Lorsque l'on est paranoïaque on croit que tout le monde vous en veut, tout le temps, que l'on est jamais en sécurité nulle part. Jamais, jamais, même quand vous vous blindez de pièges et sortilèges dans votre atelier miteux. Ce n'est parce que vous passez votre temps à imaginer des bruits de pas qui vous suivent dans des ruelles sombres, que forcément personne ne vous suit.
Or, cela faisait une bonne semaine, que le sentiment d'insécurité et de malaise de Dante augmentait. Il avait l'impression d'être suivit, voire traqué. Oh, rien d'aussi évident et malhabile que des bruits de pas derrière lui. Techniquement, il n'avait rien vu, rien remarqué d'anormal : si on le suivait, c'était fait par un expert. Mais il avait un mauvais pressentiment, un instinct qui lui disait qu'il était filé.

Il détestait ça. Ces jours-ci il devenait encore plus nerveux et irritable, manquant de s'empoisonner plusieurs fois par inadvertance. Un miracle qu'il n'ait agressé aucun de ses clients ( mortellement du moins ) . Il y avait quelqu'un dans son dos, mais en même temps...il n'y avait personne. Pas de preuves, pas d'ombre, pas de visage. Rien. Juste un pressentiment. Il était donc vraiment fou ? Cela ne faisait que l'inciter à se terrer encore plus dans sa boutique. Il y avait dormit quasiment toute la semaine. Comme si être seul dans une boutique à Knockturn Alley était plus sûr que de dormir à la maison avec une sorcière du calibre de sa sœur ! Mais Dante était têtu, et il s'enfermait à triple tours et dormait à côté son fléreur, dans son antre.

Son antre était composée de deux parties : une boutique où s'entassait les chapeaux à la vente, et une arrière-boutique-laboratoire-atelier, où personne n'était censé entrer. Ce soir-là, Dante était assis en tailleur sur sa chaise, finissant les derniers détails purement « esthétiques» d'un de ses chapeaux. Cela lui permettait de ne pas penser au reste. Reste concentré sur ce que tu fais, Dante, concentre toi.
On frappa à la porte. Plusieurs fois, d'une manière acharnée. Le coeur battant, Dante redressa la tête et fixa la porte. Qui ou quoi ? Il était tard, il était fermé, l'inconnu ne le voyait donc pas ? Zou, rideau, on ferme, et on se barricade à la nuit tombée. Il jouait au mort, y a personne ici, toquez à côté.

« -Dante ! Ouvrez moi ! J'ai besoin de ...votre aide... »...Aide ? Voilà autre chose. Il n'avait pas l'habitude de refuser de l'aide à qui que ce soit, cela pouvait être important... Clarence hésita, debout immobile. Il faisait quoi là, du coup ? Il lança un regard à Belzébuth, fléreur de son état, qui était assis en sphinx près de la porte. Sa queue battait avec méfiance, alors qu'il fronçait les moustaches. L'inconnu n'était pas le bienvenu...mais au moins Belzé n'essayait pas encore de lui arracher les yeux : Dante pouvait peut-être faire l'effort d'aller voir. Il se saisit de sa baguette et traça rapidement un sortilège devant la porte, au cas où. Cela fait, le jeune homme daigna entrouvrir la porte, et lancer un regard inquiet à l'extérieur.

« -Il est tard pour un chapeau. Vous êtes et vous voulez ? »

Le regard méfiant que Dante lança par l'ouverture de la porte tomba sur une silhouette encapuchonnée, dissimulée dans l'ombre de la rue. Il faillit refermer la porte aussitôt, s'enfermer à double tour et de refuser d'entendre parler de tout être vivant durant au moins deux semaines. Avant qu'il ait le temps de retourner se cacher dans son trou, la jeune femme – puisque c'était une jeune femme – ôta sa capuche. Dante notait la bonne volonté, mais ne bougea pas d'un pouce. Elle n'avait pas l'air d'une demoiselle en détresse, et ce n'était pas parce qu'il s'agissait... d'une demoiselle, qu'elle ne pouvait pas le mettre lui en détresse.

Et il fut encore moins ouvert à la laisser rentrer lorsqu'il la sentit pousser la porte. Non, ce n'était pas comme ça que ça marchait, pas ici. Dante bloqua machinalement la porte du pied, sans que cela soit vraiment utile, puisque sa magie avait pris le relai et se tenait prêt à exploser au visage de l'intruse. Elle dut la sentir, puisqu'elle n'insista mais se contenta de sourire. Comme si elle appréciait le sortilège: au moins c'était bon signe, elle n'était pas sotte et savait appréciait une protection à sa juste valeur.

« -Shaylee Holmes. » Dante soutient son regard, répondant à son sourire par le même regard méfiant. Ce nom ne lui évoquait rien, la jeune femme était une inconnue pour lui. A l'écoute, elle ne faisait pas partie de la très haute société, mais à part ça... Dante ne lisait pas les journaux, ne se souciait pas le moins du monde des faits divers ou mondains. L'isolement dans son propre monde pouvait être un avantage comme un inconvénient lors d'une nouvelle rencontre, mais il n'avait la moindre envie de … s'engager dans la communauté, pour ainsi dire.
« -J'ai entendu parler de vous ! A plusieurs reprises et vous avez eu le don de m'intriguer et d’attiser ma curiosité. Si par hasard ces derniers temps vous avez pu vous sentir observé et bien je l'avoue c'est de ma faute. » Les doigts de Dante se crispèrent sur le bois de la porte, et ses mâchoires se serrèrent. C'était donc elle. Pourquoi les gens agissaient-ils de manière à attirer la méfiance ? N'aurait-elle pas pu se présenter à la boutique, au lieu de mettre ses nerfs à vif ?

« - Je vois. Vous auriez pu simplement passer, laisser un mot, demander un rendez-vous. »

Et lui éviter de ne pas dormir durant deux nuits de suite, de faire une crise de panique, et de barder sa boutique de sortilèges de protection. Aux yeux de Dante, ça aurait été fort aimable et appréciable. « -Si vous aviez la gentillesse de me laisser entrer nous pourrions nous entretenir sans risquer que nos paroles soient entendues par des oreilles indiscrètes. » Le regard inquiet que Shaleyy portait sur la rue ne calmait pas son propre malaise, et les doigts de Dante pianotèrent avec inquiétude sur le chambranle. Il n'avait pas la moindre envie de la laisser entrer mais... rester à discuter sur le pas de la porte les exposait trop. Le chapelier finit par désactiver le sortilège qui gardait le seuil de la porte. Il ouvrit plus largement la porte le temps de la laisser passer et referma derrière elle.

« -Vous êtes suivie ? »

Lâcha-t-il alors qu'elle pénétrait dans la pièce. Que faisait-elle là ? Etait-elle suivie ? Que lui voulait-elle ? Dante se frotta la joue de sa main libre, passa une main sur les yeux, cherchant à garder le contrôle de ses nerfs. De l'autre, il tenait toujours serrée entre ses doigts sa baguette, prêt à activer les sortilèges latents qui envahissaient la boutique. Il parlait vite et d'une manière hachée, méfiant mais luttant pour ne pas céder à l'agressivité. Il esquissa un sourire bref.

« -Je crois que je n'ai pas besoin de me présenter. Dante. Ne touchez à rien. Rangez votre baguette. Restez loin de Belzébuth. »

Il s'appuya sur sa table de travail et croisa les bras. Le jeune homme inspira profondément, avant de poser sur la jeune femme un regard curieux :

«-Vous avez entendu parler de moi ? »

Une manière comme un autre de lui demander ce qu'elle faisait là.

Dante ? Nerveux ? Disons que c'était un euphémisme. C'était à se demander comment il faisait pour laisser encore rentrer des clients dans sa boutique : avec son tempérament, pourquoi n'avait-il pas fait faillite ? Il parcourut la pièce comme s'il pouvait se cacher ceux qui auraient suivit la jeune femme. « -Je suis du genre à regarder derrière moi et à ne pas dormir sur mes deux oreilles. Ce sentiment ...toujours.. » Bizarrement, cela le détends. Parce que soudain, il a l'impression d'être un peu moins frappa dingue. Le sentiment dont parle cette Shaylee, elle n'a pas besoin de le décrire pour qu'il voie de quoi il s'agit: il vit avec. Savoir qu'il n'est pas tout seul le met un peu en confiance: ils parlent le même langage.

« -Mais je sais me défendre! Vos sortilèges de protections! Pas mal du tout mais, je connais quelques astuces ravageuses dans ce domaine. » Le dos de Dante se raidit sans qu'il puisse s'arrêter. Merci pour le compliment. Même si, paradoxalement, cela le faisait se sentir en danger et affaibli. Qu'est-ce qui ne tournait par rond chez lui ? D'un autre côté, il ne pouvait cracher sur n'importe quel nouveau moyen de se protéger. Il veut apprendre. Il pouvait déjà qualifié de psychopathe quant à sa manie des protections et les dégâts que ses pièges pouvaient provoquer une fois déclenchés. Mais s'il pouvait en connaître de nouveaux...mais utiliser s

Dante lutta contre la frénésie qui l'envahissait avant d'avoir une migraine carabinée. Il préféra poser son regard sur l'intruse, qui observait les lieux. Elle obéit pourtant à ses injonctions et finit par ranger sa baguette pour s'immobiliser au milieu de la pièce encombrée. Dante lui rend son regard, devenant presque un peu curieux de ce qu'elle lui veut. Presque : Curiosity kills the cat, et il tient à sa peau. Le silence entre perdure, pas vraiment tendu ou désagréable juste... en attente. Or, Clarence a besoin de bouger pour canaliser son stress: pendant ce temps, il s'approche de Belzébuth, Fléreur malingre et peu recommandable de son état. Dante lui gratta le sommet du crâne, sans lâcher la jeune femme, réfléchissant sur la conduite à adopter. Habituellement, l'animal lui servait de guide : il fixait Shaylee d'un air peu amène, mais restait assis et se laissait caresser par son maître... Neutre prudent. Pas si mal pour une première visite, surtout aussi tardive.

« -Il parait que vous êtes capables de fabriquer des chapeaux pas comme les autres ! Je suis curieuse de nature, j'aime apprendre et je ne suis pas du genre à rechigner quand à l'idée de mettre le plus d’atouts possibles de mon coté. Dante...J'aimerais en savoir plus ! Seriez-vous prêt à me confier l'entendue de vos talents? » ...Oui, il fait des chapeaux pas comme les autres, c'est le cas de le dire.

« - Vous voulez me voler mon gagne-pain, ou m'utiliser comme professeur ? Première proposition, c'est non. Deuxième proposition, c'est non.

« - Il ferait fuir les élèves, c'est un grognon asocial et antipathique.

-La ferme ou je te mets au feu. »

Le chapeau qui, depuis son étagère vient de faire l'avant-dernière remarque concernant le caractère difficile du chapelier est envoyé à à l'autre bout de la pièce d'un coup de baguette. Non mais ho. Malpoli, on dit bonjour à la dame. La dame. Dante revient difficilement à ce qui les occupait et à ce qu'elle essayait de lui dire avant qu'un chapeau parlant les interrompent : « -Qui sais ce que je pourrais avoir à vous offrir en retour... »

.« - Vous. »

Répond Dante du tac au tac, c'est plus fort que lui. Non, cela n'encourage pas au dialogue, mais il n'empêche: elle sait ce qu'elle peut lui offrir en route. Et il fichtrement envie de savoir. Curiosité, curiosité... Mais il ne va quand même lui dire ça, non ? Il finit par demander abruptement :

« -Du thé? Autre chose? Je suis … désolé. Pour tout ça. On parle de moi, mais que savez-vous faire ? A part suivre les gens.»

Et dans la proposition autre chose, il y a surtout du poison. Et de l'eau qui a besoin d'être bouillie pour être potable. Et il n'y a rien qui soit non dangereux dans cette foutue boutique. Bref, le thé est la meilleure hypothèse : Dante soulève un chapeau ou deux, jusqu'à trouver celui sous lequel se trouvait la bouilloire et mit de l'eau à chauffer sur un petit feu magique.

Non, non, non.
Il y a quelques minutes, Clarence commençait à se sentir envahir par une curiosité certaine envers sa visiteuse. Il n'était toujours ni agréable, ni accueillant, mais une partie de lui voulait savoir ce qu'il en était : après tout ce n'était pas tous les jours que quelqu'un veut apprendre à faire des chapeaux magiques. Habituellement, les gens se contentent de les acheter ou de passer des commandes abracadabrantes pour un chapeau satisfaisant leurs désirs. Et ça convenait très bien à Dante, signalons-le au passage.
Il y a juste quelques instants, le chapelier levait un sourcil alors que Shaylee ôtait sa cape. C'était surprenant, au vu de l'état de leur discussion, mais après tout, pourquoi pas ? Très bien, très bien, c'était des choses qui se faisaient. Pour se mettre à l'aise.
Maintenant, Clarence est « non,non,non ». Il s'est immobilisé quand Shaylee a ôté son chemisier. Non, non, non. Immobilisé, statufié, interdit, utilisez tous les synonymes que vous désirez, allez-y, c'est gratuit.

« -...Mademoiselle Holmes. »

Souffle Dante, un peu ahuri alors que la jeune femme continue de se déshabiller. Des scénarios catastrophes défilent dans sa tête. Elle... elle n'est quand même pas en train de lui proposer ce qu'il craint soudainement qu'elle lui propose ? L'intérieur de Dante se glace. Elle évite son regard, mais le résultat est le même: elle est presque nue, debout au milieu de sa boutique. Ils parlaient de payement, rétribution, échange, et tutti quanti, et soudain, elle se déshabille : admettez qu'il y a de quoi être confus.
Hors, Dante n'est pas adepte du payement en nature. Déjà parce que un cinglé paranoïaque a quelques petits problèmes a avoir des relations avec des inconnus ( voire tout court ) et aussi, surtout parce que ça fait pas beaucoup en monnaie sonnante et trébuchante, ni même en troc. Dante est un gypsie, et il flaire l'arnaque.

Il recule sans même en avoir conscience, soudainement assez mal à l'aise. Mal-être qui augmente au fur et à mesure qu'elle, elle s'approche de lui. Envahir sa zone de confort n'est pas une bonne idée, mais avant qu'il ait le temps de la menacer, elle lui montre son corps. Oui, cette phrase est étrange, mais cela ne veut pas dire ce que vous pensez. Shaylee lui montre certains endroits de son corps, où se dessinent des … traits, des espèces de lignes et de dessins, des traces. Ces traces se précisent sur sa cuisse, où on voit un tatouage. Tatouage qui a la spécificité de... se mouvoir sur la peau de la jeune femme.

Clarence n'a même pas conscience de fixer la cuisse de la jeune femme, alors qu'il observe le dessin faire, fasciné. « -La magie des encres... Déjà entendu parlé? » La question vient de très loin, et a sa grande honte, le chapelier doit confesser son ignorance. Autant il excelle dans son domaine de magie particulier, autant il est très ignorant de tout le reste : il n'a pas été à Poudlard, et toute magie qui ne tient pas à la confection de chapeau a été appris sur le tas par son maître ou sa soeur. Alors quelque chose d'aussi spécifique...Cela lui est totalement inconnu.

« -Jamais entendu parler »

Inconnu ne veut pas dire que cela doit le rester. Ses yeux étincellent à présent et il a un frisson, alors qu'il adresse un grand sourire :

« -Mais je serais ravi d'en apprendre plus. Je pense que l'on... a un marché. Racontez-moi. S'il vous plaît. »

Shaylee met fin à la fascination (étrange, malsaine, captivante, remplie de curiosité intellectuelle, choisissez votre adjectif ) que Dante éprouve pour sa cuisse ( dit comme ça, sérieusement...) en s'éloignant et en allant s'envelopper dans sa cape. Son fabuleux tatouage est toujours visible, mais elle-même est...visible justement, assez habillée, en tous cas : cela va parfaitement à Clarence comme cela. Il s'appuie contre la table derrière lui, croise les bras et l'observe avec une certaine curiosité et impatience. Il attend avec impatience qu'elle reprenne la parole; ce dont il ne connaissait pas l'existence quelques minutes auparavant le fait à présent mourir de curiosité. «-Peu de gens connaissent cette forme de magie...Certains la qualifie même de magie noire mais je ne crois pas en cette notion. Tout est dans la façon dont on utilise la magie pas dans sa couleur...Tes chapeaux, ils ne sont pas commodes non plus. »
Dante secoue la tête, une sorte de rictus inscrit sur les traits : ses chapeaux ne sont ni commodes ni polis ( pour une raison étrange, dès qu'il dote un chapeau du don de la parole, il est doté d'un caractère de cochon, parfaitement invendable. ) et il ne croit pas en la magie noire. On peut tuer avec n'importe quoi, faire souffrir avec n'importe quoi, même si cela est habituellement innocent. Comme un chapeau, ou un tatouage, exemples pris tout à fait au hasard.

La voyant sortir l'arme, Clarence a un léger recul machinal, mais il s'efforce de rester à sa place sans balancer un mauvais sort au visage de son invitée. Surtout qu'elle s'explique et entrouvre un monde de magie dont il ignore tout : « -Tout réside dans la composition des encres. Cela se rapproche pas mal de l'art des potions au final. L'encre se lie au sang et il n'y a pas de retour en arrière possible...L’intérêt ? Il varie très nettement en fonction du tatoueur! » Le sang coule de la plaie qu'elle vient de s'infliger elle-même. Dante a un problème avec le principe de se faire mal soi-même, alors qu'il essaye de se préserver au possible. Mais l'éventail des possibilités ouvertes par les mots de la jeune femme était excessivement attirant ( sur les autres, du moins). Il appréciait les arts magiques qui sortaient de l'ordinaire et qui permettaient toutes sortes de folie.


Le chapelier sentit le regard de la jeune femme sur lui, et releva les yeux pour soutenir le regard soudainement humide qu'elle rivait au sien. Il n'y avait nulle pitié dans ses prunelles; s'il n'hésitait pas à venir en aide aux autres, ce n'était qu'à ceux qui en avaient besoin, qui le demandaient. « -Ils peuvent servir de protection si c'est le but dans lequel ils sont posé sur la peau...Un lien également....une malédiction parfois... » Une malédiction. L'intérêt du chapelier est piqué, car il n'y a aucun doute qu'elle parle littéralement en connaissance de cause. Malédiction. C'est laid et attirant comme mot. Attirant pour tout le symbolisme, la magie...laid, car cela donne envie à Clarence de se carapater vite fait ; les ténèbres sont attirantes pour leur secret, mais sont pleines de monstres.

«-Quelle genre de malédiction ? »

Curiosité magique. Sifflement, agonie auditive. Dante sursaute violemment, alors que son ouïe protestait contre l'attaque. La bouilloire, le thé, l'eau. Cela romps l'instant aussi sec. Battement de ciel déboussolé, talons qui claquent sur le sol. Dante attrapa deux tasses, qu'il nettoya furtivement avant verser thé et eau chaude dans les tasses, qu'il tendit presque timidement – sans oser s'approcher d'elle – à Shaylee.

« -Je suis désolé. Thé. Vous devriez...faire quelque chose. Pour le sang, votre blessure. »

Le regard de Dante se porta sur le sol, sur la blessure, sur le sang qui gouttait. Il lui tendit un morceau d'étoffe à chapeau, sans bien savoir si elle voulait utiliser sa blessure à une autre fin, ou comptait la bander. Il continua comme pour lui-même :

« -Je n'ai pas de chapeau soignant les blessures. Empêchant d'être blessé, oui. Des chapeaux maudits, aussi. »

Shaylee ignore sa question, Dante l'oublie. Il est distrait et son esprit saute du coq à l'âne, nerveusement. Le mot seul de malédiction le met sur les nerfs. Le sifflement de la bouilloire le met sur les nerfs. La blessure de Shaylee le me... l'inquiète. Elle a beau avoir déboulé en pleine nuit sur son territoire, elle ne lui veut aucun mal et semble en mauvais état bien que du genre à se faire arracher le bras plutôt que de l'avouer : rien que ces deux détails (ajoutez à ça, une magie obscure, intéressante, et assez étrange et vous avez un cocktail assez intéressant – par forcément consommable, cependant... ), elle suscite un désir farouche de protection chez Dante. Mais pas au moins de l'effleurer ou de rompre sa distance de sécurité habituelle: faut pas rêver non plus.

Face à face, les deux sorciers boivent leurs thés. Le bandage de Shaylee, l'espace qui les sépare, le silence, l'attitude un peu crispée de Dante.. Tous les éléments sont réunis pour un silence gênant, mais pas tant que ça finalement. Le regard que Shaylee pose sur les chapeaux qui les entourent ( voire les encerclent ) Dante boit son thé à petites gorgées. Il est trop chaud, bien trop chaud pour être consommé de suite;   il lui brûle les lèvres, insensibilise sa langue et dévaste sa trachée, mais c'est son péché mignon il adore les trucs qui brûle ( masochiste, oui oui, mais tant pis pour lui écoutez ).

« -Une malédiction comme une autre...un fardeau. T'en connais des malédiction qui donnent envie toi? Tes chapeaux maudits? Ils font certainement pas le bonheur des têtes sur lesquelles ils atterrissent !» Bref rire frénétique,psychothique, hystérique. Clarence manque de renverser son thé et les gouttes qui tombent sur la main ébouillantent sa peau. Il s'en contre-fiche. Même si la jeune femme a marqué un point : les malédictions, c'est pas fait pour être mignon et gentillet, et sans doute que ses chapeaux ont ruinés bien des vies. Tant pis. Il fournit le moyen, il ne s'occupe pas des fins, et puis il lui faut bien manger.
Clarence se refuse à se laisser à la crise de conscience, la mauvaise conscience, cela ne le connait pas. Il relève le museau de son thé pour voir Shaylee s'approcher, impatiente. Trop près de lui, mais son attitude presque enfantine détourne Dante de son attitude défensive.« -Donnant...Donnant...Je t'en ai dis un peu maintenant c'est à ton tour ! Fais moi essayer un chapeau »

Clarence pose la tasse, se détache de son plan de travail d'une poussée de hanche et lui adresse un grand sourire alors qu'il passe près d'elle. Tant qu'elle ne se sauve pas avec l'une de ses conceptions, il serait ravi de lui montrer. Cette crainte traverse son esprit, mais il la repousse : tous ses chapeaux sont équipés d'un sortilège anti-vol retord. Clarence, calme-toi, ne fais pas de crise de panique, personne ne te volera.
...Chapeau, chapeau... Lequel ? Il y en a tant. Pas un agressif. Dante soulève des chapeaux, en repose, hésite, pianote sur le sommet de certains couvres-chefs. Finalement, il se décide : un grand classique, mais toujours efficace. Elégant chapeau de dame, noir avec un ruban de soie violette fermé par un boucle argentée, mais l'extérieur n'est pas l'important, n'est-ce pas ? Il lui tend celui choisi avec une courbette cérémonieuse, comme s'il s'agissait d'une couronne ou d'alliances.

« - Mademoiselle... »

Dante a un sourire en coin, et une lueur extatique dans les prunelles. La laissant s'en coiffer, il se détourna pour ôter le tissu qui le recouvre ( on ne sait jamais ce qui pourrait en sortir ) du grand miroir en pied qui trône dans un coin, tandis qu'il poursuit d'un ton de bateleur déployant le mode d'emploi de la marchandise :

« - C'est un classique. Une de mes meilleures ventes, bien qu'un peu ennuyeuse. Regardez vous donc ici, je vous prie. Tripotez le ruban pour activer le sortilège. »

Il vérifie que l'anti-vol qui empêche tout chapeau de sortir de la pièce est en fonction. On ne sait jamais, puisqu'une fois le chapeau mis en marche, elle ne se verra plus dans le miroir. Il ne la verra plus lui-même, car elle sera devenue invisible.

Il veut lui faire plaisir. Il lui tend le chapeau, il croise son regard excité, joyeux, et il veut lui faire plaisir, il veut que le chapeau lui plaise. C'est bête, c'est stupide, il la connaît à peine et il n'est pas du genre sociable. Mais il a envie de lui faire plaisir, c'est son côté généreux, qui surgit parfois envers les animaux sauvages et les gens étranges, au détour d'une ruelle sombre et malsaine. Et puis, c'est son art, il veut que cela plaise !

Il est ravi, elle rit alors qu'elle se coiffe du couvre-chef présenté. Cela le rend joyeux, mais il est anxieux et se frotte les manches, passe sa main dans ses cheveux avant de finir par s'installer, les bras croisés, pour l'observer faire. Est-ce que ça va lui plaire ? C'est pas un chapeau qui est en jeu, c'est tout son orgueil, sa fierté de chapelier. Est-ce qu'il a bien choisit ? Allons, c'est un classique, Dante, et on l'appelle comme ça parce que tout le monde l'aime bien, même ceux qui sont venus pour autre chose ( pourquoi est-elle venue, au juste ? Se saigner à blanc et essayer un chapeau ? ).

Il se rassure lui-même, jusqu'à ce que les sanglots retentissent. Sa visiteuse est invisible, il ne la voit pas, mais il se redresse, tendu comme un ressort dès qu'il entend le reconnaissable bruit des larmes. Oula. Oulala. Que s'est-il passé, quel ouragan invisible a-t-il manqué ? Une part de Dante se met à paniquer. La jeune sorcière réapparaît brutalement, en même temps que le couvre-chef vole et traverse la pièce. Elle est en larmes lorsqu'elle prend son poignet entre ses mains : Clarence reste interdit, stupéfait : ce n'était pas l'effet recherché.

Il se laisse faire cependant, et lui tend volontiers le poignet alors qu'elle y cherche sa pulsation; son propre rythme cardiaque risque d'être un peu plus élevé que la sérénité des gens normaux, mais il comprend ce que sous entend son geste. Il est habitué aux crises de paniques, et pose lentement, sa main libre sur l'épaule de la jeune femme qui lui murmure : « -Je n'aime pas ce chapeau...même si il démontre en partie tes talents. Tu m'a l'air très...doué. » Elle a l'air d'aller mieux, de reprendre le contrôle, mais Dante appelle à lui un autre chapeau qu'il lui enfonce d'autorité sur la tête. Il n'est ni un classique, ni à vendre celui-ci, mais aide les rythmes cardiaques et respirations à se stabiliser, apaise les crises de panique et diffuse une impression de sécurité tout en protégeant des attaques mineurs. Dante inspire profondément en la regardant, mal à l'aise. Il n'a pas l'habitude qu'on envoie ses bébés à l'autre bout de la pièce en criant d'horreur.

« -Et toi, gentille de dire ça sur ce qui est sans doute l'un des pires accueils fait à mes chapeaux.... D'habitude les gens l'aiment bien. Désolé.»

L'effet du chapeau est magique; Dante n'a pas de peine à voir les traits de la jeune femme se détendre alors qu'elle lui jette un regard reconnaissant. Elle se calme rapidement, alors que le chapeau traite sa crise de panique avec la facilité liée à l'habitude... et aux excellents enchantements de Clarence, rendons à César ce quiiujj lui appartient. Dante est satisfait de voir que la magie enfermée dans le couvre-chef fonctionne toujours, et il expire lui-même de soulagement en entendant la jeune femme rire:  le pire est passé. Dante n'a pas la moindre idée de la raison de ce rire, mais il s'en contre-fiche allègrement; elle pouvait bien être devenue folle que cela ne le dérangerait pas plus que ça. Elle ne panique plus, et ne se montre pas agressive : pour le chapelier, c'est positif, et un léger sourire traverse son visage.  «-Tu ne dois pas être désolé ! Tu ne pouvais pas deviner combien j'ai peur de disparaître...au sens propre plus que figuré. Dante, je ne t'ai donné aucune indication...Si c'est la faute de quelqu'un c'est bien la mienne ! » Pour toute réponse, Dante fit une grimace qui lui déforma un instant les traits : oui, certes, il ne pouvait pas deviner que de tous les chapeaux présents dans la pièce, c'était bien celui-là qu'il ne fallait pas déposer sur le crâne de sa visiteuse.

Mais son honneur de chapelier est blessé : il aurait du savoir, deviner, trouver un chapeau lui adéquat, le chapeau parfait. … Un chapeau comme celui qu'elle av à présent sur le crâne.  «-Celui-ci, il me plait beaucoup. Très utile ! » Dante hausse les épaules pour balayer la spécificité du chapeau : il n'y a rien de particulier dans celui-ci...n'est-ce pas ?

« -Il est magique. »

Voilà tout, pas de quoi en faire un drame. Intérieurement, Clarence craint qu'elle ne lui demande ce chapeau – ou une réplique – pour elle-même. Ce n'est pas un comportement très vendeur, mais tout son corps se tend imperceptiblement, il attends le coup. Elle va lui demander n'est-ce pas ? Ce n'est pas vendeur, ce n'est même pas aimable ou poli, mais il ne veut pas un point c'est tout. C'est une réaction physique, instinctive, qui vient du ventre et de sa paranoïa mais contre laquelle il ne peut rien : s'il en lui vend un, s'il lui en refais un autre dans ce genre, lui sera comme nu, elle pourra examiner ses sortilèges, passer ses défenses et... Un vertige s'ouvre sous les pieds de Dante qui rejette sa peur panique fermement; ne pas y penser sinon c'est lui qui allait devoir passer ce chapeau.

Par bonheur, tout ce passe comme dans le meilleur des mondes : elle ne lui demande rien, même si lorsque leur regard se croisent à nouveau, Dante a un frisson; qu'y a-t-il ? « -Dante, je suis épuisée...Est ce que...je pourrais dormir ici cette nuit? Je suis certaine que à tête reposée nous pourrions avoir encore beaucoup de choses à nous dire. » Dante s'immobilise sur place, et note soudain les bâillements de la jeune femme. Il n'est pas lui-même assez civilisé – bien au contraire – pour les trouver inconvenants, il ne les avait même pas remarqué en vérité. Mais vu l'heure, leur discussion... sa vie, ou ce qu'il peut en deviner, il est normal qu'elle soit fatiguée. Qu'elle demande l'asile pour la nuit ? Ce n'est pas normal, ou du moins cela ne le semble pas aux yeux de Dante. Ils ne se connaissent pas. Il ne la connait pas. Même si ça avait été le cas... Personne n'avle droit de se tenir dans la même pièce que lui alors qu'il dormait. Il ne se sent pas en sécurité. Le courant passe bien entre eux oui, mais de là à ?
Et en même temps, elle est là, visiblement épuisée, baillant à s'en décrocher la mâchoire, des plaies encore fraîches sur le corps et se relevant tout juste d'une crise de panique qu'il a lui-même provoquée... Dante est en plein dilemme, entre sa misanthropie – et misandrie, ne cherchez pas la petite bête – sa paranoïa instinctive et son bon fond naturel : il ne veut pas la mettre dehors pas. Mais il ne peut pas la laisser dormir ici.

Un long silence se met en place entre les deux sorciers. Dante a conscience que ce silence est long, excessivement long, interminable. Mais il n'arrive pas à trouver quoi dire et se contente de fixer Shaylee. Droit dans les yeux, on pourrait presque croire à tension de nature sentimentale entre, bien que la situation soit tout autre et que cela ne soit jamais entrer dans les préoccupations de Dante (essayez d'avoir petite-amie alors que vous ne tournez le dos à personne et que votre maison est bardée de sortilège ! ).  Le chapelier récupère le chapeau qu'il a posé sur le crâne de la jeune femme, le fait tourner entre ses doigts, son cerveau fonctionnant à pleine régime : avec effort, il parvient à articuler:  

« -Il n'y a pas... de confort. D'endroit où dormir. » Il résiste difficilement à l'envie de se planter le chapeau apaisant sur le crâne et le repose résolument. Il finit par inspirer une bouffée de l'air – vicié et malodorant – familier de sa boutique et de livrer un grand sourire résolu à son hôte : «- Il y a un lit d'appoint dans l'atelier d'à côté, ce n'est pas... mais ça peut faire l'affaire pour une nuit. Si vous vous laisser encercler par des enchantements. Il y a des choses...dangereuses, ici. »

Lui-même s'acquittera très bien du sol; avec quelqu'un dans les lieux, il doute de beaucoup fermer l'œil et il en a l'habitude – il dort n'importe où, tendances narcoleptiques obligent – et il sait qu'il doit avoir l'air inquiétant, avec ces sortilèges...mais il risque déjà de passer la nuit avec le fameux chapeau sur la tête, il ne peut pas faire mieux. Même si le regard qu'il porte à Shaylee est à la fois craintif, hésitant, et curieux : il veut qu'elle reste. Comme elle l'a indiqué, ils ont beaucoup de choses à se dire.

Dante l'accueille, joue au sauveur de la veuve et de l'orphelin et ouvre son antre à cette inconnue. Qu'est-ce qui lui prends ? Sa paranoïa l'accuse, porte plainte contre lui-même : ouvrir la porte au loup, il faut être fou. Il ne la connaît pas, après tout : elle le suit durant des jours, elle toque à la nuit tombée...et oui, bien sûr, restez donc dormir mademoiselle, n'hésitez pas à me poignarder dans mon sommeil, si ça vous fait plaisir ! Dante se serait fracassé la tête contre un mur ( si les murs de son atelier avaient été moins branlants ) et se serait maudit. Ce n'est pas son genre.

A croire qu'il fait confiance à la jeune femme ; horreur, cauchemar et abomination, vade retro satanas. Il ne fait pas confiance, à personne. Mais elle non plus et d'une manière irrationnelle, Clarence se sent lié à la jeune femme. Presque comme s'ils ont un destin en commun, que ce soir-là marque un tournant dans leurs vies – il ne parle pas de coup de foudre hein, attention, ni cela, ni une autre de ces absurdités romantiques – mais il y a quelque chose qui fait que Dante ouvre la porte de son monde à l'inconnue. Ils sont deux loups secrets et solitaires qui se sont beaucoup ouverts l'un à l'autre ce soir-là, à leur manière.
Il ignore tout des dernières hésitations de Shaylee quand il accepte (enfin) de l'accueillir sous son toit – si elle s'était exprimée, il en aurait été soulagé, il aurait inspiré à fond et aurevoir madame. Mais il a parlé trop vite, et maintenant il ne peut plus qu'avaler sa langue, il ne peut pas reprendre ses mots. Lui et elle regrettent déjà et ont la même envie de revenir en arrière. Sauf qu'ils sont trop fiers pour reprendre leur parole, et sont, en conséquence, coincés ici ensembles pour la nuit entière. « -Oh je ne suis pas difficile, j'ai dormis dans des endroits qu'il ne te viendrais pas même à l'idée d'imaginer... » Dante a essayé, mais elle ne veut pas partir. Il lui coule un regard par en-dessous, une étincelle joueuse dans le regard. Il hausse les épaules, négligeant ;

« - C'est un défi ? »

Son imagination est très fertile ; c'est son métier. Et les endroits qu'il ne pourrait pas en théorie imaginer, il y a sans doute piquer un somme ; il est né dans une roulotte crasseuse, et a grandit entre des pattes, il a une avance sur quiconque voudrait le mettre au défi de trouver les pires conditions d vie. Quant à son antre...Ce n'est pas un palace, mais c'est son nid, nid qui est plus sûr que confortable ; Shaylee l'approuverait sans doute dans l'idée qu'il vaut mieux ça qu'être mort dans des draps de soie. Il la laisse se mettre au lit, et est sur le point d'enchanter leur abri quand elle lui saisit le poignet, et le fait sursauter; « - ;Merci...merci pour tout. »

Dante émet un grognement qui équivaut pour une réponse ; quelqu'un lui tenant le poignet, occupant le lit, cela le rend trop nerveux pour qu'il puisse répondre de rien d'une voix affable : ce n'est pas rien.Mais elle dort déjà et s'en contre-fiche. Il recule de quelques pas et enferme la jeune femme dans un cercle de sortilèges protecteurs : il est protégé d'elle ( il ne vaut mieux pas qu'elle décide d'aller aux latrines au milieu de la nuit ) et elle l'est de tout ce qui pourrait se passer : un ouragan ravagerait la boutique que le cercle empêcherait qu'elle soit touchée. Les sortilèges qui bouclent la boutique à double-tour. Ceux qui protègent la pièce. Ceux qui protègent Dante lui-même. Une fois ce long rituel effectué, le calme du chapeler lui revint. Il pose le bout de ses fesses contre un établi qui traîne là, croise les chevilles et les bras et s'apprête à passer ainsi la nuit debout. Cela ne le gêne pas. Pour son sommeil ; il n'a le droit qu'à des extrêmes ; le coma narcoleptique ou la veille insomniaque. Shaylee serait plutôt du type sommeil agité par des cauchemars et, les doigts refermés sur sa baguette, Dante l'observe dormir, aussi immobile et silencieux qu'une statue, le Fléreur perché sur son épaule, les yeux aussi ouverts que son maître.

« -Daaaante ! Viens me libérer...j'ai peur de faire explosé ta boutique si je pose le pied par terre. » Il a dormi ? Surpris, Dante se relève là où il est tombé durant la nuit. Il a dormi. Pas dans ses habitudes. Il se secoue et secouant la tête rejoint Shaylee dans son cercle d'enchantements. A sa voix, la jeune femme a bien dormi, et est en grande forme, contrairement à lui qui est bougon...d'avoir bien dormi. Car il a étonnamment bien dormi, c'est sa meilleure nuit depuis bien longtemps. Ce qui n'est pas normal. D'un geste de baguette, il la libère et efface les protections.

« -Te voilà libre ! »

Saisissant un chapeau qui traîne au passage, il effectue une courbette en saluant avec le couvre-chef.

« -Rien n'a explosé, personne n'est mort. »

Constate-t-il en défroissant son costume, tirant sur ses manchettes usées. Et aucun de ses pièges ne s'est déclenché. Une bien jolie nuit en vérité, même si Dante ne parvient pas à se défaire d'un mauvais pressentiment qui assèche sa bouche. Tant pis. Comme la veille, il se met à la recherche de la bouilloire : sa sœur le grondait durant des heures quand il oubliait de petit-déjeuner. Il s'immobilise dans son mouvement, pétrifié, glacé, statufié et tout les synonymes que vous voulez. Mais son cœur bat la chamade, et toute couleur s'est retirée de son visage. Ses mains tremblent, même lorsque une d'elle se referme sur sa baguette.  Non, rien n'a changé à l'intérieur, mais une sirène d'ambulance de 2005 hurle dehors.

« -Ne t'en vante pas trop ! Si je me sent bien ici et en sécurité avec toi, je pourrais être tentée de ne plus jamais repartir. » Dante se retourna à demi vers elle, ses yeux roulant dans leurs orbites. NON MAIS CA VA PAS ? Il voulait bien servir de refuge et d'abris à tous les chats écrasés du coin, mais on repartait bien gentiment une fois le danger et la nuit écartés hein, on ne reste pas, c'est pas l'hospice ici. Dante voulait bien faire la charité, mais de loin. Personne dans ses pattes et son dos ( et sa paranoïa ) merci bien. Elle plaisante, hein ? Il n'est pas du genre à être capable de vivre avec quelqu'un, que cette personne soit une amie, une sœur ou une compagne. Etrange solitude pour quelqu'un qui a vécu la moitié de sa vie dans une roulotte où s'entassait une grande famille.

Mais Clarence a un problème bien plus urgent à régler : devoir se coltiner Shaylee durant le reste de son existence est une perspective agréable face au son qui résonne dans la petite habitation. Ironiquement, il ignore encore que les deux auront lieu et qu'il allait soudain souhaiter que Shaylee ne l'abandonne pas dans ce nouveau monde hostile.  Il se tourne vers sa camarade, paniqué. La peur brille dans le regard du chapelier. Qu'est-ce que c'est que ça ? Shaylee dégaine sa dague, Dante sa baguette. « -Qu'est ce que c'est que ce truc? Tu as déja entendu un bruit pareil? » Il secoue la tête, blanc comme un linge. Non, il n'a jamais entendu quelque chose de tel, et pourtant, nombres de sons lui sont passés dans les oreilles au cours de sa vie chaotique. Il siffle doucement, et le Fléreur lui saute sur l'épaule. Il ne semble pas pleinement rassuré non plus, mais s'il s'agissait d'un problème magique dangereux, il ne réagirait pas comme cela, Dante le sait. Non, la tête que fait la créature... C'est du nouveau. Ce n'est rien de connu et le poids dans l'estomac du sorcier s'accentue à toute vitesse. Panique à bord.

« -Suis-moi ! On va voir ! On peut pas rester planté comme ça ! » Si, si, on peut. On peut même gentiment reculer et aller se cacher. Oui, ça serait bien d'aller se cacher. On recule, on court se cacher sous une table, on ferme les yeux très fort et on attends que ça passe. Le cœur de Dante bats trop fort et lui fait un mal de chien. Il tremble, mais lorsque la jeune femme le saisit par le poignet et l'entraîne vers la porte, il se laisse faire. Avec l'attitude d'un chien traqué prêt à mordre.

Ils jettent un regard prudents à travers la fenêtre, quand c'est un tout autre monde qui passe à travers les rideaux. Lumière, bruit, vitesse et cacophonie, un nouveau monde leur tombe soudain sur le coin du crâne. Dante s'entend pousser un cri. Un sortilège fuse, traverse la vitre et explose la lumière. Réflexe. Le girophare a beau volé en éclat le bruit ne s'arrête pas pour autant et l'ambulance fonce jusqu'au bout de la rue. « -Est ce qu'on serait occupé à devenir fou tout les deux? » Il recule précipitamment alors que Shaylee elle, tombe au sol. La tête lui tourne, il a la bouche sèche. Que s'est-il passé ?

« -Je le suis depuis longtemps, et je peux t'assurer que cela ne ressemble pas à ça, » murmure Dante.

« - Va voir, bougre d'idiot, » l'insute copieusement le chapeau parlant, vieux compagnon du chapelier depuis son coin sûr.

Dante lui lance un regard venimeux. Si seulement il était lui-même un chapeau, la vie serait bien plus facile. Ah, se jucher sur un crâne, faire son office et ne craindre qu'un coup de ciseaux hasardeux ! Pourtant, il a pris l'habitude d'obéir au couvre-chef mis au point par son ancien maître, puisqu'il est souvent plus intelligent que lui. Alors, il lance un regard terrifié à Shaylee et s'avance en crabe jusqu'à la fenêtre dont il écarte à nouveau le rideau. Au bout de la rue, se trouve un sorte de carriole sans cheveux, blanche et bleue : c'était cela qui émettait bruit infernal et lumière aveuglante. Dante dirait bien qu'elle est arrêtée devant chez le vieux Willson...sauf qu'il ne reconnaît pas la maison. Ni la maison, ni les autres, ni les pavés de la rue, ni …. ni rien. Il est dans sa maison, mais pas dans sa rue.

« - …. Nous ne sommes plus à Londres. »