Elle était en retard. Certes, elle l’avait prévenu, mais ce n’était pas une chose qu’elle trouvait « acceptable ». Elle grimaça en posant ses yeux sur sa montre et secoua la tête. Dix-sept minutes. C’était à la fois énorme et peu. Mais c’était déjà trop pour elle. Elle se mordit la lèvre, remis en place son chemisier, remit par-dessus sa veste en jetant un œil à Londres, reboutonna le tout, remonta ses collants. Dans l’arrière de la limousine noire, c’était le combat du siècle qui se tenait, à savoir quelle jambe allait rentrer dans la jupe qu’elle avait prévu pour la soirée, retirait cette foutue paire de collant en soie pour une en nylon et… Elle s’arrêta soudainement.

Pourquoi est-ce… pourquoi est-ce qu’elle faisait tout ça déjà ? Ce n’était pas un rendez-vous galant. C’était… c’était… oh que si, c’était ça. C’était exactement ça ! Elle leva les yeux au ciel, prise aux mains de sa propre crédulité et finalement jeta les armes. Elle était en train de se faire jolie comme si sa vie en dépendait dans l’arrière d’une voiture qui la conduisait sur le lieu prévu. Et elle osait encore nier l’évidence ? Elle venait de quitter son travail deux heures plus tôt que ces trois dernières semaines, et elle… allait encore nier ?

Elle jeta un regard désespéré à ses bas et finalement eut fini de zipper son jeans et de virer son tailleur de sur elle. Voilà. C’était fait. Des collants en dessous car Londres commençait, avec l’automne, à se refroidir, et le tour était bon. Elle eut un petit soupire désespéré alors que Corso jetait un œil à l’arrière, comme pour capturer un bout de peau trop à l’air, mais il n’y avait rien. Misha n’était pas ce genre de fille qui laisse au hasard le choix des armes. Elle empoignait la première la hache de guerre et la déterrait de sa seule force. Elle était comme ça. Implacable comme un hiver sibérien.

Elle jeta finalement un regard désabusé à son habit. De petites ballerines noires, un jeans de cuir sombre comme elle avait l’habitude d’en porter depuis ses quatorze ans, une chemise blanche traditionnelle et une veste sobre mais somme toute classe. Ce côté glamour mélangé avec l’obscurité du cœur de la démonologue. Voilà qui était intéressant, et à la fois fascinant.

« Je crois que c’est ici… » Corso lui indiqua un établissement. En effet. Sanjay était là. Il attendait. Elle leva les yeux au ciel avec un petit rire idiot. Il devait véritablement la trouver à son goût pour être rester vingt-trois minutes à l’attendre. En plus d’être séduisant, il était chevaleresque. Ça se perdait. « Est-ce que je passe vous reprendre ensuite ? »
« Je ne sais pas. Je t’appellerais si tel est le cas. »

Elle ouvrit la portière et sortit, avec une mine d’excuse déjà inscrite sur ses lèvres.

Elle approcha de quelques pas, faisant attention en traversant la route et se planta devant lui, une mimique entre l’amusement et le désolé sur la bouche. Elle inspira profondément, avec un petit rire :

« Je peux dire pour ma défense que se donner rendez-vous à 19 heures alors que c’est l’heure préférée pour les aurors pour me ramener Al Kollyck et Franck Flynn… » Elle le fixa, amusée. « Vous ne m’en voulez pas.. pas vrai ? »

Misha remit une mèche de cheveux ébène derrière son oreille, l’air sage.

Recevoir la réponse de Misha dans son beau parchemin lui avait tiré le premier sourire de cette obscure journée. Comme si déjà le temps sur Londres ne suffisait pas, il avait eut cet entretien avec Krantz qu'il l'avait mit, encore une fois, hors de lui. D'ailleurs, la tête de la secrétaire de Mademoiselle avait été fortement surprise de voir Sanjay sortir de ses gongs. Elle avait ouvert la bouche lorsqu'elle l'avait vu à travers la vitre mettre un coup de tête d'une rare violence dans le nez de Krantz, puis, le balançait par la porte du bureau en lui disant d'aller se faire foutre, et qu'il n'était pas question de revenir, sinon, ça risquerait de mal se finir pour lui. Krantz le menaça de mettre cette affaire en justice, mais tout ce qu'il en retira, c'est de voir un Sanjay soufflant comme un buffle lui courir après dans tout l'étage. La secrétaire s'était dressée sur sa chaise pour tendre son cou afin d'admirer le spectacle. Elle s'était rassie, continuant de travailler comme-ci de rien n'était, lorsque Sanjay revint vers elle, le souffle court et saccadé. « Un souvenir de voyage. Un souvenir de voyage, a-t-il dit quand je lui ai dis que je m'occupais de lui, et que Mademoiselle ne voulait pas s'en occuper, car pour elle, c'était non, et qu'il ne fallait pas revenir là-dessus. Y a rien à faire, hein, y a pas un coin dans ce putain de monde, où personne ne fera une remarque sur ta couleur de peau. » Il avait donné un coup du plat de la main dans la vitre qui servait également de séparation avec le bureau de la secrétaire, avant d'entrer dans le bureau de Mademoiselle, qu'il occupait lorsqu'elle était absente et donc, pas là pour faire la paperasse administrative.

Alors, lorsque la secrétaire vint lui tendre une étrange petite lettre à l'écriture raffinée, Sanjay avait sentit toute sa colère et sa mauvaise humeur s'en allait comme s'il venait de se mettre sur la terrasse, la brise londonienne lui caressant alors le visage, lui donnant alors cette impression d'avoir été purifier. Il avait saisit avec délicatesse le parchemin qui semblait ne pas en être un tant il était fragile, et blanc. On avait l'impression de toucher de la neige. C'était quelque chose, et il fut touché de voir une telle attention venant de la part de la Juge Vanna Syl, même s'il doutait qu'elle est choisie ce papier uniquement pour lui. L'écriture était une beauté toute particulière, montrant que même-là, elle était capable d'y mettre toute son attention, comme si tout ce qu'elle entreprenait sembler être motivé par une passion qui semblait l'animer, à l'abri des regards, cachée derrière son expression à la fois sévère et très professionnelle. Il avait esquissé un léger sourire lorsqu'il vit qu'il l'avait fait sourire quant à son choix de restaurant, et son sourire s'attendrit légèrement lorsqu'il lut son excuse d'avance, quant à son retard qu'elle aurait sûrement. Sanjay l'avait ensuite rangé proprement dans son tiroir que Mademoiselle lui avait attribué.


(...)

Ce jour-là, il s'était complètement mis sur son trente-et-un. Si elle n'avait pas eu le temps et qu'elle n'aurait probablement pas le temps pour se préparer, lui, il se ferait beau, et il prendrait le temps pour. De toute manière, il avait demandé son après-midi pour être tranquille, pour n'avoir aucun stress que l'on ramène le plus souvent jusqu'au repas du soir. Non, là, Sanjay voulait faire les choses biens, comme il le faisait toujours. Être présentable, agréable à regarder, comme à sentir, posé, reposé, et calme. Il était comme ça en dehors du travail, il voulait alors lui montrer le Sanjay qu'il était vraiment. Pas celui qui était à moitié énervé derrière les barreaux d'une cellule que l'on utilisait également pour mettre les alcooliques notoires. Il eut un petit rire lorsqu'il vit ses tenues qu'il mettait le plus souvent en Inde ou qu'il était à la maison pour être à l'aise, en imaginant la tête de Misha s'il se ramenait ainsi. Déjà qu'il l'invitait dans un restaurant indien, alors si en plus il en rajoutait dans le cliché, elle allait sûrement se foutre de sa gueule, ce qui le fit rire encore plus.

Sanjay opta pour un pantalon marron clair, avec une chemise blanche et un petit gilet bleu. Un style que le londonien aux bons revenues possédait. En sommes quelques choses d'assez basique, et qui lui allait plutôt bien. Il se tailla la barbe, se parfuma, se coiffa, avant de sortir de la douche, content de lui. Il ferma les fenêtres de son loft pour se diriger vers le restaurant, avec une dizaine de minutes en avances.

Autant vous dire que l'attente fut longue.

Enfin, pas tant que ça. Il connaissait le couple qui tenait le restaurant. La famille Mahavir faisait très certainement le meilleur curry de tout Londres. Généralement, la cuisine que les anglais qualifiaient d'exotique, était toujours soit trop grasse, soit pas assez épicé, soit.... Y avait toujours quelque chose qui le dérangeait. Mais ici... Puis, il aimait bien faire connaître sa culture, ses racines, aux gens qu'il voulait impressionner, ou commençait une quelconque relation. C'était quelque chose dont il était fier. En faisant ça, il montrait très clairement qu'il n'avait pas honte d'où il venait, et que ses racines gardaient toujours une place importante pour lui, malgré que tout dans sa manière d'être lorsqu'il travaillait, ou qu'il se baladait dans Londres, laissait croire qu'il était parfaitement intégré que ce soit physiquement que dans son cœur. Alors, il entra dans le restaurant, pour parler avec Sundar et Leela, le temps que les premiers clients arrivent. Un regard sur son poignet gauche, 19h 15. Sanjay sortit pour l'attendre dehors.

Ce n'est que lorsqu'il vit une limousine arrivée que son sourire apparut sur ses lèvres. Non pas qu'il n'était pas au courant qu'elle serait en retard, mais généralement, on aimait pas attendre, ce qui était tout aussi valable pour lui, que pour elle. Sanjay mit ses mains dans les poches, regardant les vitres tintés, puis la porte de derrière s'ouvrir, et il vit son pieds, puis son visage. Déjà, elle avait son sourire plein d'excuses, auquel il répondit par un franc sourire, lui faisant très bien comprendre qu'il ne lui en tenait pas rigueur. Elle s'approcha vers lui, tout en lui disant :
« Je peux dire pour ma défense que se donner rendez-vous à 19 heures alors que c’est l’heure préférée pour les aurors pour me ramener Al Kollyck et Franck Flynn… » Elle le fixa, amusée.
« Vous ne m’en voulez pas.. pas vrai ? » Il se mordit la lèvre avec un sourire, tout en secouant la tête négativement. « Non. Et comment pourrais-je vous en vouloir ? Vous m'aviez prévenu de toute façon. » Il la détailla furtivement, souriant intérieurement. Visiblement, elle n'avait pas eut de temps pour elle. Cela ne le dérangeait pas, non, au contraire. Elle avait quelque chose de sauvage. Peut-être c'était elle changée dans l'incroyable voiture dans laquelle elle était arrivée ? Pour le coup, ça l'avait surpris. Mais il ne s'était pas attardé sur ce détail. Lorsqu'elle avait remit la mèche derrière son oreille avait eut bien plus d'effet sur Sanjay que cette impeccable limousine dans laquelle elle était montée pour venir.

Sanjay sortit les mains de ses poches, l'invitant ainsi à passer devant lui. Il ouvrit la porte d'un mouvement de la main, la laissant entrer, avant de refermer la porte derrière eux. Leela vint à leur encontre avec un sourire accueillant, tenant deux cartes du restaurant tout deux recouverts d'une reliure en cuir noir. Elle les invita à s'asseoir, puis leur donna les cartes, avant de se retirer après un léger hochement de tête. Sanjay la posa à côté de lui, sans même l'ouvrir, posant alors son regard sur Misha. « Je suis content de voir que vous aviez finalement tenu parole. Puis que vous n'ayez rien dit quand à mon choix de restaurant, je dois dire que ça m'a fait beaucoup plaisir. » Il eut un sourire, balayant la pièce du regard avant de reposer son regard sur Misha, qu'il rebaissa aussitôt, avant d'avouer : « Je dois dire que je ne sais pas trop quoi dire pour le moment. » Il eut un petit rire, se sentant légèrement mal à l'aise tout à coup, avant de reprendre : « Vous voulez boire quelque chose ? » Lui demanda-t-il, pour annoncer leur première commande lorsque Leela reviendrait pour l'apéritif.