Mary-Ann : « L'incantation. S'il-te-plait, l'incantation. »

Un timbre de voix vaporeux et sourd, lourd d'une plainte gémissante à vous en faire frémir l'échine s'éleva suppliante à l'encontre de la jeune Poufsouffle assise à sa table. Cette dernière ne leva pas pour autant la tête, loin d'être indifférente cependant, Kalliope s'efforçait à admirer le contenu de son assiette, jouant nerveusement avec sa fourchette venant glisser sur la faïence blanche. La jeune fille soupira, tentant de faire taire ce palpitant frappant trop fort contre sa poitrine, elle s'efforçait alors de ne pas lever son regard céruléen sur cette interlocutrice venue d'un autre temps, d'un autre monde, à la silhouette vaporeuse et brumeuse, au visage cramoisi et portant sur lui les effluves de la laideur lorsque le feu vous ravage la peau. Une vision d'horreur, à lui en faire soulever l'estomac, et cette voix trop distincte et suppliante de plus, venant rajouter au mystique de ce fantôme, la fit frissonner d'autant plus. Kalliope ne voulait plus l'entendre, murée dans son angoisse, sentant sa gorge se nouer et ses joues blêmir sous ses nerfs qui lâchaient peu à peu, elle refusa de lâcher un mot, se contentant de hocher la tête négativement. Alors le fantôme reprit sa requête, encore et encore, allant jusqu'à prendre un ton menaçant et effrayant qui la fit frémir d'autant plus, sans la faire flancher. L'entité commença alors à vombrir de colère, d'une voix plus aiguë et persifflante, la jeune défunte défigurée continuait à tourner autour de la jeune Poufsouffle dont le regard ne se détachait plus de son assiette. L'incantation...

Kalliope : « Non ! » souffla-t-elle à bout de force, dans un murmure malheureusement suffisament ferme et audible pour que certains de ses camarades ne se retournent vers elle dans un sourire narquois.
Frank : « Hé Kally, tu parles encore toute seule ? »
Mindy : « Si tu parles à ma grand-tante, tu peux lui passer le bonjour ? »

La rangée de Poufsouffle assise non loin d'elle à sa gauche s'exclaffa alors, d'un rire moqueur et d'une oeillade méprisante, les vautours avaient besoin de leur bouc-émissaire pour se sentir exister. Le regard de Kalliope croisa celui de ses assaillants, voilé d'une honte indiscible ainsi que d'une lassitude équivoque. Alors la jeune fille se leva, sous les brimades et les interpellations multiples, osant une oeillade vers le fantôme à la laideur des plus insupportables, lui soulevant un hoquet de surprise bien que ce n'était guère la première fois que Kalliope voyait cette entité envahissante. Sans un mot, l'exaspération se lisant sur son fin visage, la Poufsouffle sortit alors de la Grande Salle, non sans que l'un des jeunes garçons ne lui attrappa fermement le bras dans un sourire cynique dont elle se détacha avec brutalité. Encore une année. Une année où elle se devait de supporter les regards moqueurs et les brimades cruelles. Mais son don, lui, demeurerait encore et toujours, elle était destinée à entendre ces voix d'outre-tombe et à voir tous ces défunts décédés suite à une fin violente et atroce. Combien donc en avait-elle vu passer, portant sur eux les traces horribles de leurs décès, des pendus aux noyés, en passant par ceux qui malgré eux, avaient été victime d'un crime passionnel qui leur avait creusé un trou de la taille d'une balle de plomb dans leur crâne fendu... des visions d'horreur donc, dont elle avait du mal à s'y faire. Et ici et là, on la voyait parfois parler seule, aussi la nommait-on folle. En vérité la jeune fille voyait ces entités, là où ses camarades n'apercevaient rien, et bien qu'elle se résignait à ne pas lâcher un mot à ces fantômes sanglants en présence d'autres personnes, il n'était pas toujours aisé de l'appliquer. Kalliope traça sa route d'un pas vif, sentant sa gorge se nouer bien qu'elle gardait sur elle son visage fier ; la dignité était tout ce qui lui restait, aussi elle s'appliquait soigneusement à ne pas s'abaisser à lâcher des larmes en présence de ses bourreaux. Derrière elle, la jeune fille sentit cet air glacial s'immiscer dans son sillage ; le spectre ne l'avait pas lâchée, et se contenta de murmurer de temps à autres de sa voix frémissante ce mot qui revenait sans cesse. Se dirigeant vers le hall d'un pas lent, la jolie blonde ferma les yeux, paupières closes pour retenir quelques larmes humides, prête à aller rejoindre l'antre froide des cachots malgré ce fantôme obstiné lui tournant autour. Finalement, lasse et exaspérée, Kalliope se stoppa, fixant l'entité qui fit alors de même, se taisant face à cette confrontation taciturne, mais plantant son regard terrifiant dans celui de la jeune fille. Cette dernière leva alors son regard bleu vers le plafond, se dirigeant d'un pas léger vers les escaliers. Cela faisait déjà plusieurs heures que l'entité oppressante la priait de se rendre dans la réserve, plusieurs heures que Kalliope tenait bon, espérant qu'elle la laisse tranquille. Mais face à tant de tenacité qui parfois la faisait tressaillir de peur, la jeune Poufsouffle céda. Ce fut dans une discrétion assurée, jetant des regards guetteurs autour d'elle que Kalliope emprunta donc le chemin de la réserve, dans les tréfonds de la bibliothèque abandonnée à l'heure des repas. La porte s'ouvrit dans un grincement comme la jolie blonde à la silhouette élancée s'avança à pas de félin, légère et vaporeuse. Elle avait la beauté des anges, le sourire divin, le regard séraphin et la voix mélodieuse. Mais les regards, eux, ne retenaient que cette folie lui collant trop à la peau, ce n'était malheureusement pas pour sa beauté ni son parfum que l'on se retournait sur son chemin. S'avançant à pas lents dans la réserve, la voix de la Poufsouffle s'éleva, à l'adresse de ce fantôme à l'aura froide lui tournant autour.

Kalliope : « Pourquoi veux-tu ce livre déjà ? » demanda-t-elle dans un timbre de voix mélodieux.
Mary-Ann : « Trouve l'incantation. Pour m'aider à partir. » rétorqua l'ombre glacée d'une voix sifflante.
Kalliope : « Le titre... ? »
Mary-Ann : « Mots obscurs de l'au-delà. »

La main frêle de la jeune fille glissa sur les reliures usées des ouvrages rangés sur l'étagère poussièreuse. Ce fut après de longues minutes de recherches qu'elle attrappa enfin le livre en question qui l'intéressait, constatant avec appréhension que ce dernier avait pour lui des illustrations laissant à désirer. Un livre de magie noire, sans nul doute, traitant des défunts et des possibilités de les faire revenir... ainsi que leurs conséquences peu appétissantes. Kalliope se pinça les lèvres avant de froncer les sourcils, écoeurée, et haussa son regard vers le fantôme qui semblait scruter avec attention et méfiance, une table emplie de paperasse au loin.

Kalliope : « Ca m'a tout l'air d'être atrocement diffi... »
Mary-Ann : « Il y a deux personnes, là bas. »

Kalliope ferma l'ouvrage d'un coup sec, légèrement honteuse de se savoir épiée à son encontre, même si ce n'était guère voulu. Les personnes en question devaient sans doute l'avoir entendue parler seule, mais au final cela ne pouvait que la conforter dans son titre de "folle de Poudlard". Qu'avait-elle à perdre en suivant l'entité qui la poussa à se diriger vers ladite table, sinon que de gagner des rires moqueurs ? Voilà pourquoi la jeune fille s'approcha des deux inconnus dissimulés dans l'ombre, un soupir las et la mine triste.

Kalliope : « Vus. Vous n'êtes pas franchement doués pour les parties de cache-cache. » fit-elle dans un demi-sourire alors qu'en vérité, sans l'ombre de Mary-Ann, Kalliope n'aurait pas même pu s'apercevoir de leur présence. « Vous pouvez rire maintenant, au moins ce sera fait. »

Haussement d'épaules timide alors qu'elle les fixait de son regard peiné mais de son sourire voilé.