Elle posa sa main sur son avant-bras, et ses doigts se crispèrent autour de sa chair. Ce n’était pas un geste amoureux, ce n’était pas un geste affectueux. C’était un réflexe, un instant de faiblesse et de crainte – elle avait peur.

« Que faites vous ? »

Il ne répondit pas. Ça n’en valait pas la peine, dans quelques heures cette question n’aurait plus la moindre importance aux yeux de la femme. Elle resserra sa poigne, la voiture bifurqua brusquement, et elle lâcha un cri silencieux.

« Où allons-nous ? »

Il lui adressa un sourire compatissant. Puis ses yeux se posèrent à nouveau sur la route. Les gouttes de pluie frappaient le pare-brise avec violence, l’asphalte brillante présentait de nombreuses inégalités. Mais ce n’était pas lui qui conduisait le bolide – une force supérieure les attirait inexorablement vers un lieu occulté. Cependant, personne sur la route n’aurait pu se douter que deux sorciers étaient assis dans cette voiture, que l’un d’entre eux travaillait pour le ministère anglais de la magie, et que l’autre avait été privée de sa baguette quelques minutes plus tôt. Il n’avait pas été difficile de la convaincre – lui dire qu’un rendez-vous avait été organisé avec le ministre avait suffit à la convaincre de se laisser désarmer.

« Arrêtez la voiture. Arrêtez la voiture ! »

Il s’exécuta – elle en fut tellement surprise qu’elle lâcha son bras et s’accrocha à sa ceinture. La portière s’ouvrit aussitôt.

***

C’était l’un de ses premiers ordres. Elle s’en souvenait comme d’hier – personne ne prenait la peine d’effacer la mémoire d’une oubliator, soyons logiques. C’était une pratique en vogue : employer un Oubliator sans expérience pour exécuter des ordres confidentiels. Ne rien leur expliquer, les laisser dans l’ignorance la plus totale. Ce n’était certes pas la dernière fois qu’elle recevrait aussi peu d’information pour l’une de ses missions. Rilo savait, en prenant ce job, que les questions étaient très mauvaises. Ne pas demander. Elle se doutait que la connaissance la mènerait très certainement à l’un ou l’autre dilemme moral.
Elle attendait depuis plus d’une demi-heure sous la pluie. Enfin, une voiture vert bouteille arriva dans sa direction.

« Nom, prénom ? »

L’homme qui lui avait posé la question lui était certes plus qu’antipathique, mais elle n’hésita pas dans sa réponse.

« Grove, Rilo Ava. J’ai reçu l’ordre de mission ce matin. »

Elle lui présenta le bout de papier, qu’il observa un instant, avant de l’enflammer du bout de sa baguette.

« Transplannez immédiatement après exécution de l’ordre.
- Et elle ?
- Vous avez d’autres questions stupides ?
- Non, monsieur. Désolée, monsieur. »

Il tourna sur lui-même, et Rilo s’approcha de la jeune femme. Elle avait l’air complètement déstabilisé.

« Hum. Les ordres sont les ordres… »



« Qu’est-ce que vous faites encore là ??
- Je…
- Allez, dégagez, vous n’avez plus rien à faire ici ! Vous avez de la chance que je n’aille pas en parler à votre supérieur ! »

Rilo tiqua. Il n’irait pas en parler à son supérieur ? Bien sûr que non. Et elle savait pourquoi : il n’y avait qu’elle qui avait reçu cet ordre. C’était un ordre direct, du ministère, sans passer par le département des mystères. Son supérieur n’était en rien au courant de cet ordre.

« Maintenant dégagez ! »

Elle transplanna.