Londres était une ville fascinante. Nouscka avait oublié combien c’était bon de se sentir chez soi. Il avait vécu pendant longtemps entre la Russie et l’Angleterre, mais la capitale britannique avait toujours obtenu sa préférence. Et maintenant qu’il était revenu, il en profitait pleinement. L’été touchait à sa fin, mais il faisait encore presque beau, et le jour se couchait tard ; on pouvait encore profiter du soleil vers dix-neuf heures.

Nouscka avait été lâché tôt du ministère ce jour-là. Il en apprenait chaque jour là-bas, et au fond, c’était ce qu’il avait toujours voulu : se battre contre les mages noirs. Sa haine contre eux était comme du feu de pétrole, quelque chose de dévastateur et violent, meurtrier même. A cause d’eux, son enfance avait été saccagée, son adolescence ravagée. Quand on vit dans l’angoisse perpétuelle, dans la crainte oppressante qu’une nuit, ils viendront prendre ce qu’on a de plus cher, on développe une certaine forme de noirceur. Et une sourde envie de vengeance. En quelque sorte, les Mangemorts avaient réussi leur coup : le mal avait germé dans le cœur de Nouscka tout au long de ces années. Mais il se maîtrisait encore. Il n’était pas encore comme eux. Il ne tuait pas avec plaisir.

Le jeune homme était rentré chez lui rapidement, le temps de prendre sa potion anti-douleur quotidienne et de passer sous la douche. Si les blessures avaient cicatrisées, elles le lançaient encore. Le corps de Nouscka était parsemé de cicatrices plus ou moins fines, dont les causes étaient diverses et variées. Il s’y était habitué, mais il y en avait une qui le marquait à vif de temps à autre : la marque d’Azkaban. Les chiffres de son matricule chauffaient sa peau à vif et peuplaient son sommeil de cauchemars. Il connaissait le numéro par cœur, savait chaque détail, même le petit défaut du septième chiffre. Rien ne pourrait enlever ça de son corps. Il avait Azkaban dans la peau, quoi qu’il arrive.
Mais pour l’instant, il s’efforçait d’oublier. Alors, il avait entrepris de se promener dans Londres, puisque ça faisait longtemps qu’il n’avait pas arpenté les pavés de sa ville. Le soir, tout s’animait, les lumières s’allumaient une à une comme des petits lampions et toute la faune sorcière locale se retrouvait de sortie. Il y avait de sacrés personnages, des plus louches aux moins soupçonneux. Mais tout était plein de vie, et un sourire se serait presque dessiné sur les lèvres du Russe. On ne peut pas avoir du beau temps et un sourire de Nouscka en même temps. Le jeune homme prit la direction du Grand Parc, endroit qu’il affectionnait particulièrement. Il se souvenait que la première fois qu’il était venu au Chemin de Traverse, il avait joué pendant des heures avec Misha ici en attendant que leur père revienne d’une course à Gringotts. C’était l’un des seuls souvenirs libres et heureux qu’avait l’ancien Serpentard de son enfance.

Il pénétra dans le parc, qui se remplissait peu à peu de sorciers en tous genres, jeunes et moins jeunes. C’était un haut lieu de rencontres, de ruptures, de serments d’amitié … Ce genre d’endroit qui vous laisse des traces. Le jeune homme se mit à marcher sans but précis, juste à savourer la tranquillité du parc, son murmure, sa mélancolie avec la lumière qui déclinait peu à peu. Tout à coup, les lampadaires se mirent à s’allumer un à un, comme d’autres petits lampions. Et tout à coup, Nouscka plongea sa main dans sa poche, en ressortant un paquet de cigarettes d’où il tira une clope. Remettant le paquet dans la poche de son jean, effleurant au passage sa baguette, il constata qu’il n’avait pas de briquet. La clope au bec, mais pas allumée, il avisa alors la première personne qu’il croisa, une jeune femme assise sur un banc et demanda respectueusement, sans aucune arrière-pensée :

« Excusez-moi, mademoiselle, mais auriez-vous du feu ? »

La cigarette, c'était la petite faiblesse de Nouscka. Il en fumait quasiment en permanence, et l'odeur de tabac était indissociable de sa personne. Il avait commencé très tôt, volant d'abord celles de son père, puis s'achetant ses paquets au marché noir de Poudlard, où certains élèves Moldus qui pouvaient facilement se ravitailler avaient trouvé le moyen de se faire de l'argent. Sans son briquet, Vanna Syl était désemparé. Et il devenait rapidement irritable sans ses clopes. Alors, cette jeune femme tombait à point nommé.

Leurs regards se croisèrent ; et Nouscka remarqua immédiatement son sourire et ses airs latino. Elle ne semblait pas méfiante, ni outrée. Tant mieux. Les femmes avaient toujours cette manie de penser que dès qu'un homme leur adressait la parole, c'était pour leur soutirer un numéro de téléphone ou les attirer dans les buissons pour leur soulever leurs jupes. A croire que tous les hommes sans exception étaient des bêtes dominés par leurs pulsions. Mais passons. Nouscka se baissa, et sa clope s'embrasa au contact de la flamme jaillissant du briquet. Il tira une longue bouffée, et cette sensation de soulagement se diffusa dans son corps, apaisant le manque que tous les fumeurs ont connu une fois dans leur vie. Un pur bonheur. Il reposa ses yeux sur la jeune femme, qui souriait toujours et s'apprêtait à la remercier, quand elle le devança et lui posa une question qui le déconcerta au plus haut point.

Talia – On se connaît, non ?

Euh ... non, je crois pas, mademoiselle. Nouscka était surpris, mais il ne laissait rien voir sur son visage. Comment devait-il prendre cette phrase ? Ses yeux dévisagèrent la jeune femme, mais il ne parvenait vraiment pas à se souvenir. Elle était certes très jolie, et Nouscka se serait sans doute souvenue d'elle s'il lui avait déjà parlé. Une fille comme ça devait marquer les esprits. A moins que ce ne soit qu'une simple façon d'engager la conversation ? Si c'était le cas, elle allait vite en besogne, la petite latino ! Nouscka resta donc silencieux un moment, et finit par s'asseoir à côté de la jeune femme, tout en répondant :

« Vous avez l'impression de m'avoir déjà vu ? »

Nouscka, ou l'art de ne jamais répondre vraiment clairement à une question. C'était son caractère ; il était secret et surtout, sur ses gardes. Jamais vraiment détendu, mais c'était compréhensible. Avec tout ce qu'il avait vu comme horreurs, il avait été suffisamment dégoûté du genre humain pour lui faire à nouveau complètement confiance. Cela n'arriverait sans doute plus jamais, d'ailleurs. C'est pourquoi il s'était assis assez loin de la jeune femme sur le banc, toujours tendu. A l'affût.


( pas terrible hein ... T-T )