, puis entendit une phrase résonner dans sa tête. « C'est que... En règle générale on ne me remarque que lorsque je suis avec lui. […] » La voix de Rose faisait écho dans la tête du Professeur de Métamorphose.

- Ho… laissa-t-il échapper en regardant tour à tour la porte puis Rose.

Il venait de comprendre clairement. C’était donc cela, c’était elle. La porte était là pour elle. Le Felix Félicis avait bien fait effet, de manière quelque peu inopiné mais son pouvoir conjoint à la magie de Poudlard et voilà le résultat. Cette porte…

- Je… Je crois qu’elle est là pour vous. dit-il avec un fin sourire, se décalant légèrement de la porte et allant se placer derrière la jeune fille. Il posa ses deux mains sur les épaules fines de celle-ci et lui murmura. Il est temps que vous appreniez… à vous connaître Miss Mandrake.

Etait-il fou de la laisser passer cette porte ? Quand bien même il la suivrait. Non ce n’était pas de la folie, mais du géni, deux notions si proche… Ne tardant pas à passer la porte, un flash blanc les ébloui pendant quelques minutes puis ils se trouvèrent tout deux dans une pièce immense, grande comme la Grande Salle de Poudlard. Le sol était blanc, les murs étaient blancs, le plafond était blanc, tout était blanc, vide, immaculé. C’était envoûtant, enivrant. Le silence régnait en maître. Il n’y avait aucun objet, même plus de porte. Rose ne sentait plus les mains réconfortantes du Professeur sur ses épaules. Elle était… seule.