Parlons de ta future vengeance.

La vie d'Akshay ne lui avait jamais permis de s'engager dans des relations longues et aimantes. Disons que jusque-là, cela ne l'avait pas plus déranger que ça. Mace avait besoin de lui pour tout un tas de choses, y compris certaines affaires dont il ne pouvait se permettre de mettre n'importe qui. Puis, coucher à droite à gauche avec des femmes plus ou moins consentantes avait toujours été un moyen pour combler le manque de chaleur humaine. Akshay n'était pas un gentleman. Ce n'était pas non plus un homme attentionné. Et il était encore moins quelqu'un de souriant. Mauvais karma jusqu'au bout, il n'avait jamais souhaité se lier d'amitié avec quiconque, et encore moins avoir une relation durable avec une femme. Mais avec elle, c'était différent. Il la désirait, il la rêvait, et ses pensées n'étaient que tournés vers elle lorsqu'il s'allongeait dans son lit, le soir, les yeux vers le plafond, le visage éclairé par les rayons de la Lune ou des Lampadaires extérieurs lorsque la nuit était sans lune. Elle était une créature dangereuse, car elle s'étalait doucement dans sa tête, puis dans son cœur, jusqu'à ne plus le quitter, jusqu'à lui en faire perdre la tête. Il esquissait alors un sourire, se tournant dans son lit, tête dans le coussin, avant de finalement s'endormir.

Au moins trois fois par semaine, Akshay se rendait devant cette école où il l'avait aperçu, pour la regarder quelques instants, quelques minutes tout au plus, avant de s'en aller, sans jamais trouver le temps ou le courage pour s'approcher d'elle, et engager une conversation tout à fait quelconque pour obtenir, ne serait-ce, que son prénom. Mais aujourd'hui, il sentait qu'il pouvait le faire. C'est pourquoi il avait mit un point d'honneur à bien s'habiller. Un magnifique costard taillé sur mesure, la cravate bien arrangée, rasé de près, les cheveux coupés courts, avec de fines lunettes sur le nez, on aurait dit un homme d'affaire. Il eut un sourire, se demandant si c'était le genre d'homme qui lui plairait, avant de se parfumer en se mettant deux points dans le cou, aux poignets, puis sous les oreilles. Il reposa la fiole, sortant de sa salle de bain miteuse. Il posa un baiser sur ses deux doigts, les posant sur une icône bouddhiste. Akshay prit sa baguette magique, et disparut dans un volute de fumé noir.

Lorsqu'il réapparut, Akshay se trouvait devant l'école pour les petits sorciers. Pleins de parents d'élèves sortaient de l'école avec leur petit bout dans les bras, ou à la main. Singh s'adossa sur le mur, croisant les bras, attendant alors que tout le monde soit parti. C'est alors que les derniers parents disparaissaient, qu'Akshay, après une profonde inspiration, s'élança dans la cour de la petite école pour aller retrouver l'objet de toutes ses pensées. La porte de la classe ouverte, il s'engouffra dedans, et là, il la vit. Il ouvrit la bouche, mais aucun son ne sortit. Elle se retourna vers lui, il retira ses lunettes, lui faisant un petit sourire, avant de lui dire : « Euh... Bonsoir, je viens pour quelques renseignements. » Il était hésitant, mais son sourire, non. Il y avait quelque chose d'à la fois timide, mais en même temps de sûr de lui. Il rangea ses lunettes dans une de ses poches, son regard se plongeant dans les iris de la maîtresse d'école. Ses yeux étaient d'une beauté sans pareille. Jamais, il n'en avait vu des semblables.

Ce jour-là, Myfanwy, Berlioz et Morgan étaient au coin quand la cloche sonna. Comme un peu trop souvent cette semaine au goût de Mademoiselle Mayfair. La maîtresse leur adressa un sourcil un peu strict. Les trois bouts de chou regardaient leurs chaussures en se tortillant les mains dans leur dos, appréhendant déjà de se faire encore gronder. Il fallait dire qu'en ce début d'année, le petit trio s'était surpassé. Entre les petites chamailleries des deux fillettes pour avoir l'attention de Berlioz, les bêtises ordinaires, les bêtises extraordinaires, et tout le reste... ils n'étaient jamais en reste.

« Ca ira pour cette fois. Allez, filez. », ordonna la maîtresse d'un ton faussement sévère. Les petits décampèrent à la vitesse de la lumière, « Berlioz ? Tu n'oublies pas quelque chose ? Mh. »

Elle lui accrocha son minuscule sac sur les épaules et voilà que le bambin disparaissait pour rattraper ses amis et accessoirement, retrouver leurs parents qui les attendaient dans la cour de l'école. Khali secoua la tête en les regardant faire par la fenêtre puis elle soupira. Sa journée était presque fini. Les 4/5 ans n'étaient pas de tout repos et quand ils partaient à la fin de la journée, la salle de classe ressemblait souvent à un champ de bataille malgré toute la discipline que la maîtresse s'escrimait à leur enseigner. Elle ne s'en sortait quand même pas mal mais il fallait dire qu'avoir dans sa classe une petite fille atteinte de manifestations chimériques chroniques - Ste Mangouste n'avait pas du trouver plus compliqué - n'aidait en rien.

Un crapaud atterrit justement sur l'épaule de Khali au moment où un homme entrait dans sa salle de classe.

« Euh... Bonsoir, je viens pour quelques renseignements. »
« Bien sûr, entrez. Laissez moi cinq secondes, que je me débarrasse de ce prince pas très charmant... », fit-elle sans se rendre compte à quel point cette remarque était lourde de sens. Elle ouvrit la fenêtre et le prince-crapaud s'échappa. Il ne lui resta plus qu'à se laver les mains et... « Je suis tout à vous, voilà. Vous vouliez des renseignements donc ? Pour une inscription peut-être ? »

Khali était une jeune femme naturellement avenante et quand elle posait ses yeux mordorés sur vous, que vous soyez timide ou que vous ayez une confiance inébranlable en vous même, vous vous sentiez happé et surtout au centre de son attention. Sur les enfants cela faisait merveille.

La maîtresse sourit, attendant qu'il l'éclaire de ces interrogations. Elle était déjà à 90% sûre que ce n'était pas un parent d'élève - du moins pas le parent d'un enfant déjà inscrit dans sa classe - mais il lui semblait l'avoir déjà entraperçu. Peut-être devant l'école. Il était très bien habillé et sentait bon, ce qui laissait imaginer que c'était un homme d'affaire ou en tout cas quelqu'un qui avait un boulot prenant. Khali n'avait jamais été très douée pour deviner.

« Bien sûr, entrez. Laissez moi cinq secondes, que je me débarrasse de ce prince pas très charmant... » Un crapaud, un prince pas très charmant, Akshay se posa quelques questions, commençant déjà ses délires paranoïaques. Il ne lui plaisait pas, il n'aurait pas du venir. Aussitôt, ses pensées se brouillèrent, son rythme cardiaque s'accéléra, et il se mit à transpirer. Il déglutit péniblement, fermant les yeux pour tenter de se calmer. Non, elle ne parlait que du crapaud, et vu son boulot, elle ne faisait rien d'autres que faire un parallèle avec l'histoire de la princesse et de la grenouille. Il eut un sourire, ouvrant les yeux. Ses iris sombres semblaient dégager une chaleur toute particulière. Ce genre de chaleur qui ne vous laisse pas indifférent. Elle alla ouvrir la fenêtre de sa salle de classe pour faire partir le crapaud. Akshay la suivit du regard, avant de croiser son regard lorsqu'elle se retourna : « Je suis tout à vous, voilà. Vous vouliez des renseignements donc ? Pour une inscription peut-être ? » Le Vert Galant se mordilla la lèvre. « Euh... Oui. » Putain, qu'est-ce qu'il était entrain de lui dire ? Il... En faites, il venait de se rendre compte qu'il n'avait pas pensé à la suite de sa visite. Ce qu'il devait lui dire, ce qu'il devait faire, s'il devait mentir, et s'il devait mentir, comment allait-il faire ? Une impro' totale ? Ou une histoire pensée et s'y tenir ? Akshay sentit son cœur s’accélérait de nouveau.

Pourquoi se mettait-il dans cet état ? Était-ce de sa faute ? Sûrement. Elle avait quelque chose qu'il n'avait pas l'habitude qu'on lui prenne. Elle lui avait prit son cœur lorsqu'il l'avait vu, la toute première fois. Une chose qu'il n'avait jamais donné à quiconque, et pour cause. Mais elle, avec son regard mordoré, elle le lui avait volé, lui arrachant sans la moindre hésitation, avec une violence douce. Quelque chose chez elle le rendait accro, c'était comme si la foudre lui était tombée sur la tête. Un coup de foudre, disait les anglais. C'était sûrement cela. Réfléchissant aussi vite qu'il le pouvait, il ne voyait pas quoi lui dire. Alors, il allait se servir de ce qu'elle venait de lui dire pour mentir. Il fallait qu'il brode, et ce, très vite. Il ferma une seconde fois ses yeux, se forçant à sourire. Pourquoi perdait-il tout ses moyens ? Elle n'était pas dupe, elle allait le griller. Elle allait savoir, au moment même où il ré-ouvrirait la bouche, qu'un beau mensonge allait en sortir. Mais comment lui en vouloir ? Son cœur battait fort, et les bouffés de chaleurs étaient si impressionnantes qu'il avait l'impression de se retrouver sous un Soleil haut dans le ciel, en plein milieu d'un désert d’Arabie.

« Je... Euh, oui. Oui, oui, je viens pour une inscription. J'ai... » Il soupira. Machinalement, Akshay porta sa main à sa cravate qu'il desserra d'un geste rapide et précis. Il s'excusa : « Je suis désolé, mais il fait très chaud, ici. » Un sourire timide s'installa sur ses lèvres, alors qu'il jetait un rapide coup d'oeil dans la vitre qui lui renvoyait son image. Allez, on inspire, on expire, tout n'était qu'une histoire de couilles. Et il en avait. Akshay reposa son regard sur Khali, et il continua : « J'ai un petit bout qui va avoir quatre ans l'année prochaine, et... Je voulais savoir comment s'y prendre pour l'inscrire. » Content de lui, il rajouta : « On vient tout deux d'aménager dans les environs, on vient pas d'ici. » Il se tut, n'en disant pas plus. Les meilleurs mensonges se devaient d'être court et concis. S'il se laissait aller, qu'il en faisait trois tonnes, elle le grillerait facilement, et... Akshay voulait tellement sa chance avec elle... Oui, mais il lui mentait, là. Il se passa la langue sur les lèvres, avant de se mordre la lèvre. Il fallait qu'il réfléchisse aussi à une excuse. Elle était pire que le Diable. Tentation, fascination, désir. Il était faible, il n'était qu'un simple petit garçon devant elle.

Une goutte de sueur glissa le long de son échine.

En moins de dix minutes, il lui sembla que l'homme passait par tout les états. Il lui avait d'abord paru très sûr de lui, puis angoissé, puis fébrile et agité. Khali n'eut pas de mal à déduire qu'elle le mettait mal à l'aise sans trop savoir pourquoi d'ailleurs puisqu'elle n'allait pas le gronder comme elle avait fait avec ses trois garnements préférés. Peut-être qu'elle était son type de femme qui sait ?

« Je... Euh, oui. Oui, oui, je viens pour une inscription. J'ai... » Ou peut-être pas... quoiqu'il aurait très bien pu être père célibataire. Il y en avait pas mal. Mais ce n'était pas le genre de Khali de faire du charme à ses parents d'élève. Elle se contenta donc de sourire, amusée, et de le laisser finir de s'expliquer, tant bien que mal... « Je suis désolé, mais il fait très chaud, ici. »
« Détendez-vous, je ne vais pas vous manger. », répondit-elle pour lui montrer qu'il n'avait pas à se mettre autant la pression. Par égard pour lui, et surtout pour sa fierté, elle donna un petit coup de baguette et les fenêtres s'ouvrirent en grand, laissant entrer l'air frais du dehors. Elle sentit venir la chair de poule assez rapidement ce qui n'avait rien d'étonnant, frileuse qu'elle était.

Il lui sourit timidement. Il était même adorable dans sa façon de faire.

« J'ai un petit bout qui va avoir quatre ans l'année prochaine, et... Je voulais savoir comment s'y prendre pour l'inscrire. On vient tout deux d'aménager dans les environs, on vient pas d'ici. »
« Eh bien vous ne vous y prenez pas à la dernière minute. Asseyez vous je vais vous expliquer. »

Elle lui offrit une chaise, l'invitant à s'installer à une toute petite table sur laquelle les enfants avaient probablement fait du coloriage à en juger par les traces de pastel.

« Donc votre enfant aura quatre ans l'année prochaine. Vous l'avez déjà mis dans des établissements de puériculture avant ? Crèche ou garderie par exemple ? »

Pour Khali ces questions étaient la routine et d'ailleurs elle se montrait très professionnelle. Pour l'instant, elle n'avait aucune raison de remettre en question l'existence de l'enfant, ni aucune raison de se dire qu'à force de poser des questions elle pouvait encore une fois avoir l'air de soupçonner quelque chose et mettre le soit disant parent d'élève mal à l'aise.

« Si c'est le cas et que votre enfant était inscrit à l'année vous pouvez demander directement à cet établissement d'opérer un transfert vers notre école, à moins que vous ne préfériez vous occuper vous-même des démarches ? »

A nouveau, elle posa ses deux grands yeux d'or sur lui, sollicitant une réponse avant de poursuivre. Beaucoup de parents préféraient prendre les choses en main. Ça les rassurait et elle pouvait le comprendre facilement.

« Eh bien vous ne vous y prenez pas à la dernière minute. Asseyez-vous, je vais vous expliquer. » Khali l'invita à s'asseoir sur les petites chaises des enfants en bas âge. Ses genoux étaient haut, pour le coup, donnant un petit côté comique à la situation. Akshay baissa le regard, son cœur battant dans sa poitrine. Elle semblait douce, sociable, ouverte d'esprit. En quelques mots : Tout son contraire. Pourtant, elle continuait de l'attirer, elle était ce qu'il semblait avoir toujours cherché sans réellement s'en rendre compte. Elle était intègre, quand lui, était un malfrat de la pire espèce. Seul la mort il n'avait jamais infligé, mais ce n'était jamais passé bien loin. Et elle, elle était milieu de la vie, au milieu d'enfants, formant la nouvelle génération de sorcières, qui, déjà, auraient un bon apriori sur les ethnies qui leur sont différentes, en ayant une maîtresse métisse. Il croisa son regard, souriant presque instantanément, avant d'essayer de se reprendre. Il avait très chaud, et elle le mettait mal à l'aise, rien que de part son regard. Faut dire qu'elle donnait l'impression de lire dans son âme, chose que justement, il espérait qu'elle ne sache jamais. « Donc votre enfant aura quatre ans l'année prochaine. Vous l'avez déjà mis dans des établissements de puériculture avant ? Crèche ou garderie par exemple ? »

Son enfant ? Akshay eut une petite moue stupéfaite, se rappelant son excuse avant de hocher de la tête, réfléchissant alors au nom de son enfant. Bonne question d'ailleurs, car il ne se l'était jamais posé. Quel type de nom donnerait-il... Un nom de blanc pour qu'il s'intègre un peu plus facilement que lui, qui n'y était jamais parvenu avec sa bonne tête pendjab ? Ou un nom de chez lui, un nom que son père approuverait sûrement, souhaitant rester malgré tout, sous la bienveillance des terres ancestrales, bien qu'anglais, par la force des choses ? Akshay la regardait, réfléchissant à toute vitesse, tout en essayant de ne rien oublier de ce qu'elle lui expliquait. « Si c'est le cas et que votre enfant était inscrit à l'année vous pouvez demander directement à cet établissement d'opérer un transfert vers notre école, à moins que vous ne préfériez vous occuper vous-même des démarches ? »

Akshay la regarda longuement, avant de se dire qu'il faudrait peut-être qu'un jour il lui réponde. Captivé par son regard, elle allait sûrement pensée qu'il n'avait pas tout compris, qu'il était un riche immigrant venu d'Inde en Angleterre pour divers affaires, que ce n'était pas sa langue maternelle, et qu'il était donc rien à ses yeux. Une voix lui murmura alors de partir, de la laisser là, de ne plus rien dire car il était pitoyable, là, dans son beau costard, à tenter une relation avec une femme qui, une fois qu'elle saurait la vérité, partirait sans se retourner. C'était sûrement la raison, mais l'esprit d'Akshay différait totalement d'un autre. Le Bien, le Mal, même chez lui, c'était différent, corrompu par l'ère du Marché aux Trolls, et des divers rituels de Magies Noires, qu'il utilisait pour parvenir à ses fins. Il finit par baisser les yeux, avec un sourire, avant de répondre : « Je... Désolé, je connais l'anglais, mais ça va un peu trop vite. » Pitoyable. Tu fais honte, tu es ce qu'ils ont toujours voulu que tu sois, cet espèce d'immigré que l'on relègue aux affaires les plus minables. Elle te refusera l'inscription par ton manque de tact. Une inscription, qui en plus, était purement fictive. Akshay se passa l'index sous le nez furtivement, comme pour se ressaisir. Pourquoi, pourquoi fallait qu'il se fasse tant de films ? Barre-toi. « Non, non, il n'a jamais été inscrit dans une école. Il... »

Laisse-tomber. Barre-toi. Akshay se releva, la mort dans l'âme. Il semblait lutter, mais c'était le mieux à faire. Il fallait qu'il écoute sa raison. « Laissez-tomber, je n'aurais pas du venir. » Il prit le chemin de la sortie. C'était le mieux pour elle. Il valait mieux la laisser tranquille. Elle le prendrait sûrement pour un fou, mais c'était tout ce qu'il était de ce côté-ci de Londres. Un homme qui laisse tomber sa famille qui l'aime ne peut-être qu'un fou, peu importe la raison qui le motive. Singh devint plus sérieux, même si Akshay aurait préféré ne pas l'être. Il resserra sa cravate, avant de refermer les vitres de la pièce d'un mouvement de la main. Il s'avançait vers la sortie tout en espérant qu'elle ne l'arrête, qu'elle ne veuille savoir pourquoi, qu'elle ne veuille, peut-être, en apprendre plus sur lui. Non. Non, non, il ne valait mieux pas. Singh était trop sombre, ses activités l'étaient trop. Puis, il avait son désir de vengeance, il ne fallait pas se laisser distraire de son but.

Khali expliquait patiemment à son futur parent d'élève les formalités d'inscription. Elle félicitait toujours les parents de se renseigner suffisamment à l'avance et auprès du corps enseignant plutôt que de s'en tenir au brochures. Cela éviter des mauvaises surprises de dernière minute.

Cette fois-ci pourtant, elle avait purement et simplement l'impression que son futur parent d'élève était perdu. Par moment même, elle avait l'impression qu'il ne l'écoutait pas vraiment. Il semblait en proie à un débat intérieur agité et malgré tous les efforts de la jeune maîtresse, il finit par baisser les yeux et les bras :

« Je... Désolé, je connais l'anglais, mais ça va un peu trop vite. »

Khali sourit d'avantage, toujours aussi avenante. C'était un problème assez courant et qui ne semblait pas la déranger, elle. Il suffisait de la regarder pour voir qu'elle ne semblait avoir aucun préjugé en particulier, et d'ailleurs, elle ne changea absolument pas d'attitude après cette révélation. Malheureusement, son futur parent d'élève ne la regarda pas une seule fois. A peine prit-il la peine de lui dire que son enfant n'avait pas encore été scolarisé - ce qui était courant, beaucoup de petits sorciers n'entraient à l'école qu'à partir de quatre ans - qu'il se ravisa :

« Laissez-tomber, je n'aurais pas du venir. »
« Mais - »

Khali s'interrompit comme l'homme se levait près à décamper comme s'il venait de se rendre compte qu'il parlait à une pestiférée. Elle ne comprit pas une réaction aussi ferme et définitive. Avait-elle dit ou fait quelque chose.

Spontanément, elle se précipita après lui, le retenant doucement par le bras. Ce n'est qu'après coup qu'elle se dit qu'il n'apprécierait peut-être pas et que son geste pourrait même paraître trop familier. Alors lâcha, mais enchaîna rapidement avant qu'il ne s'envole :

« Ne partez pas, je n'ai même pas pu commencer à vous expliquer. Vous n'avez pas à être gêné, si l'anglais n'est pas votre langue maternelle ou celle de votre enfant. Nous avons l'habitude. J'ai une petite fille qui vient tout juste d'arriver du Rajasthan. Je peux vous assurer que votre enfant ne se sentira ni perdu ni laisser pour compte et d'ailleurs les enfants apprennent très vite à cet âge...  », elle le regardait avec de grands yeux presque implorants même si en réalité ses yeux lui mangeaient naturellement le visage comme s'ils avaient voulu jeter leurs sortilèges mordorés à quiconque osait s'y plonger, « Ça ne vous engage à rien. Si vous n'avez pas le temps je peux être brève ou... vous donner un rendez-vous qui sera plus à votre convenance... Comme ça vous aurez au moins tous les éléments en main pour prendre votre décision.  »

Elle ne savait pas vraiment pourquoi elle insistait. C'était dans sa nature d'aller vers les autres et de les aiguiller quand elle pouvait. Une autre collègue, moins jeune et plus aigrie, aurait lâché l'affaire mais elle, elle pensait surtout au petit garçon qui ne demandait qu'à ce que son père l'inscrive dans une école où il pourrait facilement s'intégrer et apprendre l'anglais si besoin.

Elle tourna le dos cinq secondes, avisant son bureau où était rangé les brochures de l'école. Même si elle trouvait que c'était nul, ce serait au moins cela si elle n'arrivait pas à le convaincre. La brochure donnait au moins une idée des valeurs de l'école et, avec sa cantine bio et ateliers créatifs et la mention "anglais langue étrangère pour tout petit", elle marquerait probablement des points auprès du mystérieux et si farouche parent d'élève.

« Ne partez pas, je n'ai même pas pu commencer à vous expliquer. Vous n'avez pas à être gêné, si l'anglais n'est pas votre langue maternelle ou celle de votre enfant. Nous avons l'habitude. J'ai une petite fille qui vient tout juste d'arriver du Rajasthan. Je peux vous assurer que votre enfant ne se sentira ni perdu ni laisser pour compte et d'ailleurs les enfants apprennent très vite à cet âge...  » Akshay partait, mais lorsqu'il entendit sa voix le retenir, puis sa main sur son bras, il eut un sourire qu'il cacha rapidement avant de se retourner vers elle. Elle aussi, peut-être ? Non, il se faisait beaucoup trop de films. Elle ne le connaissait pas autant que... Non, lui non plus ne la connaissait pas d'avantages, pourtant, elle avait saisi son regard, son coeur, et maintenant son bras. C'était sûrement un signe, où il ne s'y connaissait pas. Tu ne t'y connais pas. Il essaya de chasser sa conscience, mais elle avait raison. Il ne fallait pas rester, qu'est-ce-qu'il faisait ? Il allait déraper, et elle ne voudrait plus le voir. Akshay voulait rester, il le voulait de tout son être, malgré cette petite voix qui lui disait : Non, pars. Cette même petite voix qui semblait désespérer au point de lui dire de partir, et de revenir avec un réel plan de bataille pour conquérir son cœur. Elle était si belle à vouloir le convaincre. Plus il passait du temps à ses côtés, plus il voulait rester. Il savait que c'était elle et pas une autre. C'était comme si elle était venue, là, sur son chemin, dans un moment où il en avait le plus besoin.

« Ça ne vous engage à rien. Si vous n'avez pas le temps je peux être brève ou... vous donner un rendez-vous qui sera plus à votre convenance... Comme ça vous aurez au moins tous les éléments en main pour prendre votre décision.  » Elle l'implorait de rester. Akshay sentait son cœur lui dire de rester. Mais il commençait à paniquer. Sa conscience était beaucoup trop raisonnable, trop dans le vrai. Il lui fallait partir, maintenant. Il reviendrait, ce n'était que mieux. Il lui avouerait sa connerie, puis elle le prendrait bien, alors il l'inviterait boire un café, sûrement avec une rose, parce que les filles aimaient les roses, et que... Akshay souffla, comme pour se calmer. Mais c'était impossible. Il n'y parvenait plus. Il n'avait qu'une envie, c'était de faire sa vie avec. Il était fou. Fou. Fou d'elle. Mais comment pouvait-il s'en vouloir ? Elle était si belle. Ses yeux dorés semblaient lui avoir été donné par Shiva. Tu es trop romantique. Regarde-là, elle est bien intégrée, elle avec sa couleur de peau pendant que toi, tu traînes dans les bas fonds de Londres pour soit-disant attirer toute la malchance de ta famille sur toi. Il ne parvenait pas à s'expliquer le coup de foudre. Quel connerie, tu crois vraiment que ça marche comme ça ? Elle va se barrer quand tu vas lui dire ta profession. A moins-ce que tu es prévu de lui mentir aussi là-dessus ? Ah, c'est déjà fait.

Akshay se força à sourire, se retournant vers elle. Il avait besoin de parler, il avait besoin d'être, rien qu'une fois, avec quelqu'un qui n'avait pas de mauvaises intentions. Il perdait la tête ces derniers temps. Cela faisait un an d'ailleurs, que ça avait commencé. La mort de Mace l'attirait sans qu'il ne puisse rien faire, vers le fond, vers la folie. Ses yeux, qui pourtant étaient calmes à ce moment-là, dégageaient une folie terrifiante. Akshay devait prendre les choses en main. Il devait tout lui dire. Lui raconter pourquoi il était là, pourquoi il se faisait passer pour quelqu'un qu'il n'était pas, et surtout ce qu'il ressentait, la sensation qu'il avait, lorsqu'il la regardait. Mais lorsqu'elle se retourna, tout s'obscurcit. Une peur phénoménale s'empara de lui sans qu'il ne puisse la contrôler. Sans hésiter une seule seconde, avec la peur qu'elle ne le quitte pour toujours, il plongea sa main dans la poche, sortant un mouchoir puis une petite fiole qu'il ouvrit pour la vider sur le mouchoir.

Akshay s'approcha alors d'elle, tout doucement, avant de lui appliquer le mouchoir sur le nez et la bouche, la serrant avec force contre lui, la folie se lisant dans son regard tandis que la peur s'installait chez Khali. Lorsqu'elle ne se débattit plus, il ferma les yeux, et ils disparurent de l'école pour petits sorciers.


(...)

Lorsqu'ils réapparurent, qu'Akshay la posa sur un lit, dans sa planque, quelque part dans le Marché aux Trolls, il se mit les mains sur le visage, fermant ses yeux lentement, se rendant alors compte de ce qu'il venait de faire. Il se laissa tomber à genoux, secouant la tête, les yeux pleins de larmes. C'était fichu, maintenant. Je te l'avais dis. Il se releva, envoyant un grand coup de pieds dans un tabouret qui partit s'éclater contre un mur tandis qu'il poussait un cri de rage. En face de lui, un miroir lui projetait son reflet. Une haine naquit au plus profond de lui-même, et il se jeta sur le mur pour arracher le miroir qu'il envoya valdinguer de l'autre côté de la pièce. À ce moment-là, il tomba contre le mur, posant son visage contre, éclatant en sanglot. Il ne savait plus ce qu'il faisait, et n'avait plus aucun contrôle sur ce qu'il faisait. Pourquoi avait-il fait ça ? Pourquoi l'avait-il, en plus, amener dans l'endroit le plus malfaisant de Londres ? Les larmes coulèrent alors qu'il tapait le mur du plat de la main. Jamais il n'avait eut l'air aussi vulnérable, prenant alors conscience qu'il avait besoin d'aide.

Il se retourna alors, s'asseyant contre le mur, ramenant ses genoux vers son visage qu'il entoura de ses bras, qu'il joignit à l'aide de ses mains. Arrière du crâne posé contre le mur, les dernières larmes coulant sur ses joues basanées, il posa son regard sur son lit, attendant qu'elle ne se réveille, avec la peur qu'elle ne pète un câble. Que croyais-tu qu'elle allait faire, Singh ? Tu viens de l'enlever, tu l'as pervertit, c'est trop tard. Elle ne sera plus jamais la même. Je te l'avais bien dit qu'il ne fallait pas... « TA GUEULE ! » Se mit-il à hurler pour lui-même. Il laissa alors tomber sa tête contre ses cuisses, avec pour seul envie, celle de tout laissait tomber. Après tout, il était déjà mort pour sa famille, pour les gens qui l'aimaient... Il ne manquerait à personne. Akshay se mordit l'index avec force. Jamais, il ne s'était autant haï. Il se releva, se passant une main dans les cheveux. Il s'approcha de la petite commode où l'on voyait une petite idole bouddhiste en cuivre doré, avec un petit réceptacle sur lequel il posa un encens qu'il alluma du bout de ses doigts.

L'odeur et la fumée s'élevèrent dans la pièce. Akshay arracha sa veste de costard qu'il balança quelque part derrière lui, retirant sa chemise également pour ne laisser paraître qu'un espèce de débardeur blanc. Il s'agenouilla alors, joignant ses mains, avant de fermer les yeux tout en baissant la tête. Il se mit à prier. Soyez clément avec lui, le pauvre. Il est con qu'il n'en peut plus.

Si Khali avait pu se douter de ce qui allait se passer, elle n'aurait pas tourné le dos une seconde. En vérité elle aurait même probablement signaler le soit disant futur parent d'élève à la BIM afin de s'assurer que le sinistre individu ne rôdait pas autour des enfants. Mais elle ne s'était rendu compte de rien, sinon de l'état d'agitation de l'homme, et, quand elle sentit le mouchoir contre son visage et son bras qui la serrait tout ce que la maîtresse d'école put faire ce fut de se débattre brièvement. La potion qui imbibait le mouchoir avait une odeur forte qui n'était pas sans rappeler les huiles essentielles avec une touche autrement plus sinistre. Finalement elle se sentit retomber mollement, abandonnée par son propre corps. Seule sa main resta sur celle du fou furieux qui s'était jusque là caché sous les traits de l'homme aussi charmant que timide qui venait se renseigner pour inscrire son enfant -probablement imaginaire - dans sa classe.


Lorsqu'elle revint à elle, elle se sentait un peu la gueule de bois. Elle avait dormi d'un sommeil lourd et sans rêve au point d'en avoir oublié sa mésaventure. Ce n'est qu'en sentant une odeur d'encens qu'elle eut un sursaut et ouvrit les yeux dans un lit qui n'était pas le sien.

La mémoire lui revint tout de go. Elle bondit hors du lit mais prenant garde de ne pas faire de bruit pour autant que c'était possible. Elle n'avait bien sûr pas sa baguette sur elle mais elle devait probablement être quelque part. Khali regarda autour d'elle. Elle ne pouvait pas partir à sa recherche comme ça sans savoir ce qui l'attendait dans la pièce d'à côté. Il lui fallait une arme, juste au cas où... ce bougeoir-là ferait très bien l'affaire d'ailleurs, et d'autant mieux qu'en retirant la bougie, Khali découvrit qu'il cachait une méchante pointe qui était bien plus qu'elle n'espérait pour se défendre.

Elle avança à pas de loup. L'homme lui faisait dos, il était en train de prier, ou du moins ça y ressemblait mais elle se méfiait. Pas question de se laisser abuser une fois de plus. Il fallait qu'elle se tire d'ici vite fait bien fait avant de finir en petit cube dans le sac poubelle prévu à cet effet. Il y avait toujours un sac poubelle prévu à cet effet...

Elle s'éloigna de son ravisseur à reculons, prenant bien garde à ne rien renverser dans son dos. Il y avait une porte au bout d'un couloir. Espérons qu'elle menait dehors ou au moins sur un pallier d'où elle pourrait alerter des voisins sains d'esprit...

Prier était la seule chose qui semblait réellement le calmer. L'encens l'apaisait, lui permettant alors de voir plus clair dans ses pensées qui s'obscurcissaient de plus en plus vite ces derniers temps. En priant, il parvenait à faire un vide total, lui permettant alors de mieux percevoir son entourage, son environnement de sortes à ce qu'il puisse toujours être maître de la situation. Cela faisait beaucoup rire Mace, les rares fois où il avait voulu l'assister dans les missions qu'on lui attribuait. Singh s'adonnait clairement aux pires facettes de l'humanité, n'ayant aucune crainte de menacer les enfants de quiconque si jamais on lui donnait pas ce qu'il voulait.

Empoisonner un proche, pour ensuite aller proposer un marché à la personne désirée en lui donnant la possibilité de sauver son proche et de lui donner ce qu'il voulait ou la laisser mourir, avait toujours eu son petit côté mélodramatique, mais c'était également une très bonne source de motivation. Même chez lui, bien qu'il ait tout fait pour garder sa famille de côté, de sortes à ce que personne n'entende parler d'eux, Mace ayant été le seul, mais qui, aujourd'hui, emportait son secret dans la tombe.

Tout à coup, il ouvrit un œil, sentant Khali s'agitait derrière lui. Akshay ne fit aucun mouvement brusque par peur de la voir faire une bêtise qu'il ne souhaitait pas qu'elle fasse. Il ouvrit les deux yeux, la sentant quitter la pièce, et en moins de temps qu'il ne me faut pour l'écrire, il exerçait un magnifique sortilège de transferts pour se retrouver derrière. Khali, qui continuait de reculer, le percuta, dos contre son torse. Il l'enlaça alors tendrement, lui retirant le chandelier avec douceur pour le poser sur le guéridon, puis, il transplana pour réapparaître dans la pièce. Là, il la lâcha, avant de lui murmurer dans l'oreille : « Non... Dehors, sur le Marché aux Trolls, c'est dangereux. Une si belle personne comme toi risque beaucoup d'ennuis. » Akshay la contourna, lui soulevant le menton pour qu'elle le regarde droit dans les yeux. Il avait un sourire doux, presque séduisant. Il lui tourna alors le dos, s'approchant de son idole bouddhiste, veillant à ce que l'encens soit bien mis, puis il s'assit, les pieds nues sur le sol.

Akshay la regarda longtemps, contemplant sa beauté dans un silence pesant que lui seul ne ressentait pas comme tel. Ses traits étaient différents, peut-être parce qu'elle avait peur, remarqua-t-il. Sans déconner, Akshay, t'es vraiment le pire homme sur terre. Faire ta gueule, Singh, je suis le seul maître de mon corps. De ta folie, surtout, haha ! Akshay secoua la tête, baissant son regard vers le sol, alors qu'il posait une de ses mains sur un de ses pieds. « Je suis désolé de t'avoir enlever, j'ai... J'ai paniqué. » Lui avoua-t-il, calmement.

En sentant sa présence dans son dos, Khali sursauta, étouffant un petit cri d'angoisse qui acheva de mourir lorsqu'elle sentit ses bras s'enrouler autour d'elle comme deux serpents... Inutile de dire qu'elle n'appréciait pas et, si elle avait trop peur de la façon dont il pouvait réagir pour se plaindre, la chair de poule sur ses bras la trahissait.

D'un battement de cil il la ramena dans la pièce principale, murmurant à son oreille alors qu'elle faisait de son mieux pour se tenir loin de lui. Elle n'avait pas envie de le sentir si proche d'elle, pas envie de se trouver ici, pas envie d'avoir quoique ce soit à faire avec lui.

« Vous... vous n'avez pas d'enfant n'est-ce pas ? », bredouilla-t-elle alors qu'il se plaçait face à elle pour lui relever le menton d'un geste déplaisamment tendre. Même son sourire était horripilant.

Elle ne posait pas vraiment la question en fait. C'était surtout parce que quelqu'un lui avait dit un jour qu'avec les psychopathes il fallait à tout prix parler, chercher à nouer quelque chose même si au fond de soi, on n'avait qu'une envie : se faire oublier.

« Non... Dehors, sur le Marché aux Trolls, c'est dangereux. Une si belle personne comme toi risque beaucoup d'ennuis. »

Khali serra les dents. Quel genre de menace était-ce là? Elle ne comprenait pas.

« Qu'est-ce que vous allez me faire ? Qu'est-ce que vous me voulez ? »

Il continuait de la regarder, droit dans les yeux, tant et si bien que ça finit par la mettre mal à l'aise et qu'elle détourna le regard pour aller le poser sur le mur.

« Je suis désolé de t'avoir enlever, j'ai... J'ai paniqué. »

A ce moment-là, Khali ne savait plus si elle voulait en finir au plus vite ou continuer de discuter pour gagner du temps. C'était la première fois de sa vie qu'elle se trouvait devant une personne si contradictoire. Elle ne savait pas à quoi se fier. Elle ne savait pas à quoi s'attendre. Finalement, son instinct de survie trancha :

« ... C'est... ça ne fait rien, vous ne  m'avez encore rien fait, il suffirait que vous me laissiez partir et qu'on oublie tout ça... »

Bien sûr qu'elle n'allait pas pouvoir oublier tout ça d'un claquement de doigt mais du moment que lui en était convaincu...

Non, non, non. Akshay n'avait pas d'enfants. Singh pensait que c'était une mauvaise idée, à juste titre, d'ailleurs. Il était un Vert Galant. Il était un criminel, un malfrat. Il ne pouvait donner naissance en ce moment précis où son esprit était plongé dans une obscurité dont il parvenait qu'avec difficulté de conserver une petite bougie pour lui éclairer le chemin dans les ténèbres de sa folie. Ce n'était guère le moment. Puis, il n'avait pas besoin de lui répondre. Elle le savait déjà. Elle savait déjà tout. Elle était belle, intelligente. Elle était parfaite. Regarde son visage Akshay, dévore-là du regard, mais sois doux avec elle. Tu as mal agi avec elle, il va te falloir du temps si tu veux obtenir ce que tu veux avec elle, d'accord ? Akshay esquissa un sourire, baissant le regard devant ses yeux mordorés. Elle l'apaisait. Jamais, il ne s'était sentit aussi bien qu'en cet instant précis, même si ce n'était pas bien ce qu'il avait fait. Il le savait, et elle lui faisait bien comprendre. Elle était perdue, effrayée, terrorisée. Non, elle devait savoir qu'il ne lui ferait rien. Alors il ne fera jamais rien de brusque en sa présence. Ou alors, pas dans sa direction, d'accord ? Oui, c'était ça. Il fallait la préserver de sa folie. Il fallait qu'elle puisse se sentir tranquille, qu'elle puisse le faire changer d'avis, qu'elle puisse le tirer vers le haut en luttant contre sa folie dont il ne parvenait à garder le contrôle.

Il s'excusa alors, de l'avoir enlever. Ne lui répondant pas sur ce qu'il comptait lui faire, car selon lui, ça coulait de source. Akshay voulait la protéger du mal de l'extérieur. Il voulait être son chevalier, son charmant. Sa folie avait l'apparence d'un crapaud qui ne demandait qu'à être embrassé pour qu'il puisse enfin être débarrassé de tout cela. « ... C'est... ça ne fait rien, vous ne m'avez encore rien fait, il suffirait que vous me laissiez partir et qu'on oublie tout ça... » Akshay voulut lui répondre oui, elle pouvait le voir sur son visage, mais aucun son ne sortait de ses lèvres entre-ouverte. Les larmes montèrent à ses yeux, il n'y arriverait pas, il ne pourrait pas la laisser partir, il était faible. Elle était son espérance, elle représentait la beauté, à ses yeux, sur terre, et c'était elle, qui lui permettrait de s'en sortir. C'était sa bougie dans l'obscurité grandissante de sa folie. Il referma sa bouche, baissant son regard.

Finalement, il s'approcha d'elle, alors qu'elle s'était réfugiée près du mur, et il lui murmura : « Je... Je te jure que je veux le faire. Je veux te laisser partir, de tout mon cœur, mais... » Mais il ne pouvait pas. Il n'y arrivait pas. Akshay ne savait pas quel mot mettre les uns après les autres pour lui faire comprendre ce qu'il ressentait pour la simple et bonne raison que lui même ne savait réellement le définir. Il baissa de nouveau son regard vers elle, lui prenant doucement une main avec l'une des siennes, et il lui demanda alors : « S'il te plait... Pardonne-moi. Pardonne ma folie... Mais tu es la seule qui sache me faire espérer qu'un jour, je serais un homme meilleur. Que je ne serais pas.... Pas ça. » Il se mit à genou, posant son visage contre ses cuisses, comme pour cacher ses sentiments grandissant, au point d'avoir embué ses yeux de larmes. « J'ai perdu ma raison en voulant sortir ma famille de la misère, ne me laisse pas tomber, s'il te plaît... Je veux sortir de tout ça... »

Elle crut qu'il allait se mettre à pleurer lorsqu'elle essaya de le convaincre qu'il pouvait la laisser partir sans craindre de représailles. Malheureusement pour lui, ça ne lui attira pas les faveurs de la maîtresse, qui se demandait seulement ce que cachaient ces brusques sautes d'humeur. Rien de bon très probablement. Il n'avait d'ailleurs pas répondu à la question de ce qu'il comptait faire d'elle et pour elle ce silence suffisait à faire une réponse. Inutile de dire qu'elle aurait préféré une vraie réponse.

Elle s'empêcha d'avoir un mouvement de recul lorsqu'il s'approcha d'elle car, même si ça lui demandait tous les efforts du monde, elle préférait ne pas savoir comment il réagirait s'il finissait par se vexer. Mieux valait sans doute jouer le jeu jusqu'à ce qu'elle ait une chance de fuir. Elle était coincée dos au mur de toute façon et le pire, c'était qu'elle s'était mise toute seule dans cette situation. Quelle conne, pensa-t-elle.

« Je... Je te jure que je veux le faire. Je veux te laisser partir, de tout mon cœur, mais... »

Mais ? Mais quoi ? Ca fait dit fois que j'essaye et chaque fois ça finit dans le sac poubelle prévu à cet effet. Seigneur, elle espérait que ce n'était pas ce qui se cachait derrière ce mais.
Lorsqu'il lui prit les mains elle se tendit, s'efforçant de ne pas les lui retirer même si son corps, par réflexe, tirait dans la direction opposée. C'était plus fort qu'elle. Ce type qui aurait pu lui plaire quand ils en étaient encore aux présentations dans la salle de classe, la révulsait à l'instant présent. Mais il y avait pire !

« S'il te plait... Pardonne-moi. Pardonne ma folie... Mais tu es la seule qui sache me faire espérer qu'un jour, je serais un homme meilleur. Que je ne serais pas.... Pas ça. »

Pendant une brève seconde, elle eut comme de la compassion. Cet homme se dégoûtait lui-même autant qu'il la dégoûtait elle. C'aurait pu être un point de convergence pour eux deux si ça n'avait pas impliqué qu'il la séquestre dans cet appartement.

A ce moment-là, il se mit à genou devant elle, posant son visage contre ses cuisses comme s'il avait été autant fou d'amour et de désespoir que fou tout court. Inutile de dire que ça n'était pas pour plaire à la pauvre Khali qui se hissait sur la pointe des pieds pour essayer d'échapper à ça en s'évadant - qui sait - par lévitation.

« J'ai perdu ma raison en voulant sortir ma famille de la misère, ne me laisse pas tomber, s'il te plaît... Je veux sortir de tout ça... »

Elle croisait et décroisait les jambes très inconfortablement, se félicitant d'avoir choisi un pantalon ce jour-là plutôt qu'une jupe. Elle posa malgré elle ses mains sur ses épaules pour le repousser en douceur tout en hoquetant à nouveau une question :

« Mais pourquoi moi ? Comment - comment je peux vous aider ? »

« Mais pourquoi moi ? Comment - comment je peux vous aider ? » Singh eut un petit rire, tandis qu'Akshay baissait le regard. Oui, vazy, nous sommes tout ouïe. Il s'éloigna d'elle, ne sachant pas quoi lui répondre. Il sentait son cœur s'accélérait de nouveau, il fallait qu'il mette de la distance avec elle. Le plus possible, sinon, il allait encore faire une connerie, et personne ne savait ce qui pourrait arriver. Il releva le regard vers elle, le visage défait par une douleur intense, une souffrance mentale. Il se passa les deux mains sur le visage, éteignant l'encens qui fumait toujours avec deux de ses doigts, pour enfin, s'appuyer de ses deux bras sur la commode. Il releva le regard vers le mur blanc, avant de reposer de nouveau son regard vers elle. Allez, dis lui. Non, il se retourna, s'éloigna un peu plus d'elle pour s'approcher du lavabo dans le fond de la pièce. Il se mouilla le visage, s'épongeant ensuite avec une serviette. « Non. Enfin. Si. C'est juste que... » Singh éclata de rire. Akshay ferma doucement les yeux, comme pour retenir une colère qui pouvait éclater d'un moment à l'autre. « Tu représentes.... Tu es tout le contraire de ce que l'on trouve ici. J'ai... Tu as eu la malchance de croiser ma route. Je suis désolé. »

Il attrapa une veste en cuir noir, qu'il enfila rapidement. Akshay allait sortir. Il lui fallait s'éloigner d'elle, mettre le plus de distance entre elle et lui, et qu'elle cesse d'être... D'être comme ça. Il était toujours celui qui était venu à l'école pour petits sorciers, il était vraiment l'homme qu'il prétendait être. Du moins, sur sa timidité, sa non-assurance dans ces propos envers elle, car c'était criant d'un amour qu'il ressentait pour elle au plus profond de son coeur, de son âme. Elle était sa moitié, il en était sûr. Il n'y avait qu'elle qui pourrait l'aider à devenir celui qu'il avait toujours été, qu'Akshay était. Singh parlait beaucoup, mais Singh avait peur de ne plus en être. C'était tout, c'était pour cela qu'il l'énervait, il voulait qu'il perde ses moyens, qu'il ruine ses chances. Non, non, il fallait qu'il apprenne à le contrôler, au moins le temps qu'il passait avec elle. Singh riait, il entendait son rire, ses moqueries, il avait l'impression qu'il allait devenir fou. Perds pas ton temps avec elle, et va sauver l'honneur de Mace. Baise-là, et lâche-là ici, avec un peu de changer le boucher n'en fera qu'une bouchée. Akshay ferma une seconde fois les yeux, alors qu'il s'approchait d'elle. Il lui prit la main avec douceur.

« Écoute. Je suis toujours l'homme timide qui est venu pour tenter d'avoir un rendez-vous avec toi, d'aller boire un verre, ou pourquoi pas de dîner ensemble, pour qu'on puisse apprendre à se connaître, voir si ça pourrait coller, puis... Puis, voir si on est fait l'un pour l'autre. Je... Je sais que ça paraît insensé vu ce qui vient de se passer, mais laisse-moi finir. » Il amena la main de Khali contre son ventre à elle. Akshay s'éloigna d'elle, lui montrant alors qu'il ne voulait pas lui faire de mal, qu'il comprenait la situation dans laquelle il venait de la mettre, mais qu'il ne pouvait rien y faire pour le moment. Akshay rajouta : « Je suis... Je sais que tu es celle qui me sauvera de tout ça. Pourquoi ? J'en sais rien, et j'en ai rien à foutre. C'est comme si la foudre m'était tombée sur la tête. Lorsque j'ai croisé ton regard, j'ai senti mon coeur s'arrêtait de battre. C'est insensé, je sais, tu n'y crois probablement pas. Je suis fou, j'ai besoin d'aide. J'en ai besoin. Mais s'il te plaît, crois-moi quand je te dis que jamais, oh grand jamais, je ne te ferais le moindre mal. Laisse-moi du temps, tu veux. »

Akshay n'avait jamais été on-ne-peut-plus-saint d'esprit qu'en ce moment précis. Il baissa le regard, puis, il sortit sa baguette, insonorisant la pièce, la rendant impassible à toute intrusion. Il voila la fenêtre d'un film magique protecteur, puis il se retourna et quitta la pièce, sans lancer un regard derrière lui. Singh s'inquiétait. Qu'est-ce que tu veux faire ? Pourquoi tu ne veux plus de moi ? Qu'est ce qui te prend ? Tu nous laisses tomber, hein ? Et ta famille ? Et Mace ? Lazar va se foutre de ta gueule. T'as pas de paroles, tu ne vaux pas mieux qu'Alice. Akshay envoya le plat de son poing contre le mur avec force, faisant un trou dans le mur. Il referma la porte derrière lui, tapotant la serrure avec sa baguette magique, enfermant alors Khali. Il appuya son front sur la porte, comme exténué. Il fallait que tout s'arrête. Il avait besoin d'avoir les idées clairs comme il venait de les avoir lorsqu'il avait parlé à Khali. Non... Il fallait plus que ça. Il lui fallait récupérer sa vie d'avant.

Une lueur traversa son regard. La folie revint, un sourire se dessina sur ses lèvres, en pensant à toutes les atrocités dont il était capable de faire pour sauver l'honneur de Mace. Il allait le venger. Et ça, c'était indéniable.