Ce n’est pas un rendez-vous… Ce n’est pas un rendez-vous…
Si. C’est un rendez-vous. D’accord. Mais pas un galant !
Le visage crispé, les yeux plissés, Lazar Neveritshme remettait en place la crinière de cheveux qu’il avait dû hériter de son père bien qu’il n’ait jamais vu Zv avec plus de trois centimètres de cheveux sur le crâne. Son vieux père – si, il était vieux, arrêtez de dire le contraire – n’avait jamais été vraiment… heureux de voir son fils avec sa tignasse ébouriffée. Elle était là depuis qu’il avait quinze ans, depuis le jour où, sous l’œil terrible et sombre de Zv, il avait osé – osé ! – dire « non » à une coupe de cheveux par la jolie Loà.
Depuis il avait gardé cette tête-là, entre l’homme tout droit sorti d’un magazine de modèle, et… l’adolescent attardé qu’il était dans le fond.
Il jeta un regard à l’horloge qui indiquait 16 : 37.
Il n’était ni en retard, ni en avance. Un parfait gentleman. Un parfait Vert-Galant somme toute.
Il opta pour un costume sobre, noir, parfaitement taillé sur ses épaules, une chemise blanche et un jeans tout ce qu’il y avait de plus basique. Le parfait habit. Dans le pire des cas, il pourrait le déchirer facilement dans un coup de folie pour…
Pour quoi faire exactement Lazar ?
Il ravala sa salive et grimaça. Diable. Ca recommençait. Est-ce qu’il allait entendre sa mère lui parlait à chaque fois ? Il secoua la tête, d’un air dépité, avant de se traîner en silence vers la salle de bain, ajoutant à une dose de parfum au hasard. « Le Mâle ». Voilà qui était assez ironique venant d’un pédé… Il releva les yeux, s’observant, quelques secondes, quelques longues secondes. Une petite barre au creux du bide.
Oh… Allons donc ! Aurais-tu peur petit homme ?
Lazar passa sa main sur sa gorge et finalement se décida. C’était maintenant ou jamais. Avant que tout courage ne l’abandonne. Il saura dans la rue, pris la première voiture et comme un dernier pied de nez au ministère se posta à l’entrée de l’atrium, attendant la jolie avocate. Il ne lui avait pas dit ni quand, ni comment, mais son nez de fouine savait que ce jour-là elle finirait aux alentours de dix-sept heures. Parfois, il suffisait d’un simple « bonjour » pour s’attirer la sympathie des concierges…
Et ça ne serait mentir que de dire que Lazar Neveritshme avait, malgré tout, « une bonne tête ».
« Qu’est-ce que vous faites ici, vous ? » pesta une voix dans son dos. Lazar releva le nez, de cet air toujours aussi désinvolte que je-m’en-foutiste.
« Oh ! Mr Barks ! » Quel drôle de nom… « Quel plaisir de vous retrouver ici ! »
L’homme était un petit rondelet aux joues porcines. Il n’avait pas la dégaine du roquet, ou plutôt – exactement – celle d’un petit bouledogue français. C’était tout du moins l’impression qu’il donnait à Lazar.
« Qu’est-ce qu’un p’tit con comme toi Neveritshme peut bien faire au Ministère ? T’attends ton avocat ? » Barks ricanait et sa lèvre aurait presque dégouliné de bave. Comme un vrai bouledogue, pensa le lycanthrope.
« Non, non. J’attends mon rendez-vous galant. »
« Ah oui ? »
« Oui, oui. »
Un petit silence s’installa. La curiosité piquait au vif, Barks plissa les yeux, d’un air presque suspicieux.
« Ce ne serait pas… »
« C’est elle. »
Il leva la main et montra Elke Mustang qui déposait au même moment des papiers sur le comptoir. Barks entrouvrit sa gueule horrible, mais Lazar ne portait plus aucun intérêt à ce chien du ministère et fit quelques enjambées, à la volée, pour rejoindre la jolie avocate, posant son coude sur le comptoir du bureau de la secrétaire, en hauteur.
« Bonjour… Mademoiselle l’avocate. » Un grand sourire qui fait bling au soleil, pour la forme. « Ça vous dit toujours un café ? Je vous avais promis mais j’ai été … quelque peu … occupé … »
Fallait dire que courir après Ashkay n’était pas toujours très facile.