Famille
« Les bonnes familles sont pires que les autres. »
◢ famille : Les Thorpe sont une riche famille anglaise, dont la plupart des représentants a élu domicile à Londres. Leur richesse est basée sur les terres qu'ils possèdent aux encablures de la grande ville, mais elle a également une origine occulte. Les Thorpe sont en effet une prestigieuse lignée de chasseurs. Spécialisés dans la traque et l'extermination de sorciers, ils ont amassé une grande part de leur fortune sur le dos de leurs victimes.

Pensine

Acte I : l’Art de la décence

Les Thorpe ne connurent jamais de plus grande joie que lorsque naquit leur héritier mâle. Certaines familles londoniennes cachaient leur déception de n’avoir que des femmes sous de gracieux sourires et l’espoir de pouvoir les marier à de bons partis. Ce n’était pas un comportement approprié pour un Thorpe. Clayton Edouard Thorpe aurait trouvé le moyen de changer sa première née en homme plutôt que de se contenter d’une représentante du sexe faible. Il n’était pas envisageable que leur lignée s’éteigne au profit d’une autre, moins prestigieuse, moins digne, moins Thorpe, ni même qu’une autre branche de la famille s’accapare tous les privilèges à leur détriment. Un cousin de Clayton vivait également à Londres, par chance, il n’avait que des filles, et ne pouvait donc pas lui faire ombrage. En revanche, il existait hors de la capitale des Thorpe bien plus dangereux et véhément, qui guettaient la moindre faiblesse du respectable Clayton Thorpe pour lui ravir son statut de chef de file. Car les Thorpe ne devaient pas seulement s’opposer aux autres grandes familles anglaises, ils devaient avant tout régler leur problème de dissension internes. La naissance de Clifford Benedict Thorpe ne fit pas taire complètement les ambitions des autres branches de la prestigieuse maison, mais elle eut le mérite de consolider le pouvoir de Clayton. L’importance qu’acquit le nouveau-né ne soufra d’aucun égal. Son paternel savait à quel point il devait le garder dans son giron. Aussi ne laissa-t-il que peu de mois s’écouler avant d’arracher l’enfant à sa mère pour le confier à une nourrice et le baigner dans un environnement propice à son endoctrinement.

Clifford grandit ainsi, loin des considérations maternelles, afin d’éviter qu’il ne s’affaiblisse. Les traditions s’encrèrent en lui, et l’éducation qui lui fut fourni n’eut d’égal que l’apprêté au combat qui lui fut inculqué. Les Thorpe développaient ainsi chez leurs membres deux visages : celui d’un gentilhomme convenable, connu de tous et apprécié par la noblesse et la gente féminine, et celui, occulte, d’un redoutable guerrier. La nécessité de devoir jouer son rôle sur les deux tableaux ne perturba pas Clifford, qui se révéla véritablement doué. Il était difficile de savoir, même pour les siens, si sa gentillesse et sa générosité étaient feintes, ou s’il était réellement un homme de bien, qui voyait la chasse à laquelle se livrait sa famille depuis des générations comme une entreprise de purification et de charité chrétienne.

Pour répondre rapidement à cette interrogation lourde de conséquences, Clifford était avant tout un féru défenseur des traditions. Il était agréable et sociable, car ces qualités étaient attendues d’un jeune homme de bonne famille. Il était croyant, car cette croyance formait la base de la chasse qu’exécutait la famille Thorpe. Il voyait ainsi la magie et ses utilisateurs comme des abominations. Les Thorpes n’avaient pas connaissance de toutes les créatures qui pullulaient en ce monde, mais ils s’étaient spécialisés dans la traque de ceux qui manipulaient la magie, car il s’agissait à leurs yeux du pire de tous les maux. Les autres formes de monstruosité découlaient finalement de l’existence de ses adeptes, et étaient le fruit de leurs expériences dégénératives. Clifford voyait ainsi les sorciers comme l’origine du mal, et leur extermination apparaissait comme la clé du problème, l’unique moyen de débarrasser le monde, et surtout l’Angleterre, des vices qui pervertissaient les âmes. Ce faisant, tout gentilhomme qu’il soit, il n’hésitait pas à se montrer un combattant acharné.

L’année de ses 16 ans, il traversa les épreuves qui lui permirent de devenir un chasseur en tant que tel. Dès lors, il put accompagner son père, et le groupe de chasseurs issus de la branche primaire de la famille, à l’occasion d’opérations discrètes dans Londres. Leur clan ne se risquait pas souvent hors de Londres, car il y avait déjà forte à faire dans la grande ville, et que d’autres clans Thorpe couvraient les territoires qui s’étendaient au-delà. La première chasse de Clifford resta à jamais gravée dans sa mémoire. Ce qui devait n’être qu’une opération de contrôle dérapa en une véritable lutte armée. L’héritier de la prestigieuse famille s’empara de son revolver et démontra qu’il n’était pas seulement doué dans la salle d’entraînement. Il tua son premier sorcier ce soir-là, et comprit que ces immondices, toutes puissantes qu’elles étaient grâce à leur utilisation malsaine de la magie, n’en restaient pas moins mortelles ; et ne faisaient pas le poids face à une arme correctement employée.