«  Prudence, tu es une beauté triste. »
La jeune fille leva les yeux vers sa mère, qui était en train de lire un recueil de poèmes écrit par un poète français, un certain Charles Baudelaire. Elle le dévorait depuis une bonne demi-heure alors que Prudence était en train de préparer un gâteau au chocolat dans la cuisine. Elle adorait cuisiner et quand elle revenait chez sa mère pour les vacances, c’est elle qui préparait les repas. Elle avait l’impression d’aider sa mère et cela atténuait un peu le sentiment de culpabilité que Prudence avait à laisser sa mère seule dans leur appartement de Londres. Mélangés aux moldus, Prudence s’était toujours sentie différente. L’absence d’un père depuis 11 ans l’avait surtout marquée. Il était parti sans qu’elle ne sache la raison et Prudence n’avait jamais voulu en parler à sa mère. Celle ci avait trop souffert et maintenant que tout allait mieux dans leurs vies respectives, elle ne voulait rien gâcher.
La jeune fille ne répondit pas à la remarque de sa mère et leva la tête vers le miroir en face d’elle. On y voyait une grande et mince adolescente blonde, les cheveux attachés à la va vite pour ne pas avoir de mèches dans les yeux, avec de beaux yeux tristes et une bouche pulpeuse qui restait pourtant fixe et un sourire ne se dessinait pas sur son visage. Car oui, Prudence souriait rarement. Elle n’avait pas vraiment d’occasions de le faire. Ses études à Poudlard étaient monotones et elle s’ennuyait ferme.
Prudence réflechissait beaucoup, sur sa vie. Elle se demandait ce qu’elle faisait là, pourquoi elle n’était pas l’une de ces moldues populaires qui passe son temps au Starbuck Coffee avec son sac Juicy Couture, comme elle voyait quand elle allait sur le chemin de Traverse acheter ses fournitures scolaires. Elle portait des fringues de marque, même si la longue robe noire horrible était obligatoire à Poudlard. Sa mère, avocate au ministère de la magie, pouvait se permettre ce genre de luxe. Leur appartement était somptueux, beaucoup trop pour deux personnes et encore, Prudence dormait plus des trois quarts des nuits de l’année à Poudlard. Elle aimait l’odeur des lits à baldaquins, l’ambiance qui régnait entre les filles de son dortoir. Elles étaient fraîches, amusantes mais cela ne convenait pas à Prudence. Alors elle lisait dans son lit et on la prenait pour une fille solitaire. Ce qu’elle n’était pas. Les ragots de certaines courraient sur Prudence. On ne comprenait pas qu’elle n’ait pas de petit ami alors qu’elle avait un physique d’actrice, on ne comprenait pas qu’elle reste les soirées dans son coin à lire, on ne comprenait pas qu’elle soit si bonne en cours, on ne comprenait pas le fait qu’elle ne soit pas une peste. Prudence intriguait tout le monde. La jeune fille en était particulièrement consciente mais avait décidé de ne pas agir contre. Les laisser dire.
Tout l’amour de Prudence allait dans un chat persan qui s’appelle Sundance. Elle l’adorait, c’était un cadeau de sa mère pour son entrée à Poudlard. Ce chat ne disait rien, était affectueux et n’embêtait personne. Parfait pour Prudence.
Et puis, la jeune fille était amoureuse d’un garçon. Mais ça, c’est un sujet tabou car Prudence n’aime pas se livrer sur l’amour. Elle a eu quelques flirts mais n’a jamais voulu s’engager. De peur qu’on la rejette, comme l’avait fait son père qui n’avait pas donné de nouvelles depuis 11 ans. Prudence l’imaginait très bien avec deux gosses et une nouvelle femme en Ecosse. C’était un de ses délires qu’elle se prenait quand elle pensait à lui. C’est à dire souvent.
Prudence n’était pas méchante, elle ne voulait de mal à personne. Elle voulait simplement que tout soit plus facile. On va dire que ce n’est pas la fille la plus sociable du monde. Mais vous verrez, on s’attache à son monde. Un monde où les rêves resurgissent toujours.
Prudence aurait voulu avoir un père.