Haack
What we do in life echoes in eternity.
Pour parler de famille, chez un lycanthrope, c'est parler de sa vie entière. L'espèce est une meute, et un loup solitaire ne peut se suffire bien longtemps. C'est ce que l'on apprends aux enfants, aux louveteaux, quand ils naissent et comprennent qu'ils mourront un jour sans doute, mais qu'ils mourront toujours à côté d'un autre loup.
Quand ils se sont rencontrés pour la première fois, Mellori, esclave de la meute de Byzacène, n'aurait sans doute jamais cru dans sa pauvre vie avoir la chance de rencontrer un homme comme Ancelot de la meute de Bretagne.

Mellori, de sang-pur, eut la vie dure des femmes pictes et un grand caractère se forgea en elle au contact des Byzacène. Asservie durant le massacre de sa meute, Valerian de Byzacène dira lui-même qu'elle avait "l'entrain et la force" de devenir une des leurs, mais c'est sous la réserve de sa femme qu'il la gardera en vie. Elle fut la dernière de la Meute de Ross à survivre à la dure vie des Byzacène. Elle prit le nom de Mellori de Ross à la mort de son meneur de meute et père, Mugin de Ross, un mordu.

Ancelot, jeune mordu de la Meute de Bretagne, était un barde en son temps, un druide inspiré par la magie dit-on qui se fit attaquer sauvagement par un tigon dont l'âme fut corrompu par la douleur et la perte de ses chatons. Retrouvé pratiquement mort par Bleiz de Bretagne, un des Conseillers du Roi-Loup. Il fut mordu par ce dernier, et survécut ainsi à la morsure.



Tous les deux se rencontrèrent au Pays de Galles. Bleiz de Bretagne et Valerian de Byzacène se rencontrèrent à l'occasion d'un rassemblement, peu avant 1200. Ancelot tomba amoureux aussitôt de Mellori, mais cette dernière, plus réticente et surtout craignant la colère de son alpha, n'osa pas faire le premier pas.
Alors que les Byzacène partaient, Ancelot les suivit deux journées. Valerian, furieux, alla pour le tuer, le menaçant de partir, mais il resta deux journées de plus à genoux dans le sol. Adouci par les mots de sa femme, et surtout par l'inutilité de Mellori au campement, il l'échangea contre une richesse de Bretagne. Ancelot fit promesse de suivre les Byzacène durant un siècle pour payer cette dette.

Ancelot et Mellori vécurent ensemble, en tant qu'esclaves, sous l'égide de Byzacène. Un siècle plus tard, Valerian, fort de sa promesse, eut à la affranchir. Il les libéra, et Ancelot et Mellori rejoignirent aussitôt la Meute de Bleiz, dans la fourche bretonne. Peu avant 1510, ils rejoignirent le Pays de Galles où il s'était rencontré, afin d'y concevoir, peut-être, un enfant.

Mellori eut, en 1512, en plein cœur du Pays de Galles, six louveteaux. Ils furent ainsi nommés : Griffin (seigneur), Amaethon (cultivateur), Almeda (princesse), Eirlys (chute de neige), Rhian (petit roi), Dilys (véritable).

Griffin	Amatheon	Almeda
Eirlys	Rhian	Dilys

Pensine
A gentleman is simply a patient wolf.
Wolfgang posa sur le « jeune loup » un regard amusé. Autour de lui, les corps s'empilaient, et s'ils n'étaient ni l'un ni l'autre pour ce genre de massacre, il fallait bien avouer que c'était nécessaire. C'était ainsi qu'il concevait la Grande Guerre du Nord tout du moins. Non pas comme une guerre fratricide, mais comme la prise d'un risque nécessaire pour un avenir doré. Il recula d'un pas quand les trois princes de Laconie arrivèrent. Vitaly, Kirill et Lycaon firent une révérence courte et brève devant leurs pères – les trois fils du Roi-Loup avaient tous ce même visage. C'était pour Griffin une chose fascinante, car avec ses frères et sœurs il ne partageait plus grand chose. La meute qu'ils constituaient derrière lui était fidèle et loyale, mais elle n'avait rien de l'étoffe des trois loups de Laconie. Elle était d'une autre ampleur... Plus familière peut-être, mais plus chaleureuse. Les Laconie avaient la Sibérie dans le sang, et le froid également.

« La Rive sud est abattue. Nous avons encerclé un groupe de Lassithie. » commença Vitaly en qualité d'aîné et d'héritier. Il avait été le choisi, Griffin s'en souvenait. « Faut-il attaquer ou leur laisser du leste et retirer une partie de nos troupes ? »
« Qu'y a t-il dans ce groupe ? »
« Loki, Masael et Caelestius. »

Wolfgang eut un petit sourire sur les lèvres, car ils étaient les trois héritiers des trois meutes que l'on combattait si ardiemment depuis de longues semaines. Loki était le fils de Nabor de Lassithi et le prochain Conseiller. Masael était le fils de Vasco de Lusitanie et son héritier. Caeletius de Nicée, appelé Reagan, était enfin le fils de Lapyx de Nicée et le seul mâle de la meute après son père.
Le Roi-Loup hocha la tête, d'un air amusé dans le fond.

« Des enfants ? »
« Aucun éclaireur n'en a signalé... » murmura Lycaon.
« Alors attaquez. »

Plus qu'une guerre de meutes, il s'agissait d'une guerre d'autorité. Ils savaient tous ici que tout se jouait dans la bataille du Roi-Loup et de ses trois frères. Le reste n'était que des dégâts partiels. On ne pouvait finalement calculer sur la force d'une meute à celle de son chef.

« Griffin, » reprit le vieux Loup une fois que ses fils furent partit « vous prendrez le commandement de l'aile est. Je veux que vous montiez une assaut ce soir. Il faut percer les lignes ennemis pendant que mes frères pensent que j'envoie mes fils seuls. »

Un petit sursaut prit Griffin car c'était là une grande responsabilité. Il ravala sa salive mais hocha la tête vivement – une grande responsabilité et surtout une grande opportunité. Dans le fond, cela lui faisait plaisir car cela signifiait qu'il lui faisait maintenant confiance et c'était la chose la plus merveilleuse qu'il avait pu entendre depuis longtemps.
Il se retira et s'approcha des siens. Sa meute n'était constituée que d'une dizaine de loup, et ce n'était même pas une « vraie meute », plus une famille. Amatheon figea ses yeux sur lui avec son air éternellement moqueur.

« Alors Griffin, une bonne nouvelle ? »

Dilys et Almeda se jetèrent un regard et rièrent. Leurs yeux se moquaient, mais Griffin n'en prit pas compte. Il releva le nez, et son sourire devint un véritable sourire carnassier qu'ont les loups parfois.

« Oh, une bonne nouvelle... ? » Le ton du premier des Haack atisa la curiosité de toute la petite meute familiale. Ils le fixèrent tous, en l'attente d'un mot : « Ce soir, mes amis, nous dînons en enfer ! »

Il y eut un petit moment de silence, puis tous explosèrent de rire, bruyant, et chacun prit l'arme qui lui était réservé. La famille Haack était soudée, et elle était une des rares familles de loups qui n'avait pas souffert de la perte d'un frère ou d'une sœur. Bien sûr leur tribut fut leurs parents tués par le Clan Getica, mais au moins ils étaient tous là, encore vivants, bien vivants.

Et ils étaient tous prêts.