James – « Hey ! Vous faîtes quoi ce soir ? »

Ruth et Daemon levèrent la tête de leurs devoirs et échangèrent un regard amusé. Si James les interrogeait sur leurs projets, c’est qu’il avait forcément un plan à leur proposer. D’ailleurs, si ses deux amis Ruth ou Daemon avait véritablement eu des projets, ceux-ci ne seraient devenus que de simple formalité, le plan de James était, à ses yeux, bien plus palpitant. C’est pourquoi Ruth et Daemon répondirent en cœur qu’ils n’avaient rien prévu. Et lorsque Daemon tenta de prétexter qu’il ferait mieux de rester bosser ses cours de métamorphose, la seule matière dans laquelle il n’excellait pas, James le sermonna.

James – « Laisse tomber tes cours ! Bosser ne changera pas ta moyenne ! Et puis… Tu as déjà raté la soirée d’hier soir, tu ne vas pas rater celle-ci ! »

Daemon n’essaya même pas de protester. A vrai dire… Bosser la metamorphose était advantage une torture qu’un plaisir. Sortir et boire un verre lui ferait du bien. Il n’avait aucune envie de se mettre minable. D’ailleurs, cela lui arrivait rarement, cependant, ce soir-là, il ne serait pas contre quelques verres en plus.

Daemon – « Où se trouve cette soirée ? »
James – « Aucune idée pour l’instant… Hillarie, tu sais la jolie blonde des Poufsouffles, m’a parlé d’un cachot désaffecté. Elle doit me confirmer ça pendant le dîner ! D’ailleurs, à table les gars ! »
Ruth – « Hey !!!! »
James – « Oups ! Désolé Ruthie ! »

Les trois rouges et ors se levèrent. Daemon et Ruth prirent soin de refermer leurs cours et de les empiler dans un coin avant de ne suivre James. Lorsque le tableau de la Grosse dame se referma derrière eux. Ils empruntèrent quelques raccourcis qu’ils connaissaient depuis des lustres pour atteindre plus vite la Grande Salle. James ne cessait de se plaindre.

James – « Aaaah ! Je vais m’effondrer tellement je meurs de faim ! Rien qu’un petit chevreuil pourrait me rassasier !»
Daemon – « Ouai, c’est la légende ! Il en faudrait beaucoup plus ! »

C’est un se chamaillant que les trois amis parvinrent au premier étage du château. Tandis que James et Ruth discutaient, Daemon jeta un regard par une fenêtre en direction du parc et, plus loin, de la forêt interdite. A cet instant, il ressentit une impression étrange. Il lui sembla entendre un mugissement suivi d’un bruissement de feuille et du bruit de quelques branches craquant sous des pas. Daemon secoua la tête. Ce n’était que le fruit de son imagination. La forêt ne l’appelait pas. Et puis, il n’avait certainement pas une ouïe aussi développée que cela ! Il sourit de sa bêtise et pressa le pas pour rattraper James et Ruth. Pourtant cette impression étrange, mais non désagréable, ne le quittait pas. Au pied de la Grande Salle, Daemon prétexta avoir oublié quelque chose et laissa ses amis en plan. Lorsqu’il n’était plus à portée de vue, il poussa la lourde porte du hall, franchit le perron et s’avança dans le parc.

Les bruissements redoublaient à ses oreilles. Il jeta un coup d’œil autour de lui mais il n’y avait pas de vent et le temps était au beau fixe. Un nouveau craquement résonna, plus fort que le précédent. Puis un autre. Daemon avança. De plus en plus intrigué, et malgré les interdictions des professeurs, il avait résolu de se rendre dans la forêt interdite. Il accéléra le pas afin d’arriver plus vite à son but. Obsédé par ce qu’il trouverait sur place et ne doutant même pas qu’il puisse s’agir d’un effet de son imagination. La forêt l’appelait et cherchait à l’attirer. Il était de plus en plus concentré sur son but et sur les bruits qu’il entendait, cherchant à deviner de qui ou de quoi il pouvait bien s’agir. Il se focalisait sur chaque son et sur chaque mouvement. Quelque chose vivait dans la forêt. Et il s’agissait de quelque chose de mauvais.

"Bouh!"

Sans s’y attendre, Daemon sursauta, complètement décontenancé. A se concentrer sur son objectif, il en avait oublié le monde qui l’entourait. Il manqua d’être déséquilibré mais se rattrapa de juste à l’épaule d’une jeune fille aux cheveux sombres : Lauryn. Daemon eut un sourire. Il souriait à chaque fois qu’il la voyait (du moins quand il ne se faisait pas de soucis pour elle), trouvant son enthousiasme communicatif.

Daemon – « Lauryn ! »
"Tu avais besoin de te retrouver seul? Je ne te dérange pas trop, j'espère?"
Daemon – « Non, tu ne me dérange jamais ! J’avais juste… »

Daemon se tut avant de reprendre d’un ton pas très naturel. Avec Lauryn dans les parages, il devait oublier son projet de se rendre dans la forêt interdite. Avec le meurtre d’un Serdaigle durant le mois de septembre, les professeurs étaient devenus très vigilants et avaient mis en garde chaque étudiant, leur interdisant formellement l’accès à la forêt. La présence de sa « petite sœur » d’adoption le contrariait légèrement mais cette contrariété s’évanouit devant l’air anxieux de la jeune fille.

Daemon – « Je faisais juste quelques pas ! Et toi ? Je ne t’ai pas vu dans la salle commune hier soir ! Qu’as-tu fait de ta soirée ? »

Il tenta de la sonder de ses yeux noirs. Malgré son sourire et ses yeux pétillants, elle avait un air fatigué. Il ne lui reprocherait jamais de trop faire la fête, il serait mal placé pour le faire, il lui reprochait seulement de ne pas faire assez attention à elle. Il était hors de question qu’on l’abîme. D’un geste protecteur et affectueux, Daemon passa son bras autour des épaules de Lauryn. Il allait l’entrainer faire quelques pas dans la direction opposées à la forêt interdite quand un rugissement s’éleva de la forêt les figeant tous deux sur place.

Elle s’était rendue à une soirée mais avait juré qu’elle avait été sage. Et puis elle lui avait tiré la langue, mettant un terme à cette discussion. Daemon fit la moue. Il devrait se contenter de cette réponse. Puis il s’amusa de son geste enfantin et resserra son étreinte au fur et à mesure où ils faisaient marche arrière.

"Heu... Daemon? Tu n'allais pas..."
Daemon – « Où ? Je faisais juste quelques pas au hasard et maintenant il est temps de repartir dans la salle commune ! »

Il n’était pas sûr que la feinte prenne. Lauryn était loin d’être naïve. Et surtout Daemon était un très mauvais menteur. Dès qu’il essayait de parler en adoptant un air détaché, ses mains se mettaient à trembler d’un geste presque imperceptible, symbole qu’il n’était pas tout blanc dans l’histoire. Cependant il fallait bien le connaitre pour se rendre compte de ce défaut, et c’était le cas de Lauryn. Il détourna le visage, le regard fuyant et tenta de détourner la conversation en la reportant sur un sujet plutôt banal pour deux fêtards et amis.

Daemon – « Il y a une nouvelle fête ce soir ! On pourrait peut-être y aller ensemble ? »

Et puis le cri retentit, captant l’attention de Lauryn et éveillant son intérêt. Daemon l’avait vu jeter des regards à droite, à gauche, sourire avec cet air espiègle qu’il lui connaissait si bien et tenter de l’entraîner en direction de la forêt.

"Allez! Viens! Je meure d'envie de voir cette... chose!"
Daemon – « Non. »

Il avait parlé d’une voix ferme, presque dure. Son cœur lui criait d’y aller, de sortir sa baguette, de se laisser aller, d’écouter et puis d’observer tout ce qui l’entourait. Il connaissait tellement bien ce sentiment. Sa tension qui montait d’un cran, les battements de son cœur qui redoublaient et puis l’excitation qui le saisissait et l’obligeait à suivre son instinct. Pourtant, à ce moment-là, sa raison lui interdisait de faire ne serait-ce qu’un seul pas en direction de la forêt interdite. Pas tant que Lauryn serait là.

Daemon – « La mort d’Elisabeth devrait te servir d’avertissement Lau’… Il est interdit d’aller dans la forêt… »

Sa voix s’était faite un peu plus douce. Il était conscient qu’il avait pu paraître un peu brusque mais personne ne savait ce qu’il y avait dans cette forêt. N’importe quelle bête pouvait y roder, prête à bondir dès la moindre intrusion humaine. Ses yeux noirs se posèrent sur Lauryn. Pas question de l’entrainer là-bas. Pourtant la jeune fille ne semblait pas avoir conscience du danger qui les entourait. Elle avait dégainé sa baguette et serrait la main de Daemon encore plus fort.

"Avoue que c'était là que tu allais quand je t'ai arrêté..."

Il acquiesça d’un signe de la tête. Intérieurement deux petites voix se battaient en duel.

Voix – « Non. C’est dangereux ! Allez prévenir un professeur ! »
Voix – « Bah ! Le temps que le professeur n’arrive, la bête ne sera certainement plus là ! Quel dommage de la rater ! »
Voix – « et Lauryn ? Tu ne vas pas l’entraîner dans cette histoire ? »
Voix – « Elle sait se défendre, arrête de la voir comme une enfant. Vas-y ! Tu en meures d’envie ! »
Voix – « Mais… »
Voix – « Rooh, la ferme ! Go Daemon ! Go ! »

A son tour, Daemon sortit sa baguette. Il sonda Lauryn et lui trouva un air déterminé. De toute manière, il ne la ferait pas changer d’avis. Il serait obliger de la ligoter et de la porter pour la contraindre à ne pas fourrer son nez dans la forêt interdit. Alors autant y aller… Mais quelque part, l’une des petites voix continuer à crier que c’était une mauvaise idée.

Daemon – « Fais attention à toi. Je ne supporterai pas qu’il t’arrive quelque chose, ok ? »

Cette question n’attendait pas de réponse. Il s’agissait d’un avertissement plutôt. S’il arrivait quelque chose à Lauryn, si elle devait mourir et pas lui, alors il serait fort probable qu’il développe un don qui lui permettrait de projeter son âme dans l’au-delà afin d’engueuler la jeune fille de l’avoir laissé seul. Alors il l’entraina en direction de la forêt interdite.

Daemon – « Lumos ! »

Main dans la main, ils s’engouffrèrent dans la pénombre, se frayant un chemin entre les arbres et les ronces avec pour simple lumière, la lueur des baguettes. A mesure qu’ils s’enfonçaient, ils ne distinguaient même plus la lune.

"Tu as entendu?"

Daemon ne bougeait pas immobile. Oui. Il avait lui aussi entendu le rugissement qui venait de retentir dans la forêt et ce n’était certainement pas fait pour le rassurer. Peu à peu, le cri disparut et le silence revint. Il n’en était que plus oppressant. Chaque bruit, chaque craquement de branches, chaque bruissement de verdure, se répercutait au centuple. Le crissement de leurs pas sur les feuilles mortes qui jonchaient le sol était devenu assourdissant. Daemon sentait le rythme de son pouls s’accélérer. Il était tendu, concentré. La bête était ne devait plus être très loin. Il jeta un regard par-dessus son épaule, s’assurant que Lauryn le suivait toujours.

« J’ai l’impression que le rugissement venait de par-là ! »

Il avait murmuré. Cela lui était venu naturellement. Il n’y avait pas prêté attention et cela n’était pas volontaire pourtant ce murmure donnait une nouvelle dimension à la situation dans laquelle les deux rouges et ors se trouvaient ; à croire que Daemon avait davantage conscience du danger. S’il fut tenté de rebrousser chemin à un moment donné, il n’en laissa rien paraître. A cet instant, ce n’était pas la peur qui l’habitait mais la curiosité. Il n’y avait plus de voix dans sa tête lui intimant de faire demi-tour ou de penser à Lauryn, seulement un sentiment d’excitation et de jubilation. Dans sa main droite, il tenait fermement sa baguette en bois de chêne. Un bois qu’il avait toujours vu comme quelque chose de solide et de stable sur lequel on pouvait s’appuyer et que rien ne pouvait ébranler.
Les deux Gryffondors avançaient le long d’un chemin invisible que Daemon traçait au fur et à mesure. D’un sortilège habile, il taillait les ronces ou les arbustes leur barrant le chemin afin de dégager et de faciliter leur avancée. Parfois un ululement résonnait en échos dans la forêt. Une paire d’aile battait alors à quelques mètres au-dessus de leur tête ; un hibou s’enfuyait, dérangé par la présence des deux jeunes gens. Après un bon quart d’heure de marche quasi-silencieuse, Daemon et Lauryn parvinrent dans une clairière. Daemon abaissa un peu sa garde.

« Ca va ? Tu n’es pas fatiguée ? »

Il ne lui demanda pas si elle voulait faire demi-tour, rentrer en sécurité au château. Il s’agissait d’un geste purement égoïste. Il ne voulait pas s’en aller. Pas sans avoir vu la chose qui poussait ces hurlements. Cependant, il n’était pas contre une pause de quelques instants. Se frayer un chemin dans la forêt interdite était une lourde tâche. Il s’aperçut au passage que le bas de son jean était déchiré mais ce n’était qu’un détail. Il s’en contre fichait.

« On peut s’arrêter un peu si tu veux ? »

D’un geste circulaire de sa baguette magique, il éclaira la clairière, jetant un coup d’œil autour de lui. Tout semblait si calme et si paisible. Rien ne semblait habiter cette clairière. Mais l’obscurité qui les entourait n’était pas là pour les rassurer. Il jeta un regard à Lauryn et sourit. Il venait de se rendre compte, tardivement, que la situation n’était pas vraiment… Idéale. Il était tendu et n’avait presque pas décoché un mot à la jeune fille depuis qu’ils étaient entrés dans la forêt. Son attitude n’aidait pas à rendre la scène un peu moins dramatique. Alors il tenta une légère vanne, appuyée d’un sourire, tout en se laissant tomber sur le sol.

« J’ai toujours rêvé d’amener une fille dans la forêt ! »

Il marqua une pause avant de demander plus sérieusement à Lauryn :

« Tu as peur ? »

Pourquoi poser la question alors que lui-même en cet instant ignorait ce sentiment ? Non, Daemon n’avait pas peur, où plutôt il ignorait sa peur, quelques sentiments heureux mêlés à un peu trop d’adrénaline la dissimulait. Il regarda Lauryn avec insistance, attendant une réponse. Il voulait juste savoir. Savoir comment elle prenait la chose, la galère dans laquelle elle s’était embarquée et puis surtout si elle ne le prenait pas pour un fou. Daemon s’était depuis quelques temps découvert un côté sombre. Il se prenait d’intérêt pour la magie noire, et l’allégresse qu’il ressentait ce soir-là, ne faisait que l’inquiéter davantage.

"Si ça continue, on va rentrer bredouilles...

Lauryn s’était relevée et Daemon limita. La fatigue commençait à passer et il voulait plus que tout se remettre en chasse. Il remarqua l’air maussade de Lauryn. Il eut un sourire et lui lança une vanne afin qu’elle reprenne du poil de la bête.

« Si on ne trouve pas la bête, tu pourras au moins te vanter d’avoir vu un lièvre et une chauve-souris de près ! »

Il lui adressa un clin d’œil, étouffant un petit rire. Il cherchait bel et bien à la rendre furieuse. Daemon arrangea brièvement sa tenue, tirant sur son tee-shirt et époussetant les brins d’herbes accrochés à son pantalon. Il remarqua une feuille emmêlée dans les cheveux de Lauryn et s’approcha pour la retirer. Avant cet instant, il n’avait pas fait attention au jean troué et au genou ensanglanté de la rouge et or. Il ne dit rien. Mais déjà, Daemon se maudissait intérieurement de ne pas avoir été plus ferme. Il aurait dû la reconduire à Poudlard et oublier momentanément son idée folle. Il était à deux doigts de baisser les bras, souhaitant simuler un léger agacement, ou appuyer la jeune fille sur le fait qu’ils ne trouveraient jamais la bête. A l’heure actuelle, ils auraient pu tous deux se trouver à la fête organisé dans l’un des cachots et Poudlard et non à mettre leurs deux vies en danger en provoquant les évènements.

« Tu as raison, je crois que c’est mal parti pour ce soir ! On ferait mieux de… »

Sa phrase resta en suspend. Lorsqu’il releva la tête, il se figea soudainement, les yeux écarquillés.

« Lauryn… Ne bouge surtout pas ! »

Encore un murmure. Mais cette fois-ci, il y avait de quoi s’alarmer. Derrière la Gryffondor, dissimulés dans les fourrées, deux yeux jaunes les observaient. La chose ou la bête, quelle qu’elle soit, les fixait silencieusement. Les yeux jaunes étaient petits et rétrécis. Daemon n’avait rien vu ni rien senti venir d’ailleurs. Maintenant ils étaient pris au piège.
A cet instant, le vent se leva, entrainant avec lui bourrasque de brindilles et feuilles mortes. Il semblait intimer aux jeunes gens de prendre leurs jambes à leur coup. Courrez ! Courrez ! Machinalement, Daemon attrapa la main de Lauryn. Son autre main se referma plus sèchement sur sa baguette magique. Un silence épais régnait dans la clairière. En se concentrant bien, les deux jeunes gens étaient en mesure de percevoir la respiration de la chose qui les fixait, une respiration faible et régulière. La bête ne bougeait pas et on ne distinguait toujours que ses yeux. Elle grogna. Les buissons derrière lesquels elle se cachait bougèrent…

« Courre ! »

Daemon fit volte-face, tirant Lauryn derrière lui. Il l’entraina sur le chemin qu’ils avaient tracé à coup de baguette un peu plus tôt. Les grognements de la bête leur parvenaient accentuant la peur qu’ils pouvaient ressentir. Tout sentiment d’excitation avait immédiatement disparu en Daemon. Le rouge et or ne pensait qu’à une chose : fuir. Il se retournait constamment, surveillant Lauryn et la distance qui les séparait de la créature. Son regard croisait celui de Lauryn, tentant de lui faire passer un message. Tout irait bien. Ils continuaient leur course lorsqu’au bout d’un moment, le silence revint.
A bout de souffle Daemon s’arrêta, scrutant l’obscurité autour d’eux. Il affichait un air inquiet qui n’était pas fait pour rassurer son amie. Quel fou ! Quelle idée saugrenue de s’aventurer dans la forêt. Mais il lui fallait rester sur ses gardes. La bête avait beau avoir disparu, il doutait qu’elle ait renoncé à ses proies.

« Ca va ? Tiens-toi prête ! Elle a peut-être disparu mais ça m’étonnerait qu’elle ne revienne pas à la charge ! »

Un buisson frémit. Quelques oiseaux s’envolèrent. Un autre bruissement résonna dans leur dos. Daemon fit volte-face mais seul le silence lui répondit. Un autre bruissement s’éleva d’une fourrée. Et puis des cris. De petits cris grinçant et aigues. Une nuée de chauve-souris s’envola d’un arbre, fonçant droit sur les deux Gryffondors.

« Protego ! »

Les chauve-souris se heurtèrent au bouclier et mirent un moment avant de se disperser. Les grognements de la créature avaient repris. Cependant ils semblaient venir de mille endroits à la fois. La chose jouait avec eux. Ils étaient devenus ses proies.

"Elle nous nargue..."

Oui… C’était une évidence. Et la situation n’allait pas en s’arrangeant.

« Lauryn, ne t’éloigne pas ! »

La jeune fille l’avait lâché. Elle avait fait quelques pas en avant, cherchant à son tour où pouvait se trouver la créature. Daemon raffermit la pression qu’il exerçait sur sa baguette magique. Il ne comptait pas la lâcher de sitôt. Son intuition lui disait que, bientôt, il allait devoir s’en servir. Alors elle surgit. D’un coup. Brusquement. Et elle bondit sur Lauryn, l’attrapant par la jambe et l’entrainant dans son sillage.

« Lauryn !! »

Aussitôt, Daemon se mit à la poursuite de la bête. Il courait à perdre haleine. Il ne prêtait plus attention aux branchages ou cailloux qui pouvaient le gêner ou entraver son chemin. Il courait aussi vite que possible. Pourtant cela ne suffit pas. La créature était beaucoup plus rapide. Mais Daemon ne comptait pas lâcher. La vie de Lauryn était en jeu et il ne pouvait pas rester là sans agir. S’il perdait la trace de la bête alors… SBAM ! Daemon venait de se prendre violement une branche d’arbre en plein figure et, celle-là, il ne l’avait pas vu venir. Vacillant, il dû se retenir à un arbre. Il perdit quelques minutes à reprendre ses esprits et à retrouver ses moyens. Pourtant il se força. D’un coup sec, il secoua la tête, tentative désespéré pour se remettre d’aplomb. De sa main libre, il s’appuya contre l’arbre auquel il s’était retenu, s’en servant de ressort afin de reprendre sa course mais il se rendit compte que la voix de Lauryn s’était tut et qu’il avait perdu la trace de la créature.
Non…
Alors il lui sembla tomber dans un abîme sans fond. Non… Non… Non ! Impossible ! Il ne pouvait pas avoir perdu la trace de Lauryn.

« Lauryn !! »

Il hurla le prénom de la Gryffondor. Son cri se répercuta en échos à travers la forêt interdite. Cela ne pouvait être. Il fallait qu’il trouve une solution. Il devait la retrouver. Il était certain qu’elle était vivante. Il l’aurait senti si la créature lui avait fait du mal. Rien qu’à cette pensée, le rouge et or se mettait à trembler de rage. Il ne voulait même pas imaginer le pire. Lauryn ? Morte ? « Non ! » Il cria la réponse tout en reprenant sa course effrénée. Il ne savait plus dans quelle direction aller et se laissa guider vers son instinct. Il s’agissait là de son meilleur compagnon dans de telle situation.
Ne plus l’entendre rire. Ne plus la voir sourire. Il devait la retrouver. Elle était importante pour lui et il ne rappelait même plus s’il lui avait dit un jour à quel point elle pouvait compter !
Dans sa course, les ronces s’accrochaient à son jean, le déchirant un peu plus. Les oiseaux s’envolaient, dérangés. La respiration du jeune homme était de plus en plus saccadée. Il n’avait plus aucun repère dans la forêt. Un peu plus tôt, la voix de Lauryn lui avait permis de s’orienter mais plus maintenant. Pourtant, il se fichait complètement de se perdre. Il n’avait qu’une idée en tête : la retrouver. La peur lui tenaillait le ventre et il ne pouvait plus l’ignorait. Il continuait sa course folle. Soudain, il emprunta un chemin de traverse, slalomant entre des arbres centenaires. Il n’avait pas prévu ce qui allait se passer en suite. Le reste du chemin était en pente, il glissa et le dévala sur le dos. Au bout, un ravin l’attendait. Daemon se rattrapa de juste à une branche. L’espace d’un instant, il s’était vu tomber au fond du gouffre. C’est avec précaution qu’il se releva et remonta la pente, s’aidant comme il le pouvait par la végétation.

Et soudain, il eut l’impression de l’entendre l’appeler. Il s’arrêta, aux aguets. Oui ! C’était sa voix ! Il reconnaissait sa sonorité et sa façon de l’appeler. Il sentait la peur dans sa voix. Il voulut courir mais il ne savait dans quelle direction il devait aller. Il ferma les yeux, tentant de se calmer et d’ignorer les battements intensifiés de son cœur. Où ? Dans quelle direction ?
Là !
Alors Daemon reprit sa route. Il ne prenait plus le temps depuis longtemps de tailler la végétation qui entravait son chemin. Il n’en avait plus le temps. Au fur et à mesure qu’il courait, la voix de Lauryn se faisait plus forte. Il était tout proche.
Alors il déboucha dans la clairière. Face à lui, La créature se rapprochait de Lauryn, en prenant tout son temps, comme si elle se rassasiait de la terreur de la Gryffondor. Cette dernière semblait épuiser, adosser contre un arbre, sa baguette dans une main, une branche dans l’autre. L’esprit de Daemon fonctionnait à toute allure. Il lui fallait trouver une diversion.

« Expelliarmus ! »

Le sortilège manqua la créature, heurtant directement un arbre sur sa droite, détruisant quelques branches au passage. Mais le but de Daemon n’avait pas été de touché la créature. D’ailleurs, il n’était pas sûr que son sortilège suffise. Il voulait seulement détourner son attention de Lauryn et la reporter sur lui.

« Hey !! »

La bête fit volte-face, toisa Daemon, s’appuya sur ses pattes arrières et s’apprêta à bondir sur lui au moment, où le Gryffondor tourna les talons et se mit à courir en suivant le chemin par lequel il était arrivé. Il jeta un coup d’œil par-dessus son épaule, s’assurant que la bête le poursuivait toujours. De temps en temps, il jetait des sorts en direction de la créature afin de gagner un peu de distance. Il cherchait à la conduire vers le ravin.

Lauryn crut vraiment, pendant une minute, que tout était finit. Elle voyait la créature s'avancer vers elle comme si tout cela n'était qu'un jeu et elle s'était parée de son bâton, ses mains tremblant toutes les deux alors qu'elle était entièrement parcourue de tremblements. La fatigue commençait à se faire ressentir et c'est fou ce que sa douleur à la cheville lui brûlait de l'énergie. Elle déglutit, ayant du mal à retrouver le courage qui avait fait qu'elle était à Gryffondor. La peur lui grillait le ventre et elle ne parvenait même pas à trouver ne serait-ce qu'une seule formule afin d'user de sa baguette magique. Celle-ci était éteinte, la clairière se retrouvait maintenant dans le noir.

Elle vit l'apparition de Daemon comme une bénédiction. Sans lui, elle serait certainement morte. Elle aurait aimé courir afin de lui sauter dans les bras, de lui dire à quel point elle était heureuse qu'il l'ait retrouvée, qu'elle ne voulait plus jamais qu'il parte et qu'elle voulait rentrer. Son escapade était terminée, rien ne viendrait à bout de la bête. Elle l'avait vue, de ses propres yeux. Elle en avait assez. Elle ne put que formuler son prénom cependant avant qu'il n'attire la créature ailleurs. Affolée de le voir s'en aller avec cette horrible bête à ses trousses, Lauryn demeura figée un instant avant de se décider à le suivre. Saisissant son bâton afin de l'aider à se soutenir et à ne pas trop s'appuyer sur sa cheville, elle se rendit bien compte que c'était inutile et elle le laissa dans les broussailles. La branche avait une trop forte tendance à s'enchâsser dans le sol boueux et c'était davantage un handicap qu'autre chose. Laissant donc le bâton de côté, sa baguette magique pour seule arme, elle s'engouffra de nouveau dans le sentier, grimaçant chaque fois que son pied blessé touchait le sol.

"Lumos."

Elle avait murmuré la formule afin d'éviter qu'une nouvelle bête ne décide de s'attaquer à elle. Paniquée alors qu'elle ne voyait que quelques pas devant elle, dans un cercle d'environ deux mètres de diamètres, elle comprit que la situation dans laquelle elle les avait fourré tous les deux était inconcevable. Elle mériterait une grosse punition pour ça... Elle tentait de suivre les traces de pas de Daemon, mais ses empreintes se mélangeaient aux siennes, à celles de Daemon qui allaient en sens inverse et à celles des deux adolescents qui étaient arrivés par là un peu plus tôt. Difficile de s'y retrouver. Toutefois, elle n'avait pas de mal à suivre les traces de la créature. Les yeux fixés au sol, elle se prit les pieds, quelques fois, dans des racines, n'aidant pas sa cheville qui avait déjà du mal à faire ce qu'elle demandait. En effet, celle-ci aurait préféré demeurer élevée dans une position qui permettrait sa guérison, mais la jeune fille la poussait toujours à bout. Elle n'osait pas hurler le prénom de Daemon, étant plus consciente qu'il devait avoir eu l'une de ses idées de génie et qu'elle ne devait pas faire échouer son plan. Effrayée par diverses petites bestioles qui ne lui avaient jamais fait peur avant, Lauryn se demanda si elle n'était pas devenue folle. La douleur dans sa cheville droite devenait de plus en plus insupportable et elle s'adossa à un arbre dont le tronc faisait au moins deux fois sa taille, afin de respirer un peu.

Elle avait voulut venir ici, mais là, elle ne demandait qu'à partir. La sensation désagréable de se sentir épiée s'était emparée d'elle et la forêt semblait hostile à tous ses mouvements. Elle observait autour d'elle, guettant un cri, un quelconque signe qui signifierait que Daemon revenait, que la bête était prise au piège et qu'ils finiraient par rentrer. L'attente lui semblait interminable et elle décida de recommencer à marcher, paniquée à l'idée de demeurer parfaitement immobile.

Daemon continuait sa course, la créature sur ses talons. Il se retournait fréquemment, lançant des sorts lui permettant de garder la distance qu’il avait acquis. Avis. Expeliarmus. Tous ces sorts qu’ils avaient appris à Poudlard lors de duels ou de cours de Défense contre les forces du mal, lui étaient aujourd’hui utile. Il ne pensait plus à rien. Il gardait l’esprit fixé sur son objectif. Ses tirs étaient vifs et précis, touchant les cibles qu’il se donnait : l’explosion de branches d’arbre pouvant entraver la route de la créature, un vol de canaris en furie détonnant dans la forêt obscure.
Le chemin à travers lequel se dirigeait Daemon se rétrécissait de plus en plus. Il se fiait aux hautes herbes aplaties sur le sol afin de se repérer. Il dépassa un arbre aux troncs tordus d’une étrange manière. Il l’avait entraperçu en courant à la rescousse de Lauryn si bien que l’idée qu’il se dirigeait dans le bon chemin le réconfortait.
Dans son dos, la créature rugissait. Un instant, elle s’appuya sur ses pattes arrière et bondit afin de rattraper le retard qui la distançait du rouge et or. Daemon poussa un juron et accéléra, muet par la peur. L’espace qu’un instant, il cru sentir le souffle chaud de la créature dans son cou. Il lança un sort à l’aveuglette. La créature gémit. Il venait de la toucher. Il en profita pour prendre un peu plus d’avance, redoublant d’effort. Un point de côté le tenaillait. Son souffle était court. Contrairement, à l’apparence qu’il pouvait donner, Daemon n’avait jamais été très sportif. Cependant il redoubla d’effort. Sa vie en dépendait et, par extension, celle de Lauryn. Les traits de son visage s’étaient durcis, à cause de la douleur et de l’effort qu’il devait fournir. Il se retourna et s’aperçut que la créature avait disparu. Le jeune homme se figea, priant pour que rien n’ait détourné son attention. Il fit quelques pas en arrière, prudemment.

« Rrrrrr ! »

La bête venait de surgir de nulle part. Elle avait bondit à ses pieds, la gueule grande ouverte, rugissant de rage. Epouvanté, Daemon recula. Il trébucha, manqua de tomber sur le sol, retrouva son équilibre difficilement et avança le bras en signe de protection. Sers-toi de ta baguette ! murmurait une voix dans son esprit. Alors, il prononça une formule. Un éclair blanc jaillit de sa baguette, touchant la bête, qui hurla, en pleine poitrine. Daemon se remit à courir, tout en s’assurant que la bête le prenait de nouveau en chasse. Il ne restait au rouge et or qu’un tout petit effort à fournir. Il était quasiment arrivé.
Le ravin était là, dissimulé derrière des fourrés. Le jeune homme s’arrêta, abaissant sa baguette et lentement, il se retourna pour faire face à la bête. Un… Elle rugissait, crocs et griffes sortis… Deux…. Daemon fermant les yeux et prit une inspiration profonde… Un ! Alors que la créature venait de bondir sur lui, Daemon plongea sur le côté, atterrissant durement sur le sol. Il entendit les hurlements de la créature. Il l’entendit dévaler la pente et puis, plus rien… Il se releva avec précaution. De petits cailloux et quelques brindilles s’étaient enfoncés dans ses mains. Doucement, il s’approcha des buissons dissimulant le ravin. Il n’y avait plus aucune trace de la créature. Bien sûr, cela ne voulait pas dire qu’elle avait complètement disparu. Elle était juste momentanément hors d’état de nuire.

Daemon poussa un soupir de soulagement. Il sentit une certaine allégresse l’envahir. Il était en vie et il s’en sortait avec seulement quelques égratignures et une légère couleur bleutée autour de l’œil provenant de la branche qu’il avait reçu de plein fouet. Ses vêtements étaient sales et déchirés, ses cheveux en bataille, dans lesquels s’étaient emmêlées quelques feuilles. Il ne payait pas de mine mais se foutait complètement de l’image qu’il pouvait donner à présent. Il avait affronté la créature et avait survécu. Daemon éclata de rire. Il s’agissait d’un rire nerveux, un peu dément dû à la nervosité et la peur qui retombaient.

« Mieux vaut ne pas rester dans les parages. »

Il s’éloigna du ravin et l’image de Lauryn s’imposa à lui. Alors il sourit et se remis à courir. Il retrouva la Gryffondor sur le chemin où il avait entrainé la bête. Elle marchait difficilement et Daemon ne manqua pas de remarquer sa jambe blessée. Silencieusement, il s’approcha d’elle. Il lui était impossible de parler mais son visage était éclairé d’un sourire. Le Gryffondor était rayonnant. Le soulagement le rendait rayonnant. Il s’avança et quand il arriva à la hauteur de la jeune fille, il la prit dans ses bras.

« C’est terminé… On rentre. »

Alors il s’agenouilla, indiquant à Lauryn de s’accrocher à son cou. Il la porterait durant le trajet du retour.

"Comment tu as fait? Cette bête était immense et..."
« Il y avait un ravin, j’ai juste servi d’appât et elle est tombée en plein dans le panneau. Je ne suis pas sûr qu’elle ait réellement disparu… Mais cela nous laisse amplement le temps de rentrer ! »

Daemon retrouva le chemin de Poudlard plus facilement que ce à quoi il ne s’était attendu. Il se sentit soulagé une fois qu’il aperçut la lune et la silhouette du château, plongée dans l’obscurité. Il sentit Lauryn faire pression sur son bras. Il se baissa et lui permit de descendre. Elle n’était pas lourde et s’était installée dans une position qui ne pesait pas trop au jeune homme. Devoir enjamber des racines et faire attention où il devait mettre les pieds fatigués davantage le Gryffondor.

"Je peux marcher, je... J'en suis capable..."
« Ok. Tu veux tout de même t’appuyer sur moi ? On a encore un peu de chemin avant d’arriver à l’infirmerie. »

Il lui jeta un regard qui n’admettait aucune réplique. Oui, il l’amenait à l’infirmerie et non, elle ne parviendrait pas à le faire changer d’avis. Elle était blessée et si elle ne voulait pas le rester trop longtemps, seule l’infirmière pourrait l’aider. Cependant Daemon se demandait quelles excuses ils pourraient sortir à l’infirmière pour justifier d’une part leur promenade nocturne et d’autre part, leur état. Ils auraient pu se retrouver prisonniers dans un cachot entourés de fantômes ? Ou alors, ils pourraient prétexter être restés trop longtemps dans le parc, ne pas s’être rendus compte de l’heure qu’il était et, une fois le couvre-feu passé, ils se seraient retrouvés enfermé à l’extérieur du château. En revanche, cela n’expliquait pas comment ils avaient enfin parvenu à rentrer à Poudlard. Peut-être valait-il mieux se taire et éluder les questions de l’infirmière par des réponses évasives ? Daemon prit la décision d’improviser sur le coup. Lauryn ne pouvait pas rentrer dans la salle commune sans passer par la case infirmerie.
Il avait posé Lauryn sur le sol mais ne l’avait pas lâché pour autant. Il craignait en desserrant son étreinte qu’elle ne s’éloigne de lui. Pourtant, il la sentit bouger et lorsqu’il la regarda, leurs regards se croisèrent.

"Merci. Vraiment. Je ne sais pas ce que j'aurais fait sans toi, je serais morte, c'est sûr..."

Le rouge et or se sentit étrange tout d’un coup. Il ne s’en serait pas fallu plus pour que ses membres ne se mettent à trembler. Il regarda Lauryn, une idée lui traversant l’esprit. Et puis mal à l’aise, il la lâcha et recula de quelques pas. Non. Non. Non. Daemon tenta de chasser l’idée qui venait de lui traverser l’esprit. L’embrasser ? Pure folie ! Il la considérait comme sa petite sœur depuis des lustres et ne l’avait jamais vu autrement. Il était impossible que cela ne change. Le jeune homme mit cela sur le coup de l’émotion et de la peur qu’il avait eu précédemment en l’imaginant morte. Il passa une main dans ses cheveux essayant de se donner une certaine contenance. Il n’en revenait pas d’éprouver ça. Non pas qu’il n’ait jamais vu Lauryn comme une vrai femme… Seulement il s’était toujours interdit de la voir ainsi.

« A ton service ! » répondit-il avec un sourire.

Il replaça une mèche brune derrière l’oreille de la jeune fille, ne la quittant pas des yeux. Puis, se rendant compte de l’intensité avec laquelle il l’observait, il préféra changer de sujet.

« Rentrons. Il est temps ! »

"Non!"

La jeune fille avait dit cela d'un ton étouffé. À bien y repenser, elle n'avait pas que les chauves-souris en horreur... Elle avait bien entendu le ton de Daemon et savait que rien ne le ferait changer d'avis, mais elle ne pouvait pas s'empêcher de protester. Elle était au courant que ça ne changerait rien, qu'elle se retrouverait tout de même assise sur le lit blanc à regarder le plafond. Elle en avait la nausée seulement à y penser. Elle avait remis son pied valide au sol et elle maudissait Daemon qui la retenait trop près de lui. S'il l'avait lâchée ne serait-ce que de quelques centimètres, elle aurait pu courir, disparaître et... C'était beau rêver, mais jamais elle ne réussirait à le distancer avec sa cheville tordue qui la faisait souffrir le martyr dès qu'elle la posait au sol. Surtout qu'elle n'avait pas amélioré son cas en marchant dessus quand même...

"S'il te plaît...! Tu peux guérir ça, je suis sûre et je n'ai pas envie d'y aller... S'il te plaît...!"

Pourtant, elle savait qu'elle parlait dans le vide et qu'il ne ferait qu'à sa tête. Tentant de ralentir l'allure afin d'arriver plus tard aux portes de l'entrée, comme un enfant qui fait des millions de choses avant de se mettre au lit. Pourtant, elle fut surprise de la réaction de Daemon lorsque celle-ci affirma qu'il lui avait sans contredit sauvé la vie. Il l'avait relâchée et elle aurait pu tenter de lui échapper, mais elle doutait d'y arriver et elle était trop ahurie pour faire quoi que ce soit. Elle le regarda un instant. Il semblait tout émoustillé, comme si, tout d'un coup, une certaine pensée venait de lui traverser l'esprit. Évidemment, prenant tout de travers puisque Lauryn n'était pas habituée à ce genre de choses, elle s'approcha de lui en boitillant et posa une main sur son bras, le serrant avec une délicatesse qui ne lui allait pas. Disons simplement qu'on avait connu une Lauryn un peu plus brusque.

"Hey... Mais c'est pas grave, hein... Je suis là, maintenant et c'est grâce à toi."

Elle eut un sourire lorsque ce dernier ramena l'une de ses mèches de cheveux derrière son oreille en spécifiant qu'il était à son service. Cela lui faisait pourtant chaud au coeur de constater qu'elle était surveillée de près par Daemon. Elle avait certes remarqué qu'il l'observait, mais elle en conclut bien rapidement que le jeune homme était heureux de la retrouver saine et sauve. Après tout, elle-même avait eu peur de le perdre et sa réaction dans la forêt lorsqu'elle l'avait retrouvé prouvait bien ce sentiment qui s'était emparé d'elle et qui lui avait brûlé les entrailles. Il décida finalement de rentrer et elle acquiesça en silence, passant son bras autour de ses épaules afin de se soutenir. La proximité qui les unissait ne semblait pas déranger la jeune fille et lorsqu'ils arrivèrent sur le pas de l'entrée et que la jeune fille poussa la porte, elle fut heureuse de n'y trouver personne. À cette heure...

Elle se fit traîner contre son gré jusqu'à l'infirmerie, paniquée à l'idée de passer la nuit dans cette foutue pièce. Dès qu'ils firent irruption sur le pas de la porte, l'infirmière se retourna vers eux avec les sourcils froncés. Lorsque celle-ci demanda ce qui s'était passé, paniquée à l'idée de voir les deux adolescents entrer en piteux état, Lauryn sortit la première idée qui lui passa par la tête, sans pourtant réussir à réellement raconter une histoire qui aurait du bon sens.

"Le saule cogneur. J'ai été stupide, j'ai... heu... j'avais perdu le rat de Cathy et bah... Daemon m'a aidée à me sortir de là. C'est dommage pour le rat, hein parce qu'il a vraiment disparu..."

Elle avait décidément du mal et elle ramenait sans cesse son regard sur Daemon dans l'espoir qu'il l'aiderait à inventer un truc plausible. Elle s'était instinctivement serrée contre Daemon, détestant déjà la pièce blanchâtre -- trop blanche. Pourtant, l'infirmière lui assura que tout irait bien et elle laissa Daemon avec un regard suppliant. Elle s'assit sur le lit, comme elle l'avait bien cru alors que la femme usait de sa baguette afin de replacer les muscles tordus de sa cheville. Lauryn ne regardait pas, ayant détourné les yeux ailleurs. L'infirmière nettoya également la plaie qu'elle avait au genou et celles sur ses mains et attira Daemon sur le lit afin de vérifier qu'il n'avait rien. Elle voulut garder Lauryn pour la nuit, mais celle-ci sauta sur ses pieds, surprise de voir que son pied était comme neuf.

"Non! Je vais bien. Vous voyez, tout va bien! Merci beaucoup. Daemon? Allez, viens..."

Elle avait tiré Daemon du lit avec une force hors du commun pour une jeune fille exténuée. Elle le suppliait du regard de ne pas la forcer à demeurer ici. Elle ne le supporterait pas.

Il fut heureux que Lauryn se mépris sur son attitude. Son malaise ne disparaissait pas et il avait besoin d’un peu de temps pour y repenser. Ou plutôt, il ne voulait pas y penser et oublier l’idée stupide et complètement incongrue qui lui avait traversé l’esprit l’espace d’un instant. Il avait le sentiment que cela ne mènerait à rien de bien. Ou préférait-il éviter de songer à ce qui pouvait se passer de merveilleux ?
Bras dessus, bras dessous, les deux rouges et ors atteignirent l’infirmerie. La stupeur se peignit sur le visage de l’infirmière tandis que Lauryn improvisait une excuse. Elle jetait de régulièrement des regards au Gryffondor, appelant son soutient.

"Le saule cogneur. J'ai été stupide, j'ai... heu... j'avais perdu le rat de Cathy et bah... Daemon m'a aidée à me sortir de là. C'est dommage pour le rat, hein parce qu'il a vraiment disparu..."
« Lauryn a essayé de récupérer l’animal domestique de sa meilleure amie qui s’était faufilé sous le saule cogneur et… Vous connaissez bien cet arbre et les victimes qu’il peut faire ! »

L’infirmière ne broncha pas, trop afférée à les soigner. En deux coups de cuillères à soupe, elle remit en place la cheville de Lauryn, nettoya toute trace de sang de son genou et s’approcha de Daemon. Le jeune homme voulut protester. Il se sentait très bien. Seule la fatigue le malmenait et il restait debout grâce à une volonté de fer. Le bleu qu’il avait sous l’œil et qui ne tarderait pas à se transformer en cocard ainsi que les égratignures recouvrant sa peau importaient peu. Cependant, avec une force que Daemon ne lui aurait jamais prêtée, l’infirmière obligea l’étudiant à s’assoir et à se faire soigner. Il ne rechigna pas devant l’air sévère de la femme. Cette dernière affichait un petit air pincé et ne cessez de maugréer : « le sol cogneur… Quelle idée ! J’ai toujours dit que cet arbre causerait des dégâts ! » Dès qu’elle eut achevé de s’occuper de lui, il se tourna vers Lauryn, tandis que l’infirmière lui prodiguait quelques conseils.

« Tu vas mieux ? »
Infirmière - « Il vaudrait mieux qu’elle passe le reste de la nuit ici ! Au cas ou… ! »
"Non! Je vais bien. Vous voyez, tout va bien! Merci beaucoup. Daemon? Allez, viens..."

Daemon fut surpris par la vivacité de sa réaction. Elle était à la fois violente et désespérée. Cependant, cela ne fit que renforcer l’air pincé de l’infirmière. Cette dernière n’en démordrait pas. Elle se dirigea d’ailleurs vers une armoire de laquelle elle extirpa une couverture plus épaisse avant de revenir vers la rouge et or. Elle lui tendit les couvertures sans céder devant son air pathétique. De son côté, Daemon tenta de la calmer.

« Lauryn… Il vaut mieux que tu restes là. C’est pour ton bien… »

Il se doutait bien qu’elle réfuterait cela en moins de deux. Elle ne tenait absolument pas à rester. Cédant à la jeune fille, Daemon se tourna vers l’infirmière. Il lui assura qu’il s’assurerait qu’elle rejoindrait son dortoir et leur salle commune si tôt qu’ils mettraient les pieds hors de l’infirmerie. L’infirmière pinça les lèvres, visiblement contrariée. Elle accepta cependant de les laisser s’en aller en emportant la promesse de Daemon de retourner aussitôt dans leurs dortoirs respectifs, en sécurité. Le jeune homme acquiesça. Il prit Lauryn par les épaules et l’entraina vers la sortie.

« Allez dépêchons-nous ! J’ai l’impression qu’elle serait bien capable de t’attacher à ce lit pour t’empêcher de partir si elle pouvait ! »

Les portes de l’infirmerie se refermèrent en battant derrière eux. Ils traversèrent plusieurs couloirs, montèrent encore quelques escaliers avant de déboucher devant le portrait de la Grosse Dame. Cette dernière sommeillait et Daemon n’avait plus qu’une envie : l’imiter. Réveillée par les deux jeunes gens, le portrait vociféra avant de leur céder le passage. La salle commune des Gryffondors était déserte et quelques braises, restant d’un dernier feu de cheminée, brûlaient encore dans l’âtre. Au pied des deux escaliers menant pour l’un au dortoir des filles et pour l’autre aux dortoirs des garçons, Daemon se tourna vers Lauryn.

« C’est ici que je te laisse. Fais de beaux rêves Lauryn. »

Alors le jeune homme se pencha et déposa un baiser la joue de la jeune fille avant de tourner les talons et d’emprunter l’escalier. Il s’était penché vers elle avec une certaine raideur alors que son regard exprimait chaleur et sentiments contenus.

Lauryn avait balancé la couverture au bout du lit, paniquée à l'idée de passer la nuit dans un endroit aussi peu accueillant. Pourtant, il n'y avait rien là... Vraiment... Mais la jeune fille lança un regard noir à Daemon lorsque celui-ci tenta de la calmer en spécifiant que ce serait pour son bien. Mon oeil, oui! Pourtant, le jeune homme sembla comprendre ses craintes et il se confondit en explications afin de prouver que la jeune fille serait bien escortée jusqu'à la salle commune des Gryffondors. Lauryn hochait la tête afin d'acquiescer sans dire un mot pourtant, trouvant que Daemon prônait suffisamment bien sa cause. La bouche légèrement entrouverte, elle fut surprise que l'infirmière les laisse partir comme ça. Elle se laissa donc entraîner vers la porte, n'hésitant pas une seule seconde à quitter cet endroit maudit qui lui faisait tant horreur. Elle ne voulait pas que la prédiction de Daemon se révèle vraie et être attachée au lit de l'infirmerie risquait de la tuer tellement elle détestait cela. En fait, c'était pire que la bestiole de la forêt, ça...

Elle suivit donc Daemon jusqu'à la salle commune des Gryffondors et sourit lorsque la Grosse dame se mit à s'énerver de les voir rentrer aussi tard. Elle n'avait pas le choix de les laisser passer toutefois, surtout si elle avait peur de voir un enseignant se pointer. Lauryn passa devant Daemon et les deux Gryffondors se séparèrent au bas des escaliers des dortoirs. Daemon semblait tendu, mais elle pouvait aisément le comprendre. Lauryn avait la désagréable impression qu'elle aurait du mal à dormir, mais elle n'en dit rien.

"Toi aussi. Bonne nuit..."

Elle observa le jeune homme grimper les escaliers qui menaient à son dortoir en se mordant la lèvre, effrayée de dormir toute seule. Elle se reprit en main et grimpa les marches de son propre dortoir avant de se regarder dans un miroir, tout près. Ouf! Ses cheveux étaient parcourus de brindilles et ses mains, malgré le nettoyage de l'infirmière, gardaient certaines taches rougeâtres dû au sang séché. Un frisson la parcourut alors qu'elle se décidait à prendre une douche afin de nettoyer ses cheveux et son corps sali par la poussière et la boue. Ses vêtements étaient bons pour la poubelle. Elle se lava aussi rapidement qu'elle le put, effrayée à l'idée de voir pénétrer dans la salle de bain une bête monstrueuse qui viendrait terminer ce qu'elle avait commencé. Ses cheveux retrouvèrent leur éclat et elle enfila rapidement un pyjama dépareillé, soit un tee-shirt plutôt grand ainsi qu'un pantalon de flanelle dans lequel elle était trop bien.

Mais lorsqu'elle quitta la salle de bain, égouttant ses cheveux grâce à une serviette, elle ne fit aucun bruit, ne désirant pas réveiller tout le dortoir. Mais lorsqu'elle rejoint son lit, elle en vint à la conclusion qu'elle ne pourrait pas dormir. Posant ainsi la serviette sur le rebord de son lit afin qu'elle sèche, elle descendit à pas de tortue et remonta l'escalier menant au dortoir des garçons. C'était injuste, c'est vrai. Les filles pouvaient y aller alors que les gars n'avaient pas accès au leur. Dommage! D'ailleurs, Lauryn y était venue quelques fois afin d'y trouver Daemon ou son imbécile de demi-frère. Son quart de frère, même, vu qu'ils n'avaient absolument rien en commun. Elle trouva donc aisément Daemon et se mordit la lèvre.

"Daemon...?"

Elle avait murmuré son prénom afin de ne pas réveiller les autres et s'était rapprochée de lui. Elle espérait qu'il ne lui en voudrait pas d'avoir pris l'initiative de venir le retrouver, mais elle doutait de pouvoir dormir toute seule, ce soir du moins. Son escapade dans la forêt la hanterait et elle ne pourrait pas fermer l'oeil alors que s'il était à ses côtés, elle se sentirait davantage en sécurité. Elle s'en voulait d'être aussi faible. Elle qui n'avait jamais besoin de personne et qui faisait tout toute seule, la voilà qui devenait dépendante à l'affection que lui portait Daemon. Elle était consciente que ce n'était pas facile de s'en rendre compte, mais elle comprit qu'elle ne pourrait pas toujours agir seule. Justement, si elle avait été seule, elle ne serait pas dans le dortoir des garçons à s'inquiéter de tout et de rien en ce moment. Elle serait certainement dans la tanière d'une grosse bête qui ne ferait qu'une bouchée d'elle.

Ouvrant légèrement la bouche un bref instant avant de parler, elle se reprit rapidement pourtant.

"Je peux rester avec toi, cette nuit? J'ai du mal à chasser de mes pensées ce qui vient de se produire dans la forêt et..."

Et quoi? Pourtant, elle ne termina pas sa phrase, la laissant en suspens, en profita afin de replacer ses cheveux encore mouillés derrière ses oreilles dans un geste nerveux. S'il refusait de l'accueillir, elle pourrait toujours dormir sur le pas de la porte du dortoir...

Daemon gravit les marches quatre à quatre avant de s’enfoncer dans un couloir faiblement éclairé à la lueur de quelques chandeliers. Il se sentait sale et harassé. Il se traina, plus qu’il ne marcha en direction de la salle de bain des garçons de Gryffondor et, après une rapide toilette, il entra dans son dortoir sur la pointe des pieds. Il s’était changé et avait enfilé un vieux débardeur ainsi qu’un pantalon en toile. Ses cheveux étaient propres. Hormis quelques bleus ici et là, personne ne pourrait le soupçonner de s’être aventuré dans la forêt interdite en pleine nuit. Et quand son ami James l’interrogerait sur ce qu’il avait fait de sa soirée, il inventerait une excuse disant qu’il avait dû travailler ou pourquoi pas qu’il avait discuté tardivement avec un professeur au sujet d’un cours de potions ou de sortilèges. Il perçut dans le noir, les faibles respirations de ses camarades, au fond, Kenny Frayes ronflait légèrement. Mais c’était un son auquel Daemon était habitué. Le jeune homme rejoignit à tâtons l’espace qui lui avait été attribué dès son premier jour à Poudlard. Il referma les rideaux autour de son lit afin de trouver un peu d’intimité. Les anneaux retenant les rideaux grincèrent faiblement. Mais dans le silence, le bruit se répercutait. On aurait dit qu’un mangemort fou venait de traverser la pièce. Daemon grimaça, marqua une pause et tendit l’oreille. Il entendit son ami James remuer dans le lit le plus proche. Il poussa un soupir de soulagement. Il n’aurait pas aimé qu’un de ses camarades s’éveille et lui pose des questions sur le lieu où il avait passé la nuit. Le rouge et or passa une main dans ses cheveux et s’allongea sur son lit. Mais, les yeux grands ouverts, malgré la fatigue, il ne parvenait pas à trouver le sommeil. Il remua, s’allongea sur le côté, passa ses mains sous sa tête, se tourna de l’autre sens pour finalement se redresser et s’assoir. Il attrapa une montre, dans un tiroir de sa table de chevet. Elle indiquait presque une heure du matin. Le jeune homme avait complètement perdu la notion du temps dans la forêt. Il n’aurait jamais pensé y être resté aussi longtemps. Et puis, il perçut un son. La porte du dortoir s’ouvrit. Curieux, Daemon repoussa le rideau qui entourait son lit et distingua une silhouette féminine avancer dans le noir.

"Daemon...?"
« Lauryn ? Tu ne dors pas ? »
"Je peux rester avec toi, cette nuit? J'ai du mal à chasser de mes pensées ce qui vient de se produire dans la forêt et..."

La jeune fille se tut. Le Gryffondor fut profondément ému par cette petite voix. Il se leva et lentement, il s’approcha d’elle, les sourcils froncés. Son visage exprimait un réel sentiment de souffrance semblable au conflit intérieur qu’il devait se livrer. Après tout, il n’était qu’un homme… Et elle, elle se tenait là, en toute innocence devant lui, les cheveux humides et l’air apeuré.

« Tu n’aurais pas dû venir Lau’… » dit-il d’une voix blanche.

Leurs regards se croisèrent. Lentement, Daemon passa une main dans les cheveux de Lauryn. Ses doigts jouèrent avec une mèche avant de la laisser retomber. Ils parcoururent le visage de la jeune fille avec douceur, s’attardant sur ses lèvres. Il ferma les yeux un bref instant, se demandant à quoi il était en train de jouer. S’il avait écouté sa raison, il l’aurait renvoyé sur le champ dans son dortoir. Mais Daemon voulait à nouveau sentir la chaleur de la jeune fille dans ses bras comme tout à l’heure, lorsqu’il l’avait déposé sur le sol, dans le parc. Il aurait pu fuir ou battre en retraite cependant, il venait de se rendre compte qu’il avait réellement besoin de Lauryn et une fuite en avant ne serait que plus douloureuse. Il s’approcha un peu plus, doucement. Il ne voulait pas l’effrayer. Une fois proche d'elle, il reposa son front contre le sien. Ses doigts roulèrent le long de son cou, la caressant. Ils trouvèrent son menton, l’obligeant à relever le visage et à le regarder. Alors, il prit délicatement le visage de Lauryn entre ses mains et se pencha pour l'embrasser... Il allait enfin toucher cette bouche qui accaparait toutes ses pensées !

Le regard que le jeune homme lui fournit lorsqu'elle lui demanda de passer la nuit avec lui lui fit comprendre toute l'étendue de son geste. Même si Lauryn refusait de s'attarder à des yeux comme les siens, même si elle refusait de prendre en compte les sentiments qu'éprouvaient certains hommes et garçons à son égard, il n'en était pas moins difficile de les ignorer complètement. Légèrement surprise à l'idée que ce fut Daemon cette fois-ci qui la regardait de cette façon, elle demeura étonnée lorsqu'il lui dit qu'elle n'aurait pas dû venir. Elle allait protester, spécifier que c'était impossible pour elle de retourner dans son dortoir à moins qu'il ne vienne l'y reconduire personnellement et qu'il attende qu'elle s'endorme, mais elle s'abstins. La raison? Elle n'en savait rien. Pourtant, elle se sentait faiblir et ce n'étaient pas ses forces physiques qui diminuaient comme elle aurait d'abord pu croire. En fait, elle ignorait toute l'étendue des dégâts dans sa tête et celle-ci faisait tournoyer ses pensées à une vitesse éblouissante.

Elle croisa le regard de Daemon et le laissa jouer avec ses cheveux. Elle doutait que ce ne fut qu'amical, mais elle s'en fichait pour l'instant. Elle ne s'était pas rendue compte à quel point ils étaient proches et lorsqu'il fit glisser ses doigts sur son visage, elle voulut se dérober. La peur? Non. En fait si. La peur de s'être trop attachée à lui. Elle l'aimait déjà comme un frère, mais est-ce qu'il y avait désormais un lien plus fort qui les unissait et dont elle n'avait pas conscience? Le front de Daemon vint se poser sur le sien et, déjà, la Gryffondor ressentait la chaleur du jeune homme qui se transportait dans son corps. Elle paniqua lorsqu'il lui releva le menton et qu'il s'était approché pour l'embrasser. Baissant légèrement la tête, elle se mordit la lèvre en tentant d'échapper au regard de Daemon. Fermant les yeux quelques secondes, elle ne sut quoi dire afin d'expliquer sa conduite et elle recula de quelques pas, se défaisant à regret de l'étreinte de Daemon.

"Daemon, il ne faut pas, je..."

Pourtant, luttant contre la force magnétique qui l'attirait à lui comme un aimant, elle ne put résister une seconde de plus et ses mains glissèrent avec douceur sur les bras dénudés du jeune homme avant de caresser ses épaules. Se rapprochant de lui jusqu'à ce que leurs corps entrent en contact, elle vint poser ses lèvres sur les siennes. Ses mains resserraient la nuque de Daemon contre elle afin de prolonger le baiser, ses doigts farfouillant du même coup dans les cheveux presque secs du Gryffondor. Elle se serrait contre lui, ne désirant rompre ce contact pour rien au monde, mais comprenait ce que tout cela signifiait. Elle venait d'embrasser Daemon, son frère de coeur. Habituellement, Lauryn n'embrassait et ne couchait qu'avec des hommes qu'elle connaissait peu. Ainsi, il n'y aurait jamais d'attaches et le lendemain arrivait, amenant une séparation sans douleur. Or, le divorce de ses parents était frais dans sa mémoire et elle se refusait à vivre la même chose. Pourtant, elle rompit le baiser, mais demeura tout contre Daemon, son regard cherchant le sien pendant un instant. Contre toute attente, elle s'éloigna finalement de quelques pas, ignorant le fil invisible qui la ramenait vers celui qui lui avait sauvé la vie ce soir-là. Un léger sourire vint prendre place sur ses lèvres alors qu'elle le regardait toujours.

"C'est la raison pour laquelle tu rêvais d'amener une fille dans la forêt? Pour qu'elle revienne te voir le soir parce qu'elle a peur et que tu doives encore la protéger?"

Elle avait dit ça dans un murmure, mais même ainsi, son ton laissait sous-entendre l'amusement de Lauryn. Elle voulait faire comme si rien ne s'était passé entre eux. Elle voulait mettre cela sur le compte de l'épuisement et du soulagement d'être rentrés sains et saufs, mais elle doutait que tout ça ne revienne pas le lendemain. Elle se mordit la lèvre lorsqu'elle entendit l'un des gars remuer dans son sommeil, espérant ne pas l'avoir réveillé. Expliquer sa présence ici relèverait de l'exploit si elle ne voulait pas spécifier leur aventure nocturne. Elle s'assit donc sur le rebord du lit de Daemon et releva la tête vers lui.

"Je peux rester...? Seulement ce soir... "

Presqu'une supplication. Elle ne voulait vraiment pas retourner dans son dortoir et s'il l'y forçait, elle ne dormirait pas de la nuit, c'était clair...

"C'est la raison pour laquelle tu rêvais d'amener une fille dans la forêt? Pour qu'elle revienne te voir le soir parce qu'elle a peur et que tu doives encore la protéger?"

Daemon rit. Nerveusement. Il avait en premier remarqué son mouvement de recul quand il l’avait embrassé. Elle devait être autant perturbée que lui ! C’est vrai que c’était étrange comme situation. Sa petite sœur d’adoption pour laquelle il se découvrait plus de sentiments qu’une simple affection fraternelle. Il pouvait mettre ça sur le compte de la peur qu’il avait éprouvé en songeant à l’idée qu’il pouvait la perdre précédemment mais non. Ses sentiments naissants n’étaient pas spécialement dus à l’évènement qui était survenu. Daemon prenait peut à peu conscience qu’ils étaient là depuis un bon moment mais qu’il n’avait jamais réussi à les confronter. Il hocha la tête et répondit que oui, il s’agissait d’un bon stratagème pour gagner le cœur de jeunes filles innocentes. Cependant ce n’était pas une expérience qu’il renouvellerait de sitôt, de même qu’il ne s’en vanterait pas.

"Je peux rester...? Seulement ce soir... "
« Oui… Reste. »

Daemon s’assit sur le lit à côté de Lauryn. Il l’attira à lui, la serrant dans ses bras. Doucement, ils s’allongèrent, l’un près de l’autre. Daemon posa sa tête contre l’épaule de la rouge et or. Il ferma les yeux, se concentrant sur la respiration de la jeune fille. Il était bien. Serein. Tous deux tombèrent bien vite dans les bras de Morphée. La nuit serait courte. Les heures défilaient vite et bientôt, la réalité les rattraperait.



« Daemon ! Debout ! On va être en retard ! »

Daemon ouvrit les yeux soudainement. Il avait horreur des réveils brutaux. Il étendit les bras, cherchant Lauryn mais ne trouva à sa place que le vide. Vivement il se redressa. Si brusquement que James s’en étonna.

« Qu’est-ce qu’il t’arrive ?! » demanda ce dernier.
« Tu n’aurais pas… »

Il se tut. Il allait prononcer le prénom de Lauryn quand il se ravisa. Il n’avait pas envie de parler de la veiller malgré le bonheur qu’il ressentait en repensant au baiser que les deux Gryffondors avaient échangé. Pourtant peu à peu, tout sentiment d’allégresse s’envola, laissant place au doute. Au début, Daemon s’était dit qu’elle n’avait tout simplement pas voulu le réveiller, ni être découverte là par les garçons de Gryffondor au réveil. Puis le doute s’installa. Partageait-elle les mêmes sentiments que lui ? Peut être pas… Plus les minutes passaient, plus Daemon se maudissait tandis que la réalité se révélait, dure, cruelle. Lauryn s’était dérobée… Cela voulait certainement tout dire. Pourtant, il devait en être sûr. Il devait la voir, lui parler aussi. Et si elle l’ignorait ? L’éviterait-elle ?

« Allez, Dae’ ! On va te fringuer ! Je t’attends dans la salle commune ! »
« J’arrive dans quelques minutes… »