On était en plein jour. Quatorze heures venaient de sonner mais le chemin de Traverse était désert. A vrai dire, il pleuvait des cordes et il n’était pas prévu que la pluie cesse à un moment ou à un autre. Boycie Jones et Gavin Warner, les deux journalistes de la Gazette du Sorcier, s’abritaient sous un porche étroit qui les forçait à se serrer l’un contre l’autre. Boycie n’arrêtait pas de se plaindre tandis que Gavin réfléchissait au moyen de lui fausser compagnie. La blondinette avait insisté pour qu’ils déjeunent ensemble après avoir assisté à un communiqué de presse. Gavin avait tenté de l’en dissuadé mais la jeune femme avait répliqué avec autorité si bien qu’il n’avait pas réussi à s’en défaire. Parfois, Boycie lui portait vraiment sur le système.

Boycie – « Je ne rentre pas à la Gazette sous cette pluie battante ! Mes chaussures en daim ne le supporteraient pas ! »

Elle désigna de l’index la paire de Jimmy Choo qu’elle portait. Depuis qu’elle avait regardé une série moldue sur quatre femmes vivant à New York et accros au sexe, elle s’était prise d’une passion folle pour les chaussures. Gavin trouva là l’occasion parfaite pour s’enfuir.

Gavin – « Bon, eh bien reste là ! Moi je rentre ! »
Boycie – « Hey !! Non ! Attends-moi ! Je ne peux pas sortir sous la pluie ! Gavin Warner !! Reviens tout de suite !! »

Mais Gavin ne se retourna pas. Boycie serait furieuse mais tant pis, c’était un prix à payé. Il courut le long du chemin de Traverse. La pluie le contournait grâce à un sortilège de protection qu’il s’était jeté. Lorsqu’il disparut à l’angle d’une ruelle perpendiculaire, il transplana et atterrit dans l’allée des Embrumes. Drôle de destination pour un petit journaliste timide et maladroit, adepte de magie blanche. Pas pour un voleur cherchant à faire estimer l’un de ses biens. Gavin pénétra chez Barjow & Beurk. Il s’était au préalable vêtu d’une longue cape noire et avait rabattu sa capuche sur son visage, le dissimulant à moitié. Le patron de Barjow & Beurk le dévisagea sans s’étonner. Il avait l’habitude de voir des sorciers pénétrer dans sa boutique déguisés, cherchant à tout prix à rester anonyme autant que possible. Gavin s’approcha du comptoir. Il plongea la main à l’intérieur de sa cape et en sortit un petit paquet emballé de papier kraft. Le commerçant le déballa, découvrant une coupe en or.

Gavin – « J’aurai besoin que vous examiniez cet objet… Je doute qu’il s’agisse d’un vrai. »
Propriétaire – « Une imitation ? Hum… Laissez-moi voir. »

L’homme s’empara d’une lorgnette qu’il approcha de son œil gauche, de son autre main, il attrapa la coupe. Son examen dura plusieurs minutes pendant lesquelles Gavin demeura silencieux. Lorsqu’il reposa la coupe sur le comptoir, il releva les yeux et décréta, qu’effectivement, l’objet était une pâle copie. Gavin le remercia. Il remballa l’objet, le planqua de nouveau sous sa cape et sortit de la boutique. Il était furieux. Il avait perdu une nuit de vol pour un objet qui n’était rien qu’une copie de celui qui avait, autrefois, appartenu à son père. Quel temps gâché pour lui ! Il s’élança dans les ruelles sombres et délaissées de l’allée des Embrumes. Elles aussi étaient désertes. Pas un sorcier n’osait s’aventurer dehors. Il fit quelques pas, emprunta une rue et se heurta à une personne venait en contre-sens. Sa capuche tomba. Son sortilège s’évanouit. Cela lui arrivait souvent, lorsqu’il était surpris, gêné ou décontenancé, les sortilèges de Gavin s’arrêtaient. Et quelle ne fut pas sa surprise lorsqu’il découvrit en face de lui Maïka Allen. Il connaissait Maïka depuis leurs années à Poudlard. Ils étaient sortis ensemble un moment. Maïka avait d’ailleurs été la première personne pour laquelle Gavin avait ressenti un véritable sentiment amoureux. Aujourd’hui, les deux jeunes gens étaient amis et Gavin était en plus le parrain du fils de Maîka, Jack. Un petit bonhomme, haut comme trois pommes, qu’il adorait et dont il ne se lassait pas.

Gavin – « Maïka ? Que fais-tu là ?! »

« Si je te le dis tu ne serais pas fière »

Gavin dévisagea la jeune femme quelques instants. Sa présence dans l’allée des Embrumes l’étonnait autant qu’elle l’intriguait. De quoi pouvait-elle donc avoir besoin ? S’agissait-il d’une affaire à régler ? Peut-être pour les aurors… Ah non… Elle n’y travaillait plus. Troy Anderson, le meilleur ami de Gavin, était un auror. Il travaillait pour le Ministère depuis pas mal d’années et était assez apprécié. C’est en discutant autour d’une chope de bierraubeurre qu’il avait appris à Gavin que Maïka avait donné sa démission de la Brigade Magique. Cela avait inquiété Gavin. Il y avait un moment qu’il n’avait pas pu joindre la jeune femme. A vrai dire, depuis qu’il était devenu l’Illusionniste, six mois auparavant, il n’avait plus le temps de s’occuper d’autre chose. De ses yeux noirs, il détailla Maïka, lui trouva un air un peu anxieux. Il sourit en constatant que, pour une fois, elle était habillée de manière classique. La jeune femme avait toujours aimé mettre en valeur les courbes parfaites de son corps. Lorsqu’elle marchait dans une foule, fière, la tête haute, les regards des hommes avaient tendance à s’attarder sur elle. Mais loin de n’être qu’une femme, semblable à une madonne, Maïka était également une mère. La maman d’un petit garçon unique et incroyable cher à Gavin, il s’appelait Jack.

« Dis toujours, je te promets ne pas te faire de reproche ! »

Il lui sourit avec un air de connivence. Après tout, lui aussi avait ses secrets, et des secrets bien gardés qu’il ne pouvait même pas confier à ses plus proches amis.

« Je sais que je te demande beaucoup de service, mais… serais-tu prêt à m’en faire un autre Gavin ? »

Gavin la rassura. Elle pouvait lui demander tout ce qu’elle lui voulait. Il le ferait. Il n’avait jamais rien pu lui refuser. Cela avait commencé à Poudlard, alors qu’elle avait été son premier amour, amour pas un simple flirt, et continuait aujourd’hui alors qu’ils avaient tout deux une vie d’adulte bien remplie.

« Tu peux me demander ce que tu veux ! Je suis incapable de te dire non ! »
« Et toi, Que fais-tu ici ? »
« Une enquête pour un article à la Gazette, la routine en somme ! »

Joli mensonge ! Il avait horreur de cette partie de lui qui l’obligeait à inventer des bobards à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit afin de justifier sa présence dans tel ou tel lieu. Bien sûr, il avait fait un choix en devenant l’Illusionniste mais il n’avait pas eu conscience des conséquences que cela engendrerait. Il était obligé de mentir et de se servir de ses deux plus proches amis, Troy et Ange Johnson, afin de récolter des informations pour ne pas tomber dans les filets des aurors. Il était devenu un menteur doublé d’un voleur. Quoique il essayait de se réconforter en se disant qu’il volait pour la mémoire de son père mais cela ne l’aidait pas à se sentir mieux. Au contraire ! Il était devenu ce qu’il avait toujours détesté : un être vil, un criminel.
Gavin avait toujours été droit. Il avait le caractère d’un vrai Gryffondor. S’il l’avait pu, il aurait certainement rejoint l’Ordre du Phénix mais ses qualités de voleurs et sa conscience l’en empêchaient.

« Comment va Jack ? L’as-tu amené avec toi à Londres ? Je ne l’ai pas vu depuis un moment si tu veux, je peux le prendre une journée ou deux ! Ca me ferait plaisir ! »

Il se tut quelques instants avant de reprendre, un peu embarrassé.

« J’ai appris que tu avais démissionné des aurors… Pourquoi ? »

Il sonda la jeune femme quelques instants avant de détourner la conversation sur un autre sentier.

« Quel est ce service que tu voulais me demander ? »

« Ah ! Un article sur quoi ? »

Gavin ne répondit pas directement, éludant la question par un vague murmure : « oh tu sais ce que c’est… Des histoires de trafic de chaudrons… » L’attitude de Maïka l’inquiétait. Il ne l’avait jamais vu comme ça aussi troublée. Et surtout, elle lui demandait de veiller sur Jack. Pour rien au monde, Maïka ne laisserait Jack, longtemps. Son regard était fuyant. Gavin avait du mal à le capter. Pourquoi ? Elle semblait avoir honte. Il sentait autour d’elle une aura qu’il ne pouvait combattre et qui se resserrait autour de la jeune femme. Il aurait voulu l’aider. Lui dire que quoique qu’il se passe, il était là, elle pouvait compter sur lui et qu’elle n’avait pas besoin de prendre la voie qu’elle avait choisi. Pourtant il se sentait terriblement impuissant.

« Gavin je sais que je t’en demande beaucoup… Mais un jour tu comprendras pourquoi. » « Pour l’instant, j’ai trop honte de dire quoi que ce soit, j’ai peur de te perdre… »
« Maïka ? Y a-t-il un homme derrière tout cela ? »

Pour Gavin, seul un homme et une influence mauvaise pouvait changer Maïka et la pousser à prendre une direction différente. Elle quittait les mangemorts, s’éloignait de son petit garçon de deux ans… Gavin s’approcha de la jeune femme. Avec tendresse, il passa une main dans les cheveux de la jeune fille, les plaçant derrière son oreille avant de la serre contre lui et de déposer un baiser sur son front, signe qu’il acceptait, malgré tout les décisions qu’elle allait prendre. Bonnes ou mauvaises… Il ne voulait pas la juger et puis, il ne savait pas tous alors ce n’était pas la peine de lui jeter une quelconque pierre.

« Amène-moi Jack dès que tu le souhaites… J’ai juste besoin de savoir une chose… Ce que tu vas faire ? Est-ce dangereux pour lui ? Courre-t-il un risque ? »

Il venait de penser à un article qu’il avait écrit récemment. Une femme de trente-cinq ans, mère d’une petite fille de quatre ans, s’était enrôlée dans les mangemorts. Quelques mois plus tard, elle fut arrêtée par les aurors et après négociation, pris la décision de trahir les mangemorts. Ces derniers se vengèrent et tuèrent les membres de sa famille, dont sa fillette. Le corps inanimé de l’enfant avait été retrouvé par sa grand-mère quelques heures après. Gavin avait encore en mémoire l’atrocité du meurtre. Les photos que lui avait fournies son meilleur ami, Troy Anderson révélait la férocité et l’ignominie de celui qui avait fait cela. L’enfant était mutilé de toute part, le corps lacéré par une lame. Sa tête avait été complètement rasée, tandis l’intérieur de ses jambes était ensanglanté. Gavin se mit à frissonner en repensant à cela. Puis, il fut pris d’un doute.

« Maïka… Tu es sûre que c’est la meilleure chose à faire ? Je ne sais pas ce que tu comptes faire mais cela t’oblige à bouleverser ta vie… N’y a-t-il pas un autre moyen ? Est-ce une obligation de suivre ce chemin-là ? Il me semble ardu et difficile d’accès… Et j’ai peur que tu t’éloignes… »

La pluie tombait toujours aussi fort et ne semblait pas vouloir se calmer. Les nuages amoncelaient dans le ciel ne signifiaient rien de bon. Mais le temps reflétait à la perfection la situation dans laquelle se trouvaient les deux jeunes gens.