 Sujet: " La solitude, on ne l'a jamais au bon moment." {Libre}
Lun 9 Mar - 17:01
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 "La jeunesse est le temps d'étudier la sagesse, la vieillesse est le temps de la pratiquer."
Une petite douleur, légère, soudaine et éphémère comme une piqure de moustique : vous la sentez, mais avant de comprendre cela a disparut. S'il devait comparer sa douleur à quelque chose, ce serait à une piqure de moustique. La seule différence, c'est que la douleur était mille fois plus forte, soudaine certes, mais très douloureuse. Voilà, ce qu'apportait la vieillesse à un homme, plus de sagesse et des articulations faiblardes qui crient leur indignation face à la maltraitance dont elles font l'objet. Si le genoux du ministre pouvait s'adresser à vous, il vous raconterait sûrement que ce vieux bougre n'utilise jamais la canne que le médecin lui a conseiller pour soulager ses articulations, il vous dirait que ce vieil imbécile trop fier se ballade tout le temps et prends rarement l'ascenseur en plus de cela. L'autre genoux rétorquerait qu'il ferait mieux de rester dans son bureau et de communiquer par le réseau de cheminées, mais Monsieur O'Flahertty préférait parler face à face avec son interlocuteur ; les vieux et leurs principes, cela nuit à la santé. Pourtant, malgré toutes les récriminations que ses articulations auraient pu lui adresser, elles continuaient à le porter, parfois à le supporter, fidèlement, contre vents et marées, d'étages en étages, de bureau en bureau jusqu'à la libération suprême : le retour dans la grande chaise de son propre bureau. Heureusement que ce siège ministériel existait et heureusement que Lear était ministre. Il ne l'aurait pas été, il aurait eu droit aux chaises mal finie qu'on distribuait aux employés et qui étaient de loin moins confortable que son magnifique siège en cuir sur bois d'acajou finement sculpté. Que rêver de mieux comme trône ? Rien. A part peut être, d'avoir le trône et pas les inconvénients de la profession.
Car malgré tout l'amour qu'il déversait à longueur de journée dans sa chère paperasse administrative, dans la gestion des différents services du ministère, dans les conversations avec des homologues étrangers récalcitrants ; malgré toutes ses convictions, il y avait des jours où il aurait préféré avoir le luxe de son bureau sans les responsabilités de son poste. Il se laissa aller contre le dossier de son fauteuil et ferma les yeux quelques instants. Un flot d'images parcoururent l'écran noir qui s'étendait devant ses yeux. Des images en relation avec des souvenirs heureux, la naissance de ses filles, la naissance de ses petits-fils, les cadavres de milliers de gens en décomposition...Il rouvrit les yeux, son passé d'Auror le rattrapait, on n'échappait pas à son passé, mais on pouvait modeler son avenir. L'image des cadavres semblaient s'être incrusté dans sa rétine comme pour toujours lui rappeler ce qui s'était passé. Il secoua légèrement la tête et soupira. Se redressant complétement, il se massa le genoux - Depuis quelques temps, ses articulations râlaient - et regarda son environnement de travail. La pièce était lumineuse presque accueillante grâce au soleil artificiel qui brillait constamment à travers la fenêtre de son bureau. Les murs étaient décorés de photos où on le voyait serrer des mains ou recevoir un prix. Une photo se détachait des autres : la photo faite lors de son investiture, il la fixa un instant, ce souvenir semblait lointain et extrêmement proche à la fois. Ses yeux se posèrent, sans s'arrêter, sur les chaises réservaient aux visiteurs et continuèrent leur chemin jusque sur son bureau. Un bureau qui allait de pair avec son fauteuil, en acajou lui aussi, dans des tons sombres. Sur ce bureau toute sortes d'objets, rangés, voire même trop rangés pour que cela paraisse naturelle et un dossier, ouvert, un dossier relatant la terrible catastrophe en Amérique et dont les conclusions, quant aux auteurs de cet attentat, font froids dans le dos. Le ministre se passa une main dans les cheveux, cette affaire était loin d'être claire et il redoutait que les conclusions des experts soient vraies. Cela remettrait beaucoup de chose en question et il fallait qu'il trouve un plan d'urgence si jamais ces monstres venaient sur le sol britannique, mais en même temps s'il alarmait la population pour rien ce serait un suicide politique sans précédent dans l'histoire. La sagesse devait l'emporter sur son intérêt personnel, mais la sagesse lui dictait aussi de mener une enquête avant de faire des déclarations alarmistes. Dur choix qui s'offre à un vieux bonhomme. Il ouvrit un tiroir et en sortit une bouteille de scotch, un verre et un cigare. Il remplit le verre d'une bonne mesure de liquide ambré et alluma le cigare à l'aide de sa baguette. Pur moment d'extase solitaire, de sérénité absolue dans le bureau vide où personne ne lui récite son emploi du temps du jour mécaniquement pour bien faire ressortir que chaque minute, chaque seconde est étudiée pour être utilisée. Dans cet Eden terrestre où seule la fumée du cigare qui vous pique les yeux vous dérange, Lear peut s'offrir une pause bien méritée avant de reprendre ses fonctions derechef, mais bien sûr les bonnes choses sont les plus courtes et il faut toujours que quelqu'un vienne troubler ces instants de pur bonheur ; en frappant à la porte de votre bureau par exemple. Il se redressa, mais ne prit pas la peine d'écraser son cigare ou de ranger son verre, à une époque il pouvait fumer et boire dans les locaux sans problème, et il dit à son visiteur inconnu d'entrer sur un ton un peu sec et toujours aussi autoritaire qu'à l'accoutumée.
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