Douce enfant au visage innocent, qui savait charmer son monde comme personne. Petite poupée de porcelaine qui semblait si fragile, et qui pourtant, avait appris à se défendre depuis son plus jeune âge. La petite dernière des Fergussen, la seule fille héritière de cette famille au sang si noble, que leur réputation n’était plus à faire dans les contrées sauvages qu’étaient l’Ecosse. Sasha, doux prénom invoquant les défenseurs de l’humanité, mais pourtant, elle ne fait pas partie de cette catégorie, tout en jouant avec, la narguant d’un sourire effronté. Aujourd’hui, comme les jours précédant, la jeune enfant semblait s’émerveiller de tout, et pourtant, son regard gris aux multiples reflets ne semblait pas animé par cette étincelle, qui faisait la particularité de chacun. Lisant son dernier livre acquis d’un air absent, la fillette se tenait légèrement à l’écart de ses perturbateurs de frères, sachant parfaitement que tôt ou tard, ils finiraient par venir la rejoindre, pour mieux provoquer ses nerfs. Etant la seule fille au milieu de quatre frères, cela n’avait jamais rien de bien simple de remplir ce rôle, surtout lorsque l’on fait partie de ces personnes si sensibles, et si émotives, qu’un rien pouvait déclencher le côté passionné. Des traits de caractère absolument paradoxales, quand on connaissait son besoin d’analyser et de comprendre ce qui l’entourait. Mais qu’importait, âgée de dix ans à peine, Sasha se voulait déjà changeante, aimant le mystère qu’elle dégageait constamment, et qui faisait d’elle quelqu’un d’insaisissable. Fronçant les sourcils lorsque la voix de son frère aîné se fit plus forte, elle jeta un coup d’œil désabusé vers eux. Les enfants Fergussen avaient décidé de s’éloigner du manoir pour l’après midi, pour être sûrs de pouvoir jouer au Quidditch tranquillement, leur sport favori. Et bien que Sasha ne partage pas réellement cette passion, son jeune âge avait fait qu’elle avait été obligée de suivre, non sans bouder légèrement. Loin d’être capricieuse, elle n’hésitait pas cependant à faire entendre son avis, que cela plaise ou non, et parfois, la diplomatie lui faisait défaut.

William : « Sasha ! Viens nous rejoindre ! »

Ne daignant même pas tourner la tête dans sa direction, Sasha savait néanmoins que la bataille était perdue d’avance, et que pour sa part, ces mots signifiaient la fin de sa tranquillité si chère à ses yeux. William était l’aîné, et on n’ignorait pas les paroles d’un grand frère. Tel était le commandement qu’elle avait reçu depuis toute petite, et qu’elle ne suivait pas forcément, jouant avec la provocation comme elle savait si bien le faire.

Nathanael : « Tu pourras être dans mon équipe ! »
Aaron : « Sasha m’oblige pas à venir te chercher. »
Tarlach : « Mais laisse là, ce n’est qu’une peureuse de toutes façons. »
Aaron : « Elle a peur de monter sur un balais ! »
Tarlach : « Si tu ne sais pas voler, tu n’es pas une Fergussen ! »
Aaron : « Les Fergussen se doivent d’être d’excellents joueurs de Quidditch. »
Tarlach : « C’est dans les règles. »

Les jumeaux diaboliques, qui aimaient s’unir pour mieux mettre à l’épreuve leur plus jeune sœur. Loin de s’en offusquer habituellement, principalement parce qu’il n’y avait rien de plus normal dans une famille nombreuse, Sasha releva brusquement la tête à leurs paroles, ses yeux s’assombrissant. Passant souvent des journées entières le nez dans ses bouquins, la douce enfant ne participait que très peu aux activités sportives de ses frères. Car là où la brutalité était requise, elle recherchait au contraire la douceur des mots, voulant comprendre des émotions qu’elle n’arrivait pas à ressentir. Exercice des plus ardus pour celle qui se considérait comme étant un cœur de pierre, n’arrivant pas à éprouver, ne parvenant pas à transmettre. Ainsi, elle passait beaucoup d’heures à lire, dévorant des livres entiers, à la recherche de quelque chose qui semblait s’éloigner constamment d’elle, la narguant et jouant avec elle. Et si elle ne parvenait pas à avoir des sentiments, ses colères étaient d’autant plus violentes que son tempérament de feu ne lui conférait aucune limite. Fermant vivement son livre, Sasha se mit debout sur ses pieds en un seul mouvement, toisant les jumeaux d’un regard menaçant. Elle ne supportait pas qu’on lui impose des défis, et par dessus tout, elle ne supportait pas l’idée de se sentir rejetée parce qu’elle était différente. Elle était une perfectionniste, et ne concevait pas la médiocrité, ce qui était d’autant plus valable pour elle même.

William : « ça suffit vous deux » intervint-il, se faisant la voix de la sagesse.

Mais l’aîné avait parlé bien trop tard, et déjà, l’inévitable se produisait devant ses yeux impuissants. Une jeune sorcière qui n’avait pas encore reçu son enseignement, des pouvoirs mal maîtrisés, et l’accident était vite là, parfois amusant, souvent dérisoire, mais rarement grave. Mais aujourd’hui était l’exception qui confirmait la règle, comme la douce sentit la colère s’infiltrer en elle, tel un poison aussi violent que destructeur. Et comme elle eut l’impression qu’un voile rouge lui brouilla la vue, bloquant ses pensées rationnelles, elle ne put retenir un léger sourire lorsque un de ses frères tomba de son balai. Aaron atterrit sur le sol dans un bruit sourd, son bras craquant dans un son sinistre, tandis que le jeune garçon se mettait à hurler dans la douleur. La seconde d’après, ses frères étaient auprès de lui, s’assurant qu’il n’avait rien de grave, William prenant rapidement le contrôle de la situation. Sasha ne bougea pourtant pas de sa place, observant la scène avec fascination. La peur, l’incompréhension, la douleur, la panique, tant d’émotions, tant de choses à éprouver à travers cette vision, qu’elle ne pouvait pas en détacher son regard brillant d’un intérêt dérangeant. Peu à peu, le petit Ange devenait le bourreau, satisfaisant sa curiosité, assouvissant sa soif d’émotions.

La vérité était là, frappante, s’imposante à son esprit, faisant son chemin, et ne se souciant guère des ravages qu’elle laissait derrière elle. Et comme son cerveaux enregistrait les paroles de celui qui avait été sa première vrai relation, Sasha guetta le moment où la tristesse aurait du l’accabler, et où sa rage aurait du prendre des proportions hors norme. Mais pourtant, rien de tout cela ne vint. Une vague peine, une vague colère, si faible, qu’elle dut se concentrer pour mieux les ressentir. Pourtant, n’était-elle pas censée pleurer alors qu’il lui annonçait qu’il la quittait ? N’était-elle pas censée l’insulter, maintenant qu’elle savait qu’il l’avait trompée tout ce temps ? N’était-ce pas ce que faisaient tous les autres ? Mais elle ne parvenait pas réellement à ressentir, si bien qu’elle fut rapidement frustrée, comme le petit génie qui était en elle se réveilla, emmenant avec lui son exigence. La douce Serdaigle était connue pour ce trait de caractère parmi ses pairs, son perfectionnisme ayant fait bien des ravages. Elle ne supportait pas la médiocrité, et entraînait tout le monde avec elle dans sa recherche pour ce qu’il y avait le mieux. Mais heureusement, ayant grandit dans un milieu masculin, elle avait appris très tôt à charmer son monde, et à jouer avec son physique. Loin d’être libertine cependant, elle faisait partie de ces femmes libérées, à tout juste 17 ans. D’une douceur extrême, elle savait manier les mots, tout comme elle trouvait toujours les gestes pour attirer. Petit Ange à l’allure fragile, elle dégageait cet aura de mystère autour d’elle, ne se dévoilant jamais, du à un manque flagrant de confiance envers les autres. Bien qu’elle n’avait pas de raison réelle, elle ne pensais pas être capable d’aimer suffisamment, pour laisser quelqu’un entrer dans son cercle. Cercle qui n’était autre qu’une forteresse aussi bien physique que spirituelle, avec lequel Sasha avait une vision très claire de la limite à ne pas franchir. Chose dont le cœur de pierre qu’elle affirmait avoir se contentait largement.

Adelan : « Je suis désolée, je ne voulais pas te blesser » termina-t-il dans une voix quelque peu stressée. « Mais je t’en prie, dis quelque chose. Insulte moi, gifle moi, mais parle moi ! »

Clignant des yeux pour sortir de ses pensées, la Douce afficha une mine des plus blasées. Elle était incapable d’accéder à sa requête, et pourtant, ce n’était pas faute de le vouloir. Devenu un réel complexe au fil du temps, son manque d’émotion faisait bien des ravages chez la jeune femme. Sa soif d’émotion était intarissable, ne faisant que renforcer le fossé qui se creusait jour après jour dans sa vision des choses. Aujourd’hui ne faisait pas exception à la règle, puisque son cœur semblait plus vide que jamais. Si elle n’était pas capable de ressentir quelque chose, Adelan allait ressentir pour elle. Et comme cette pensée faisant son chemin dans son esprit, un fin sourire apparut sur ses lèvres, tandis qu’une étincelle de curiosité s’alluma dans ses yeux gris. Posant son regard sur la cheminée de la salle commune, il ne lui fallut que quelques secondes de concentration pour que les flammes prennent vie. Le pouvoir de l’illusion était dans sa famille depuis des générations, et était d’autant plus dangereux quand il n’était pas maîtrisé. Bien sûr, la jeune fille avait l’interdiction formelle de s’en servir, mais un accident était si vite arrivée… et en l’occurrence, lorsqu’il y avait un déclencheur visuel, c’était devenu un jeu d’enfant pour la Serdaigle. Elle avait découvert son don deux ans auparavant, et depuis, elle n’avait de cesse de s’entraîner avec, voulant le comprendre et le maîtriser. Elle avait créé plus d’un drame, mais qu’importait, elle avait appris de chacune de ses erreurs. La projection du feu fut facile, comme la réalité bascula brusquement dans un monde fait que de flammes, et bientôt, la salle fut remplie par les cris d’Adelan. Plantant son regard dans le sien, Sasha ne rata aucune des émotions traversant ses pupilles, tentant de les comprendre, et se rassurant de leur présence. Peut être était-elle humaine finalement, si elle arrivait à être touchée par l’autre. L’exercice ne dura que quelques secondes, mais la jeune femme dut s’arrêter, épuisée, comme son ancien ami tombait au sol, en pleurs.

Sasha : « Cela te suffit-il, comme réaction ? » souffla-t-elle en réponse à sa phrase quelques minutes plus tôt.

La Serdaigle n’attendit pas de commentaire, comme elle tourna les talons pour partir, sachant parfaitement que ce n’était qu’une question de seconde avant que la salle commune ne soit envahie par leurs camarades, alertés par les cris. Elle ne se souciait guère de savoir s’il allait bien, ou même s’il allait s’en remettre. En vérité, Sasha avait la faculté de rayer les gens de sa vie à partir du moment où elle était trahie, et ce, de manière définitive. C’était une manière de faire plutôt radicale, mais la seule à ses yeux, qui lui permettait de protéger son cercle. Disparaissant discrètement de la salle, la Douce ne jeta même pas un regard en arrière.

Je n’avais jamais cru en être capable un jour vaincre ce côté de ma personnalité, et à vrai dire, je n’avais jamais osé l’imaginer. Je ne ressentais rien, c’était quelque chose qui m’avait toujours perturbé, et je n’avais pas hésitée à me montre empathique pour ressentir les émotions des autres. Devenant ainsi bourreau à mes heures, rien ne pouvait m’arrêter, pour peu que j’en aie envie. Je n’aspirais à ressentir des sentiments que je ne comprenais pas, je ne voulais que faire battre ce cœur qui me semblait n’être fait que de pierre. Cela ne m’avait jamais semblé comme étant un souhait déraisonnable, car après tout, qui ne souhaitait avoir ce qui faisait que chacun d’entre nous était un humain ? Je m’étais réfugiée dans les livres, pour que les mots puissent me décrire ce qui m’était alors inconnu. J’étais devenue une passionnée de musique, cherchant à vivre sous les notes. Mais pourtant, cela n’avait jamais été suffisant, il m’avait fallu toujours plus, me rendant particulièrement insatisfaite. Peut être était-ce dû au fait que j’étais une perfectionniste, et que mon exigence envers moi même – et les autres – n’avait d’égal. Toujours est-il que je ne ratais jamais la moindre petite parcelle d’émotion qui pouvait apparaître sur le visage de mes camarades, ou se trahir dans leurs mots et leurs gestes. Je voulais comprendre, mais par dessus tout, je voulais ressentir. Malgré tout, j’ai réussi à rester moi-même, incarnant la douceur, le mystère, et la passion. Je savais séduire mon monde, j’avais appris depuis longtemps à charmer, et ma famille m’avait inculqué des valeurs depuis mon plus jeune âge. Difficile de ne pas les respecter, quand vous avez 4 frères pour vous rappelez à l’ordre. Mais qu’importait, je n’avais pas besoin de cela pour savoir qui j’étais. Je connaissais mes limites, ce dont j’étais capable, et je savais ce que je voulais. Et le plus important était que maintenant, j’avais appris à vivre avec ma soif d’émotions. Cela m’avait prit 25 ans, entre temps, j’avais terminé ma scolarité à Poudlard, avant de suivre des études supérieures en littérature. Et maintenant, j’étais de retour dans ce château, bouclant la boucle, achevant ce cycle infernal. Quelle ironie du sort.