Le 9 septembre 1888, à Poudlard,

Cela va faire plus d'une semaine que nous nous sommes quittés sur le quai de la gare. Comme tu l'avais dis, aucun accident. Le voyage a été bref, de quelques heures tout au plus, quelques heures pendant lesquelles je ne te cacherais pas que j'ai apprécié le silence du chemin et où je n'ai pas regretté la maison. Poudlard ne change pas malgré les années, et je m'y sens comme chez moi. Je ne saurais pas dire comment, mais de mes trois maisons, Poudlard a ce côté réconfortant.
J'ai salement sali mes bottes. Mes bottes italiennes, celles que tu m'avais offertes durant l'été, quand nous avions rendu visite à Rudyard. Tu ne seras sans doute pas enchanté par la nouvelle, et je le comprend, mais le cours de soin aux créatures magiques est toujours très divertissant et je n'avais que ces bottes.
Quand je rentrerais à la maison, je me rendrais au maroquinier pour qu'il rétablisse le cuir.

D'ailleurs, je pensais au tout début ne pas revenir au domaine pendant les vacances, afin de me permettre de prendre du recul quant à notre relation, car j'ai besoin de réfléchir et de m'aérer l'esprit, mais c'était avant d'apprendre une grande nouvelle. L'opéra Shérazade va débuter au mois de novembre, en Russie. Je me demandais si cela t’embarrasserait si l'on s'y rendait ? J'ai vraiment, vraiment, très envie de voir cet opéra, et ce serait une peine d'avoir à attendre l'hiver et les congés de Noël pour daigner avoir la chance de voir un chef d’œuvre en perspective. Je sais bien que tu as horreur des moldus, mais c'est hélas le seul moyen de le voir que de se dissimuler dans la foule.
Je pense que si tu refuses, je ne reviendrais pas durant ses vacances. Ce n'est pas contre toi Calixte, mais, après tout, je n'ai rien à faire au Manoir. Ton père est affreusement vexant et a autant de conversation que mon chat décédé, et tu seras sans doute très occupé dans tes affaires. J'ai l'habitude d'être seule et ça ne me dérange pas, mais à choisir, j'aimerais être seule au château.

Je te le redis sans doute trop souvent, et moi-même je le sais et trouve ça assez perturbant, mais j'ai besoin de distance.
Nous nous verrons, dans le pire des cas, à noël.

Symphony.

Ps : J'y pense, nous pourrons tout de même - en signe de ma bonne foi - nous voir durant la sortie au Pré-au-Lard. Elle est organisée pour le 22 septembre si je me souviens bien, tout au long de l'après-midi. Je ne comptais pas y aller car je n'ai rien à y faire, mais si c'est pour te voir, je peux bien te rejoindre quelque part.

Mon amie,

Le 12 septembre 1888, Ailbearth,

Vous me trouvez bien marri devant votre dernier billet. On m'a délivré votre message ce matin seulement et j'étais d'abord charmé de cette exquise attention à laquelle, il est vrai, je ne m'attendais pas. Sachez que d'avance que vous avez toute mon affection et que mes pensées vont vers vous à l'heure où je vous écris.

Vous comprendrez donc que je ne goûte que peu les nouvelles que vous m'adressez, non plus que l'amertume de vos mots et les conditions que vous posez. Je ne crois pas vous avoir jamais donné aucune raison de vous plaindre de votre époux, aussi, attendais-je de vous que vous fassiez de même comme vous en fîtes la promesse cet été devant l'autel. Je vous laisse donc imaginer l'ennui que vous me causez quand à vous lire, on croirait que la prison pour indigents vous siérait que notre maison...

Cependant, et pour l'unique devoir qui est le mien en tant que votre époux, je cèderai encore cette fois à vos caprices, pour l'amour que je vous porte et que vous portez à la musique. Ne laissons pas de dire que votre jeune âge et votre sexe vous permettent encore ce genre de privilèges. Vous verrez donc l'opéra Shérazade au mois de novembre prochain.

Vous serez en outre (osai-je l'espérer) heureuse d'apprendre que votre autorisation de sortie pour Pré-au-Lard a déjà été retourné à la direction de Poudlard, griffée de ma signature. Vous serez donc libre de vous rendre ou de ne pas vous rendre où bon vous semblera. Apprenez que si vous le désirez toujours après m'avoir lu, je serais justement à Pré-au-Lard pour affaire ce 22 septembre.


En l'attente de vous lire et avec affection,
votre époux.

Lord Calixte.

ps : embrassez-ma soeur pour moi et rappelez-lui que père ne tolérera pas d'autres frasques cette année. Son renvoi temporaire n'étant pas passé inaperçu malgré notre absence à tous les deux.

pps : vous pouvez faire livrer vos bottes à l'adresse que je vous joins, elles vous seront retournées comme neuves dans la nuit qui suivra la réception de votre envoi.

Le 13 septembre 1888, à Poudlard,

A lire tes mots, je me rend compte que j'ai, sans doute, été un peu rude avec toi... Parfois je m'emporte sans même vraiment réfléchir, et je m'en excuse. Ce n'est pas ce que je voulais dire. A vraie dire, ce n'est pas le manoir qui me dérange mais les habitants. Encore, s'il n'y avait que toi - et tu sais que j'apprécie ta compagnie depuis notre enfance - ce serait merveilleux ! Mais, sans vouloir t'offenser, je ne suis pas ne me sens pas à l'aise à la "maison". Maleficent est toujours cachée on-ne-sait-où, Ash ne m'adresse jamais la parole, quand je cherche à faire la discussion j'ai comme la sensation d'ennuyer tout le monde. Je ne suis déjà pas de mon plein grès chez toi, alors si les gens y sont si désagréables, comprend au moins que ce n'est pas contre toi. Je ne suis pas une encore une vraie Mc Swann visiblement.

Pour l'opéra, tu m'envoies ravie. Je doutais un peu que tu me le refuses - tu aurais eu de bonnes raisons vu nos dernières conversations - mais je suis heureuse que tu ne m'éloignes pas de mon inclinaison naturelle. Je savourerais le voyage, et je promet d'être plus doc sage durant ces vacances. D'essayer d'être plus sage.
Quant à me plaindre, je ne me plains pas de toi, et tu le sais. Je me plains du simulacre que nous sommes, et que je ne veux pas.

Je suis également heureuse que tu te sois occuper si vite de mon autorisation de sortie. Ta nature ordonnée sans doute, un point sur lequel nous nous entendons. Si tu as quelques affaires au Pré-au-Lard le jour-même, je ne suis pas encore d'avis de venir te déranger durant. Dis-moi seulement si tu veux me voir, et je viendrais. Je ne viendrais que pour ça, et ça m'ennuierais d'avoir à te partager avec des rendez-vous.
Si tu viens, et que je viens, pourras-tu me rapporter un peu de colophane ? Je n'en ai plus, et mon violon me manque.

Vois-tu, c'est bien là le tragique de la situation, mon violon me manque mais toi, moins. Je pourrais m'excuser que ça ne changerait rien Calixte, nous ne nous aimons pas. Je ne t'aime pas.

Par pitié, cesse de me faire passer pour une sans-cœur quand je crois justement en avoir de trop, pour un être ailleurs...
Et cesse également de me vouvoyer dans nos lettres. Tu me parais encore plus lointain.

Symphony,
Qui attend de toi une réponse malgré les mots forts peu appréciables qu'elle vient de dire.

Ps : Maleficent a rit. Voilà tout.

Mon amie,

Le 15 septembre 1888, Ailbearth,

Je te fais parvenir de la colophane par l'intermédiaire de Clyde Donovan, ton directeur de maison quoique je répugne à savoir que vous ayez quoique ce soit à échanger l'un avec l'autre. J'aurais préféré confier cette course à Maleficent mais elle se serait ri de mes requêtes et t'aurais laissée périr dans l'attente.

Bref. Je suis las de t'entendre te réclamer sans cesse contre notre union. Tu persistes à te refuser et te récries qu'on ne t'aime pas quand en vérité tu es la seule a poursuivre l'idée d'une amour lointaine qui n'a pas lieu d'exister et, sois-en avertie, que je ne saurais tolérer.

Je ne sais plus quel gage de mon affection te donner et bien qu'on me conseille de plutôt te donner des gages de mon mécontentement je n'en ferais encore rien. Mais tu mets ma patience à rude épreuve et Merlin sait que ce n'est pas une prime qualité chez les McSwann. Je ne souffrirai guère plus longtemps qu'on me préfère un violon ou pis encore un homme imaginaire, pour matérialiste que je sois.

Nous nous retrouverons à Pré-au-Lard le 22. Tu n'auras qu'à m'attendre où bon te semblera...

Avec toute ma patience...

Lord Calixte.

ps : Vois que je n'ai pas tant de mal que toi à répondre à tes requêtes quand tu me sembles t'aheureter un peu plus chaque jour dans l'idée qu'il faille que ton mariage soi le plus grand malheur de ta vie.

Le 18 septembre 1888, à Poudlard,

Si j'ai mis, cette fois-ci, de longues heures à répondre, pour finir par de longs jours, il y a bien une raison, et ce fut de calmer ma colère. Je ne te cacherais pas que le fait qu'il m'ait insupportable de penser que tu penses que parce que nos parents ont conclu un accord, il faille que mon coeur en plus de mon corps soit tiens. Mon physique déjà devrait te suffire comme tu es bien matérialiste et n'arrive pas à saisir les tourments de mon âge.

Par quel Dieu vais-je devoir jurer pour qu'enfin tu comprennes ? Je ne suis pas tienne. Il fut de convenance, et par respect envers ma famille, que je dise les vœux devant l'autel, que j'embrasse ta bouche, mais jamais il ne me semble que je n'ai prononcé un je t'aime, car c'est bien le cœur du problème, je le répète : je ne t'aime pas.

Nous étions si bien en amis, nous allions si bien que nos aïeux ont confondu nos jeux d'enfants en jeux d'adultes, ont vu en nous les parfaits héritiers d'une lignée bien amochée par les porcins de ton oncle Aaren. Il a fallu qu'ils jugent à mes sept ans que tu serais mon Tristan, mon Faust ou encore mon Cid, mais tu n'as encouru aucune bataille, tu n'as commis aucun crime et tu n'as aucun remord sur le conscience. L'on t'a donné ma main comme on aura donné un chien ou un bijou, et je ne suis rien de tout cela, Calixte. Je crois bien que je vis, et que j'ai du talent. En France, les danseuses vivent d'elles-mêmes, ont leur argent et leur petite maison. Elles y reçoivent qui elles veulent, et quand elles le veulent. Les convenances de la Reine Victoria ne sont ni plus ni moins qu'un fardeau que tu t'évertues à me presser sur le dos ! La convenance, oui, mais à quoi bon ?

Passer toute une vie à faire semblant ? Non.
C'est cela qui est inconvenant.

Symphony.

Ps : Je n'ai pas de mal à te répondre. Je cherche tout juste les mots pour caresser ton poil afin de rester - comme tu le dis si souvent - convenable, car c'est visiblement ce que tu apprécies chez les autres.

Le 18 septembre 1888, à Poudlard,

J'ai oublié de te dire après ces vives émotions que je viendrais tout de même le 22 septembre à ta rencontre, disons au Salon de Thé. Quoi que tu en dises, j'essaye au moins de faire bonne figure. Je ne veux pas te causer du tord, et je conviens que notre situation est difficile.

Symphony.

Ps : Merci pour le colophane.

Le 22 septembre, Londres


Je me vois contraint d'annuler notre rendez-vous. N'y voyez pas mal, mais une affaire importante me retient à Londres.

Lord Calixte.

Le 23 septembre 1888, à Poudlard,

Mon très tendre, sache que je ne t'en veux pas de m'avoir laisser croupir seule au Chemin de Traverse. Tu as, après tout, des obligations et des rencontres. Je sais que tu es quelqu'un de très ordonné, mais j'imagine que même ce genre de petit désagrément arrive à tout le monde, même aux hommes les mieux rangés.

Je comprend également que tu dois être très occupé avec tes affaires, et que ces dernières te prenant beaucoup de temps, je risque de nouveau de me retrouver souvent toute seule au Manoir.

Afin de te faciliter la vie, et pour me montrer au moins compatissante de mon aimé qui souffre à la tâche et travaille si hardiment pour moi, je vais te libérer au moins d'une de tes obligations et rester à Poudlard durant les vacances d'octobre. Après tout, tu n'as certainement pas besoin de moi pour alourdir ta tâche au jour le jour.

En contrepartie, pour ne pas non plus te faire du soucis, je ferais sagement mes devoirs et t'écrirais souvent, je te le promet.

Travaille bien mon aimé,

Symphony qui t'aime et te regrette déjà.

Le 5 octobre 1888, Ailbearth,


Symphony,

je goûte dans vos mots une certaine amertume que vous aurez eu la bienveillance de contrefaire derrière des paroles douces et indulgentes qui, force est de le constater, vous siéent mieux qu'à nulle autre. Je ne vous cacherai pourtant pas que je me trouvais bien content de n'avoir pas à vous rencontrer à Pré-au-Lard dernièrement car j'aurais été de fort mauvaise compagnie or, s'il m'arrive de penser que votre attitude achève de contrevenir à notre bonheur conjugal, pour moi, je ne ferais rien qui puisse aggraver notre situation.

Vous devez savoir, nonobstant, que je ne tolèrerai plus que vous vous répandiez en méchancetés sur notre famille car désormais et puisqu'il le faut, mes cousin et cousines sont aussi les vôtres, et par deux fois encore puisque votre frère, Lord James - pour qui vous savez que j'ai grande affection - me fit également l'honneur de prendre Lady Honoria pour épouse. Merlin sait que dans son malheur, il eût l'intelligence d'élire la plus gracieuse des trois soeurs et que, s'il éprouve quelque dégoût devant son physique déplaisant, jamais il ne laisserait que quiconque insulte son épouse. Vous n'en serez pas étonnée j'en suis certain mais là où je vous surprendrais c'est sans doute à dire que malgré tout, j'ai quelque affection pour ces "porcins de la lignée de mon oncle Morgaen" comme vous dites et que c'est grand déplaisir de vous trouvez si prompte à la moquerie quand bien même je vous y encourageai moi même en vous disant, riant au soir de nos noces, que vous m'aviez sauvé du pire des ménages.

Ceci étant dit, je ne souhaite pas revenir sur les mots que nous avons eu. Je sais qu'ils reviendront d'eux-mêmes bien assez tôt et ne me réjouis point de cette navrante perspective.

Comme vous le dites, j'ai eu fort à faire dernièrement et serait certainement tenu occupé jusqu'à vos prochaines vacances. Pour autant, si vous ne rentriez pas ces quinze jours, je serais contraint de croire que quelque chose vous retient au château et je ne vous cache pas que ce ne serait pas non plus pour me plaire. En outre, votre présence est le plus souvent un ravissement pour moi autant que pour ma mère qui prise votre musique et votre conversation mieux encore que celle de ses dames de compagnie.

On me rapporte que votre travail est excellent comme toujours, aussi, vous recommanderai-je d'apprécier vos vacances comme vous les méritez et non à étudier jusqu'à l'insomnie. Je ne peux croire, par ailleurs, que vous ayez déjà oublié l''opéra Shérazade que nous voyons toujours début novembre.

A vous,
Lord Calixte.

Le 9 octobre 1888, à Poudlard,

Calixte,

Je suis quelque peu heureuse que tu prenne au mieux ma lettre. J'ai craint un instant que tu ne te méprennes sur ma compassion et ne la prenne pour un rejet, mais fort heureusement ton sens inné du détail ne te trompe jamais. C'est un fait.

Cependant, en vue du manque de réponse durant une très longue semaine, j'avais déjà beaucoup parlé avec mes amies et, m'étant crue "libre" ou presque durant les semaines des vacances, nous avions mis au point notamment un calendrier des révisions, afin de lire et de boire le thé ensemble.

J'essaierais de m'arranger afin de revenir au Manoir, mais hélas elles sont très dures en affaire; je ne t'assure ainsi de rien.

A vous,
Symphony.