_____Heather se racla discrètement la gorge, aussi élégamment que le lui permit son état d’extrême irritation sur le moment. Ce Prince était d’un ennui mortel mais, pire que tout, se comportait de façon affreusement insultante.
Elle s’obligea à garder son calme, en apparence - mais ses doigts tapotant le bord de la table à intervalles réguliers trahissaient son impatience. Face à elle, son ‘fiancé’ fixait son assiette d’un regard morne, apparemment bien peu enclin à lancer un quelconque sujet de conversation. La jeune femme laissa un inaudible soupir dépité franchir la barrière de ses lèvres et détourna le regard. Ce n’était pas comme s’il était nécessaire de lutter. Un simple coup d’œil suffisait à deviner le manque d’entrain de Prince à l’égard de ce mariage arrangé, et il fallait dire qu’au départ, elle avait également eu du mal à l’accepter. Ces façons de faire étaient complètements dépassées, et il n’y avait bien que les familles de sang-pur conservateurs pour y accorder encore autant d’importance. Mais elle, faisait avec. Sa famille, mine de rien, elle y tenait et la respectait. C’était même la principale raison qui la poussait à arborer des allures de jeune fille respectable, et à ne faire ses propres expériences que dans l’ombre pour ne pas entacher la réputation des Lowell. Et puis, de là à l’ignorer ! Il exagérait, quand même ! D’autant que sans qu’elle ne comprenne tout à fait pourquoi, elle avait du mal à lui en vouloir directement, ne cessant intérieurement de chercher des excuses à son attitude.

La fin de la soirée fut une délivrance ; ni plus ni moins. Heather s’empressa de saluer son fiancé, soulagée d’être enfin débarrassée de cette épreuve… Ou du moins était-ce ce dont elle essayait de se persuader. Au fond, toute cette histoire lui laissait un arrière goût amer à l’idée des futures années à passer en la compagnie de Callaghan. Dire que l’opposé de l’amour était la haine n’était pas entièrement vrai : l’indifférence pouvait parfois se révéler plus blessante.

***

- « Dahlia, tu dis ? »

Le ton employé était empreint d’une pointe d’étonnement. Heather venait de se redresser sur ses coudes, un sourcil relevé, et attendait une confirmation à ce qu’elle avait cru comprendre. Son interlocutrice acquiesça d’un geste lent, apparemment satisfaite de son effet, et la brune eut tout à coup envie de lui faire ravaler son sourire. Mais il lui fallait être sûre…

- « Tu parles bien de.. McCloud ? La Poufsouffle ? La cousine de Zack’ ? »
- « Oui, évidemment. Qui d’autre ? ça m’étonne en fait que tu ne te sois rendue compte de rien ; mais apparemment ton fiancé fricotte avec sa meilleure amie. »
- « Meilleure amie… »

Son interlocutrice, occupée à fouiller le contenu de sa malle, arrêta brusquement son geste à l’entente de cette étonnante question implicite, pour relever la tête en direction de Heather, dont les sourcils s’étaient froncés.

- «Tu ne regardes vraiment jamais autour de toi ! Tu n’as pas remarqué qu’ils sont toujours fourrés ensembles depuis la première année ? »

La brune ne prit pas la peine de répondre. Elle avait jusque là réussi à occulter jusqu’à l’existence de Callaghan… Et voila qu’on lui apprenait qu’il regardait d’autre filles qu’elle. Bien sûr, elle n’était pas très bien placée pour lui reprocher ce genre de choses… et à vrai dire, cela aurait dû lui être égal… S’il avait au moins fait l’effort de lever les yeux vers elle une fois de temps à autres !

- « Et tu es sûre de ce que tu dis ? »

L’autre acquiesça d’un mouvement de tête et quitta le dortoir, quelques affaires en main. Sans doute se plaisait-elle à penser que cette information attiserait la jalousie de Heather. Et elle avait raison… mais en partie seulement. Ce n’était, au fond, qu’une bête question d’égo. Rien de plus. Elle s’était décidée à considérer Prince comme quantité négligeable depuis leur fameuse soirée ; et voila qu’il prenait tout à coup plus d’importance que nécessaire. Heather se laissa rouler sur son lit pour atterrir à plat ventre, le menton posé sur les paumes de ses mains, une moue ennuyée sur le visage. McCloud… elle ne la connaissait pas très bien –juste par le biais de Zackary, à vrai dire. Et à la façon dont il la lui avait dépeinte, elle semblait être quelqu’un de… comment dire ? Formidable était un bien grand mot. Et l’utiliser pour décrire quelqu’un… non. Alors… potentiellement appréciable ?

Leur relation l’une avec l’autre n’était pas allée, jusqu’ici, plus loin que quelques discussions banales et de brefs saluts au détour d’un couloir. Qu’elle soit à Poufsouffle n’était pas un problème, ce genre de détails ne dérangeait pas vraiment Heather. Simplement, elle n’avait jamais cru nécessaire de s’en faire une amie. Sa notion de l’ « amitié » était de toute façon assez vague…

Mais même en tenant compte du fait que, vu sa source, l’information n’était peut-être pas fiable, il n’en restait pas moins que si Dahlia n’avait pas été dans le paysage… les choses auraient peut-être pu se passer différemment.

- « Alors ? Ces vacances en famille ? »
- « Une catastrophe. Sincèrement, William est un chieur né ! Quand je pense que j’ai été forcée de supporter sa présence pendant deux semaines entières… »

Heather éclata d’un rire sincèrement amusé, bien que comprenant parfaitement les raisons qui pouvaient pousser Lauryn à parler ainsi. Elle se doutait bien que les semaines de relâche avait probablement été mouvementées : il en était toujours ainsi lorsque l’on forçait ces deux là à rester trop longtemps ensembles. C’était même l’un des rares points qu’elles avaient en commun, responsable de leur rapprochement quelques années plus tôt : leur inimitié avec William. Leur rencontre en elle-même, n’avait posé qu’une fragile base. Si Zack’ avait été celui qui l’avait accueillie dans le Poudlard Express, puis aidée à s’intégrer au fil des années en la prenant sous son aile, Lauryn elle avait été celle dont elle s’était inconsciemment rapprochée, l’espace d’un instant, en attendant de passer par l’étape Choixpeau. Elle était habituée à la foule ; et la folie des grandeurs qui semblait avoir frappé sa famille depuis de nombreuses générations déjà, l’empêchait de s’émouvoir face aux dimensions des lieux. Cependant, sans être complètement effrayée par ce qui l’entourait, elle n’en avait pas été pour autant rassurée. Ce qu’elle avait en horreur, par-dessus tout, c’était la solitude. On peut être seul bien qu’entouré d’une foule indénombrable : ça, elle en était parfaitement consciente du haut de ses onze ans. Ainsi s’efforçait-elle en règle générale, de se retrouver aussi souvent que possible dans des environnements familiers ou, sinon, de s’adapter et de s’intégrer le plus tôt possible. Seulement, toute à ses discussions avec Zack’ dans le train ce jour-là, elle n’avait pas songé au moment où ils se retrouveraient séparés ; elle dans une barque pour une inoubliable traversée jusqu’au château, lui dans l’une des calèches réservées aux élèves de deuxième année et plus. Puis il y avait eu l’attente, derrière les portes closes de la Grande Salle, et elle avait encore dû patienter une fois entrée, le temps de se faire répartir. Durant ce laps de temps, elle se souvenait encore avoir entamé la conversation avec cette gamine aux allures farouches, qui la précédait. Lauryn, car il s’agissait bien d’elle, avait poursuivi la conversation avec entrain. Mais Heather s’était rapidement rendue compte que son excitation était plus due à son empressement d’étudier à Poudlard qu’autre chose. Elles s’étaient en quelque sorte mutuellement soutenues : elle en exhortant la fillette à la patience, et Lauryn de part sa simple présence. Puis leurs tours étaient arrivés et elles s’étaient séparées ainsi, sans qu’aucune ne cherche à relancer la conversation avec l’autre.

Un an plus tard, Heather s’était pris la tête, pour la première fois, avec ce crétin de William. Elle ne se souvenait même plus de la cause tant il y en avait eu depuis. Et si elle n’était pas du genre à détester quelqu’un à proprement parler sans raison valable, plutôt prompte à occulter ceux qui la dérangeaient, elle avait su faire une exception pour lui en particulier.
Ce qui clochait entre eux ? … Elle n’osait pas se l’avouer. Mais c’était sans doute… oui, ça ne pouvait être que ça. Will était… comment dire ? Un alter égo masculin. Pas tout à fait identique mais du moins, ayant de trop nombreuses ressemblances avec elle ; et cela, elle avait du mal à l’admettre.
Consciente de la nature de son lien avec Lauryn, elle avait largement préféré s’éloigner de cette dernière, songeant à tort qu’elle s’entendait avec son demi-frère. Ce qui n’était en fait nullement le cas - et elle eut par la suite l’occasion de s’en rendre compte.
Plus tard, elles avaient fini par se rapprocher, et s’étaient tout compte fait largement plues à faire front commun face à William.

D’autre part, leurs fichus caractères à toutes les deux y étaient également pour beaucoup. Quoique de ce côté, Lau’ pouvait même se révéler pire que Heather – s’il lui avait fallu décrire sa camarade en un mot, nul doute qu’elle aurait choisi « explosive ».
L’air boudeur qu’affichait son amie la tira de ses pensées, et elle reprit finalement la conversation où elle l’avait laissée.

- « Je veux bien le croire. D’ailleurs pour le coup j’te trouve bien courageuse. M’est avis que s’il avait fallu que je me retrouve à ta place, on aurait compté un passager de moins au retour… »
- « Oh crois moi, ce n’est sûrement pas l’envie qui m’a manqué ! Au contraire, plus il est loin de moi, mieux je me porte. »

La discussion dériva par la suite sur ses propres vacances, passées au sein de sa famille. Heather n’était pas exactement la fille qu’on rêverait d’avoir, mais savait à merveille sauvegarder les apparences. Rentrer chez elle ne lui causait donc aucun souci ; Et puis il y avait Alexander, son frère aîné ayant déjà quitté Poudlard, et Mildred, dernière née de la famille, âgée d’un an de moins qu’elle. S’ils ne s’entendaient pas à la perfection, ils n’en restaient pas moins tous trois très liés, et les retrouvailles n’étaient jamais synonymes d’ennui. Et ses parents… eh bien, ils étaient suffisamment occupés pour lui laisser le loisir de disposer de son propre temps comme elle le souhaitait.

______Les mains de l’adolescentes se serrèrent convulsivement lorsqu’elle aperçu, de loin, la silhouette de celui qu’elle cherchait. Elle n’avait pourtant aucune raison de se mettre dans cet état… n’est-ce pas ? Ou peut-être que si en fait. Elle ne savait plus trop. Se rendant probablement compte de sa présence non loin de lui, le jeune homme tourna la tête dans sa direction. Heather s’humidifia nerveusement les lèvres lorsque les sourcils bruns de Zack’ se froncèrent.
Elle n’avait pourtant aucune intention de lui laisser percevoir son trouble. Aussi s’appuya-t-elle contre le cadran de la porte, faussement à l’aise, et masqua-t-elle ses mains dans les poches sans fond de sa robe. Un léger sourire en coin, le visage penché de quelques centimètres sur le côté, elle finit par prendre la parole, voyant qu’il ne ferait rien, cette fois, pour lui faciliter la tache.

- « Je peux entrer ? »

Sans attendre de réponse, elle fit quelques pas à l’intérieur de la pièce et pris place à ses côtés.

- « Je voulais te parler… »
- « Ah ? Parce que mon avis t’importe. Bizarrement hier tu m’as affirmé le contraire. »

Il l’avait interrompue sur un ton moqueur ; sa langue claqua contre son palais tandis qu’elle lui lançait un regard agacé, en coin.

- « Tu m’en veux, reprit-elle d’un ton bougon. »
- « Quelle perspicacité ! A priori je serais justement tenté de confirmer. Mais après tout j’ai de bonnes raisons pour ça. »

Les lèvres d’Heather se pincèrent l’une contre l’autre tandis qu’elle cherchait un moyen de faire le sujet dériver sur… autre chose que l’écart de la veille. Elle ne voulait pas s’excuser, fermement persuadée du fait que Zack n’avait pas à gérer son mode de vie, mais ne tenait pas non plus à lui faire la tête plus longtemps que nécessaire. Et puis ce n’était pas comme s’ils étaient en désaccord pour la première fois en six ans ! Au contraire, c’était même habituel.
Enfin. Elle n’était pas là pour ça, de toute façon, et avait quelque chose de bien plus important en tête. Ses épaules s’affaissèrent ; elle croisa les jambes, lissa un instant les plis de sa robe du bout des doigts, puis finit par se blottir contre Zack’ avec un soupire.

- « Je persiste à croire que tu n’as pas à essayer de gérer mes faits et gestes. Mais c’est quand même marrant de te voir t’inquiéter pour moi comme ça. »

Elle lui décocha un sourire taquin. Bien sûr, la plupart du temps, son caractère surprotecteur avait tendance à taper sur le système de la jeune fille. Mais d’un autre côté, savoir que celui qu’elle avait très vite appris à considérer comme son meilleur ami se souciait d’elle la… rassurait. Elle n’aimait pas beaucoup s’attacher, surtout s’il s’agissait de relations à sens unique.

- « N’empêche. Je ne peux pas accepter de te regarder te bousiller la santé sans rien dire. Et puis je ne comprends pas pourquoi tu persistes à te gaver de cette merde, tu…

Elle resserra un peu son étreinte, préférant le couper dans son élan avant que les choses ne dégénèrent à nouveau.

- Arrête, tu exagères. Je n’en prends pas si souvent. Seulement de temps à autres… si j’ai une baisse de moral. Et puis ne t’en fais pas comme ça, c’est pas comme j’y étais accro..

C’était vrai. Et pourtant, il n’aurait pas été étonnant que Zack’ n’en croit pas un mot.
Heather avait une haute estime d’elle-même, et pour elle, ce genre de substance n’étaient qu’un moyen de tenir le coup de temps à autres ; ni plus ni moins. Mais ce « je ne suis pas accro » catégorique était pourtant typique des drogués de manière générale, et elle était consciente que cela ne jouerait pas en sa faveur.

- Dis-moi, commença-t-elle précautionneusement, espérant qu’il ne relancerait pas le débat. Tu as parlé à ta cousine récemment ?

Le sourcil droit du garçon se releva, interrogateur. Elle n’avait pas l’habitude de tourner autour du pot lorsqu’elle avait quelque chose à lui demander. De toutes façons, Zack’ avait cette étrange capacité de comprendre sans trop de difficultés où elle voulait en venir, et il était donc préférable d’aller droit au but.

- Je la trouve un peu trop proche de Callaghan, lança-t-elle alors de but en blanc.

Zack’ serra la mâchoire. Heather n’en avait pas attendu moins. C’était exactement la raison pour laquelle elle s’était adressée à lui plutôt qu’à quelqu’un d’autre concernant ce sujet : son attirance pour Dahlia. Déplacée aux yeux de certains, certes. Mais puisqu’ils n’avaient pas de lien de sang… Pourquoi s’y opposer ? C’était une simple question de sentiments, peut-être même passagers. Et pour le coup, cette histoire pouvait même lui servir alors... elle ne serait pas celle qui viendrait s’en plaindre.

- Qu’est-ce qui se passe ? L’indifférence de ton Prince te tape sur le système, je parie.
- Tu me connais trop bien, faut croire.
- Alors, qu’est-ce que tu veux ?

Elle observa quelques secondes de pause, son index se promenant sur sa lèvre inférieure, avant de lui révéler ce qu’elle avait en tête.

- Je me disais qu’on avait probablement des intérêts en commun… Encore une fois. Pour faire bref, je t’aide à te rapprocher de Dahlia, et du même coup elle s’éloignera de Prince.

Zack’ eut un mouvement de recul furieux.

- Je n’ai aucune intention de manipuler Dah’, ou de lui faire du mal. Et j’espère que ce n’est pas non plus ce que tu as en tête.
- Mais non, corrigea-t-elle avec nonchalance. Tu l’accaparerais de ton mieux, voila tout. Je ne pense pas que passer du temps avec toi peut être vu par elle comme une punition.

Evidemment elle évita de lui préciser où aboutirait son plan. Heather espérait que Zack mettrait de côté ses réticences ; si sa cousine lui cédait, elle aurait ainsi le loisir de narguer Prince. Et de lui prouver que sa chère amie n’était en aucun cas aussi parfaite qu’il pouvait bien le croire.

Bienvenue sur Ad Nox ! =)

C’est un personnage très intéressant, et j’avoue que j’ai beaucoup hésité pour sa maison. Mais j’opte finalement pour Serpentard en espérant que cela te convienne. Un administrateur passera mettre tes couleurs rapidement.

Bon jeu !