Palo Mayombe

Ce fut une odeur aigre de mauvais whisky qui la réveilla. Khali fronça les sourcils pour repousser une affreuse migraine qui lui enserrait la tête comme un étau. Sa vision était légèrement flou mais ça l'empêcha pas le moins du monde de reconnaître le visage penché sur elle. Par réflexe, l'adorable maîtresse d'école donna un coup de pieds et recula brusquement, renversant une étagère sur son passage pour se retrouver dos au mur.

« Vous ! », s'exclama-t-elle.

La jeune femme en guenilles s'approcha, écrasant ses joues entre ses mains osseuses pour l'obliger à la regarder droit dans les yeux. Elle aurait pu être très belle si ça n'avait été de ces yeux fous rougis probablement par des nuits d'insomnie et les effluves acides qui saturaient l'air de ce trou dans lequel elle devait vivre. Ces lèvres gercés, ces joues creuses avaient effrayé Khali la première fois qu'elle avait posé les yeux sur cette harpie échevelée dans la gargote des Six Roses.

Depuis qu'elle avait fuit Singh, quelques jours auparavant, le marché aux trolls n'avait rien épargné à la jolie métisse. Elle avait vite abandonné l'idée de demander son chemin mais ça ne l'avait pas empêcher de voir horreurs et abominations en nombre. Tout ce qui l'avait fait tenir jusque là et l'avait empêcher de faire des cauchemars les quelques trop rares fois où elle s'était endormie derrière un établissement qui lui paraissait moins craignos que les autres, c'était de savoir qu'au bout de cet enfer, il y avait son appartement, un bon chocolat chaud, les enfants de l'école des petits sorciers qui devaient se demander où était leur maîtresse...

« Vous me faites mal. Qu'est-ce que vous me voulez ? »
« Je veux ce que ton père m'a pris ? CE QUE TON PERE MA PRIIIIIIIIIIIIS ! »

Quitter Singh pour se retrouver là avec cette folle qui n'avait pas arrêté de lui parler de ses yeux et son père depuis qu'elle lui était tombée dessus aux Six Roses... Khali ne voyait guère d'amélioration à sa situation. Quand elle se rendit compte que l'un des ustensiles qu'elle avait cassé en renversant l'armoire contenait d'étranges abats légèrement verdis par la pourriture, elle compris qu'elle n'avait fait que sauter de Charybde en Scylla.

La folle continuait de se répéter, hystérique, la tête entre les mains presque prête à s'arracher les cheveux.

« JE SAIS PAS CE QU'ON VOUS A PRIS! JE SAIS PAS BORDEL ! JE - SAIS - PAS!!! », rugit Khali sous le coup de la fatigue, les nerfs complètement à vif.

Cela eut pour effet de calmer momentanément la sorcière échevelée (si tant était qu'elle fût vraiment sorcière vu tout ce que Khali avait pu croiser sur le marché aux trolls). Il y eut un long silence puis elle éclata d'un rire à vous glacer le sang. Un rire dément. Khali n'attendit pas plus longtemps. Elle ramassa une poignée de sable et la jeta à la figure de la démente, prenant ses jambes à son cou mais elle n'allait pas loin. Une main se referma sur ses longs cheveux noirs et la tira violemment en arrière.

« Elle ne sait pas la sale petit menteuse. Tu es bien la fille de ton père Khali Saint-James... »
« Mayfair! Mon nom c'est Mayfair! Je n'ai rien avoir avec ... quoique ce soit! »
« Ca ne fait rien. On va te rafraîchir la mémoire palera... il te suffit de me regarder. REGARDE!! REGARDE CE QUE TU AS FAIT!!! », vociféra la sorcière, en écartant les cheveux pour bien lui montrer son visage qu'elle collait pratiquement au sien.

Khali fronça les sourcils de plus belle. Le monde était fou. Il n'y avait strictement rien sur son visage qu'une bonne nuit de sommeil et un peu de maquillage n'aurait pu enlever.

« Je ne vois rien du tout... »
« Ah tu ne vois rien ? Et ça !! Tu le vois ? »

La folle passa ses doigts dans ses cheveux comme pour en retirer des poignées et des poignées de cheveux mais tout cela ne semblait que pure hallucination. De même, elle se griffait le visage, persuadée que des lambeaux de peau s'en détachaient et elle les jetait à Khali comme pour asseoir sa démonstration. Dans quelle histoire de fou notre pauvre maîtresse d'école s'était encore embarquée...

Lorsqu'Akshay s'éveilla, il eut cette étrange impression de ne pas avoir assez dormi. Chacun de ses membres étaient lourds, et sa tête lui semblait douloureuse. Il ouvrit plusieurs fois ses yeux, comme pour passer cet étrange état de fatigue, avant de se rappeler de ce qui s'était passé la veille. Akshay eut un profond sourire, un de ces sourires qui vous réchauffe le cœur, un de ces sourires que l'on a lorsque l'on vient de vivre quelque chose d'intense, et d'heureux. Il se redressa doucement, tendant l'oreille. Il se passa deux doigts sur ses lèvres, et il en retira d'étranges particules. Il se frotta les yeux de son autre main, posant son regard sur les particules avant de sourire de nouveau. Elle était douée. Elle avait tout prévu. Je te l'avais dis, n'est-ce-pas, Akshay ? Je t'avais dis de ne pas avoir confiance en elle, de ne pas la laisser en position de force, et qu'as-tu donc fait ? Akshay haussa les épaules. Il savait au plus profond de lui que le baiser qu'ils s'étaient échangés était véritable, que tout était désormais tracé pour elle, comme pour lui. Qu'elle serait sa madame Mahavir, tout comme lui serait son mari. C'est fou, ça. Tu viens de te faire niquer, et tu continues encore de tirer des plans sur la comète ! Akshay haussa une seconde fois des épaules. Il tapota ses manches, se rendant compte qu'elle lui avait aussi prit sa baguette magique. Elle était douée. Et même s'il aurait du être en colère envers elle, il n'y arrivait pas, s'émerveillant presque de tout ce qu'elle avait fait. Des petits détails lui permettaient de se conforter dans cette idée, comme son attention délicate à le mettre au lit, à le déchausser, puis à le couvrir.

Il sortit de la chambre, se dirigeant vers la table, pour y voir un mot écrit par Khali, qui s'excusait de son geste. Akshay sourit, laissant son regard flotté quelque part entre son amour et sa fascination pour elle. Tu es naïf, Akshay. Je ne sais pas encore comment tu as fait pour survivre dans cet endroit... Akshay haussa de nouveau les épaules. Il fallait qu'il la retrouve, elle n'était sûrement pas loin. Elle ne connaissait pas l'endroit, lui si. A cet instant, la peur l'envahit, le terrifiant totalement. Elle n'était pas ici chez elle. Elle n'avait rien à voir dans cet endroit. Elle était pure et blanche comme la neige, il fallait qu'il se dépêche de la ramener ici. Akshay se précipita vers sa bibliothèque où il attrapa un livre rouge, épais. Il l'ouvrit, laissant apparaître une baguette magique dissimuler en son sein. Il la saisit, alla mettre des chaussures, puis sortit de sa cache, avec la peur au ventre. La peur qu'il ne lui soit arrivée quelque chose.


(...)

« Trouve-moi là, tu te démerdes comme tu veux, je veux la retrouver. » Akshay distingua un léger sourire derrière le capuchon de l'homme à qui il parlait. Il lui dit : « Tu me dis que ça fait déjà trois jours que tu la cherches ici ? Elle est probablement morte, Singh. » Une violente colère se dessina dans ses yeux, son visage se déforma sous la haine qu'il ressentit tout à coup. Il tendit sa main directement vers la gorge de l'homme encapuchonné, le menaçant de sa baguette magique, tout en lui crachant : « Je ne te paye pas pour t'entendre dire ce genre de merde. Cherche. » Il défit son étreinte. L'homme se recula, se massant la gorge de sa main, avant de disparaître dans un bruissement de cape.

Akshay avait fouillé de partout, tout du moins, dans les alentours de sa cache. Elle ne pouvait pas être allé aussi loin. Puis quand on voyait ses voisins, on se demandait vainement comment pouvait-elle être encore en vie. Une goutte de sueur coula une fois de plus dans son dos, le long de sa colonne vertébrale. Il se passa une main sur le ventre, où la peur semblait s'être installée depuis quelques jours, grandissant un peu plus que les heures passaient. Finalement, armé de sa baguette, le long de sa jambe, il se remit à la chercher. Singh lui disait d'arrêter, il le supplia de le faire, que c'était insensé, qu'il ne devait pas se faire de faux-espoir. Le boucher, l'apothicaire, pour ne citer qu'eux, en avaient sûrement fait leur quatre heure. Mais Akshay n'en démordait pas, persuadé que c'était elle qui le sortirait de cette merde, persuadé que son amour pour elle le lui ferait comprendre si elle était véritablement morte. Il déglutit péniblement, et s'enfonça un peu plus au nord du marché, rabattant sa capuche sur sa tête, se fondant alors dans la masse la plus sombre et hétéroclite dont était pourvu le Londres Underground.

Les heures passèrent, mais rien. Il n'y avait rien. Il ne comprenait pas pourquoi il ne parvenait même pas à retrouver sa trace. C'était quelque chose qui le perturbait beaucoup, au point d'être à deux doigts de laisser Singh s'en occupait. Mais l'homme finit par réapparaître, au moment-même où il demandait à Singh de lui venir en aide. Akshay retira sa capuche, et il lui dit en lui tendant un os de doigts lavé de toutes traces de peau ou de chair : « Elle est là-bas. » Akshay ne dit rien, mais n'en pensa pas moins. Il sortit une bourse d'or qui lui envoya dessus, alors qu'il prenait l'os en espérant de tout son être qu'il ne s'agisse pas un de ceux de Khali. A son contact avec l'os, il se sentit aspiré, traîné par un portoloin vers un endroit qu'il ne connaissait pas.


(...)

Il se rattrapa in extremis à un réverbère pour ne pas tomber, avant de se masser doucement le nombril. A chaque fois qu'il prenait un portoloin, c'était pareil. Cette sensation, que des forces magiques le tiraient par le nombril pour défier les lois et les règles spatio-temporels qui régissaient le monde, était déroutante. Akshay leva les yeux, balayant l'étrange rue morbide de son regard, puis, il rabattit son capuchon sur ses cheveux, s'avançant doucement dans la rue, ses sens aux aguets.
« REGARDE !! REGARDE CE QUE TU AS FAIT !!! » Akshay tendit un peu plus l'oreille. « Je ne vois rien du tout... » Son cœur rata un battement. Baguette sorti, il s'approcha doucement de l'étrange bâtisse, prêt à bondir, tel un lion sur sa proie. « Ah tu ne vois rien ? Et ça !! Tu le vois ? » Akshay apparut alors, voyant l'étrange scène qui se déroulait devant lui. Il y avait une Khali terrorisée, effrayée et sûrement traumatisée parce qu'elle venait de vivre, et une étrange femme qui se passait les mains dans les cheveux, se les tirant comme si elle souhaitait se les arracher en montrant ses mains vides, qu'elle tendait à Khali. Elle se griffait le visage, comme une furie. Elle était barge, elle était folle à liée, il ne devait pas la laisser là. Il pointa alors sa baguette sur la jeune femme, et il parla : « Tu t'éloignes d'elle, où je te tue, sorcière ! » Son ton de voix laissait présager de sombres intentions. Il retira sa capuche, se dévoilant à Khali pour qu'elle n'ait crainte. Il était là pour elle, elle devait le comprendre.

Trois jours passés dans l'enfer du taudis minable où la folle rencontrée aux Six Roses l'avait traîné, avait rendu Khali complètement folle elle aussi. Et il y avait de quoi. Le premier jour, sa tortionnaire n'avait cessé de psalmodier une sombre histoire de malédiction vaudou que le père de Khali lui aurait jeté par pur malveillance. Cela aurait pu rester bon enfant si dans l'exercice la forcenée n'avait pas menacé de lui prendre tantôt ses yeux, tantôt sa langue. Le harcèlement ne s'était arrêté que dans les quelques heures où, après avoir solidement enchaîné son invitée, la démente avait fini par s'assoupir pour encore cracher des menaces dans son sommeil. Khali, elle, n'avait pas dormi, c'est sans doute pour cela que son esprit se retrouvait accablé de fatigue et fiévreux le lendemain.

« Debout Saint-James! C'est aujourd'hui que tu défais ce que tu as fait palera!! »

Khali aurait bien voulu protester, mais se voir jeter une poignée de doigts fraîchement amputés suffit à lui rabattre le caquet pour de bon. Elle ne cria même pas. Pourtant l'horreur était à son comble et la pauvre maîtresse d'école se débattait avec ses chaînes pour s'éloigner de cette abomination jusqu'à ce qu'elle comprenne que ce que la folle attendait d'elle, s'était qu'elle couse ces doigts à une paume qui, vraisemblablement, appartenait à un sixième individu. C'en était déjà trop pour elle mais les menaces de la folle finirent par avoir raison d'elle et elle se plia, les mains tremblantes, le visage baignait de larmes, à cet abominable ouvrage. Quand elle eut fini, le même manège recommença, comme le monstrueux artefact que Khali venait d'assembler ne produisait pas l'effet escompté :

« REGARDE !! REGARDE CE QUE TU AS FAIT !!! », psalmodiait la démente en s'arrachant des poignées de cheveux devant une Khali complètement abattue et muette.

Cette nuit-là encore, elle ne parvint pas à fermer l'oeil. La compagnie de la main de Frankenstein qui dégageait déjà une suffocante odeur de chair putréfiée n'y aidait pas. Mais surtout, elle ne voyait plus la fin de son calvaire. Comment une telle histoire pouvait se finir ? Il était inutile de se leurrer. En guise de consolation, elle repensa à Singh et à leur étrange conversation sur le karma. Était-ce sa punition à elle pour avoir tromper cet homme ? Était-ce vraiment une punition à la mesure de l'offense ?

Les genoux serrés dans ses bras, si forts que ses bras en étaient complètement engourdis, elle attendit que la folle ne recommence son manège. Mais la folle semblait avoir changé d'idée dans la nuit. En se levant, comme la veille, elle déjeuna devant sa captive, l'oeil pointé sur elle mais sans un mot. Elle continua ce petit manège jusqu'à une heure avancée de la matinée où elle retrouva son agitation :

« REGARDE !! REGARDE CE QUE TU AS FAIT !!! »
« Je ne vois rien du tout... », soupira Khali aussi lasse qu'indifférente à son propre sort désormais.
« Ah tu ne vois rien ? Et ça !! Tu le vois ? Décidément tu n'es vraiment bonne à rien! Je le SAVAIS! J'aurais DÛ le savoir!! DEPUIS LE DÉBUT! Ça ne fait rien. », le calme qui retomba tout à coup capta l'attention de Khali comme une sonnette d'alarme qui lui hurlait que la fin était proche.

La folle ramassa sur la table de son déjeuner un couteau à la lame mangée de rouille. Khali déglutit et se raidit contre le mur, sachant qu'elle n'avait pas d'échappatoire. C'était sans compter sur le mauvais ange qui veillait sur elle depuis qu'il l'avait ramenée ici :

« Tu t'éloignes d'elle, où je te tue, sorcière ! »

Khali n'avait pas besoin qu'il se découvre pour reconnaître sa voix. Un petit soubresaut d'espoir se ralluma en elle.

« Singh ! », souffla-t-elle.
« Qu'est-ce qu'il fait ici celui-là ?! C'est TOI qui l'a invoqué palera ?!!! Je ne vais pas te laisser t'en tirer comme ça. Je déferais ce que tu as fait! JE VAIS LE DÉFAIRE AVEC SON SANG!!! », vociférait la folle en se jetant sur Khali, persuadée que Singh n'était qu'une illusion, un zombie invoqué par la palera qui s'écroulerait dès que le sang de sa maîtresse se répandrait. et Khali, qui criait le nom de Singh, ne faisait rien pour la détromper.

Un sortilège partit dans la direction du "zombie" mettant le feu au taudis. Cette histoire ne pouvait que mal se finir.

« Singh ! » Akshay ne montra rien, mais cette petite intonation dans sa voix lui fit l'effet d'un je t'aime. C'était ridicule, il le savait, mais c'était comme s'il s'en allait duel un sorcier, après avoir reçu les encouragements de sa belle. Baguette tendu sur la folle, il n'attendait plus qu'un faux geste de sa part pour agir et l'éradiquer sur le champs. On ne s'en prenait pas à Khali. C'était la sienne, c'était son espoir de rédemption, c'était son amour. Cette sorcière allait en payer le prix de sa vie si elle ne se rendait pas, si elle ne laissait pas Khali partir. Mais lorsque cette dernière se retourna vers lui, et qu'elle s'agita, Akshay sut directement qu'il devrait la tuer. Il déglutit péniblement, sans rien montrer. Sa main restait ferme. « Qu'est-ce qu'il fait ici celui-là ?! C'est TOI qui l'a invoqué palera ?!!! Je ne vais pas te laisser t'en tirer comme ça. Je déferais ce que tu as fait! JE VAIS LE DÉFAIRE AVEC SON SANG !!! » Avant même qu'il n'eut le temps d'aligner deux pensées cohérentes, elle lui lança un éclair orangé, qu'il esquiva d'un mouvement gracieux d'un pas sur la gauche. Aussitôt, un feu se mit à ronfler derrière-lui. Mais il ne prit pas la peine de se retourner pour contempler les dégâts du maléfice, car lorsqu'il cessa de bouger, il lança un sort de mort. L'éclair vert fusa si vite, que la sorcière se le prit entre les deux yeux, laissant une petite trace au point d'impact, d'où une petite fumée verte s'élevait. Elle tomba par terre, à côté de Khali.

Akshay baissa alors sa baguette, s'approchant de Khali tout en lui tendant la main pour qu'elle la saisisse et qu'ils ne rentrent chez lui. Toutes ses pensées revinrent d'un bloc, mais le contre-coup de la mort de la sorcière n'était pas encore présent. Tout ce qui y trottait, c'était : Pourquoi l'avoir appelé Palera ? Pourquoi l'avait-elle associé au vaudou ? Akshay n'en savait rien, tout du moins, rien de ce qu'il avait vu de Khali ne le laissait présager. D'où venait-elle alors ? Qui était ses parents ? Sa famille ? Akshay la serra contre lui, et l'entraîna au dehors, laissant la petite maisonnette brûlée. Il retira sa cape, qu'il lui mit sur les épaules, avant de lui prendre la main, baguette dans son autre main, prêt à tout pour la ramener saine et sauve.


(...)

La porte se referma derrière lui. Il la laissa avancer dans la pièce, la couvant de son regard, avant de poser ranger sa baguette magique dans sa manche. Akshay la regarda avec un petit sourire, avant de s'asseoir sur une chaise, près de la table, comme las de cette traque, qui, avait failli mal tourné. Elle était là, maintenant, c'était tout ce qui comptait. Le silence resta la, quelques instants, avant de le briser pour dire : « Je ne te savais pas lié au vaudoo, Khali. Qui sont tes parents ? » Singh ne s'était plus montré depuis la mort de la sorcière. Comme s'il avait été impressionné de l'acte d'Akshay, voyant alors ce qu'il était réellement capable de faire pour la sauver. Il avait jugé bon ne plus interférer entre elle et lui. Visiblement, Akshay avait raison. Khali allait le sauver. Il en était, à son tour, convaincu.

La folle tomba raide morte, un trou au milieu du front d'où s'échappait une sinistre volute de fumée verdâtre. Horrifiée, Khali s'écarta du cadavre en se serrant un peu plus au mur auquel on l'avait attachée. A la seconde où Singh la libéra de ses liens, ses bras s'enroulèrent naturellement à ses épaules, ses doigts s'arrimant à ce qu'ils pouvaient de peur de retomber en enfer. Il la serra finalement et l'emmena loin de tout ça. Elle ne se vit même pas faire le chemin inverse, cramponnée à lui comme à une goutte d'eau dans le désert, les yeux hagards, les doigts crispés. Il lui semblait ne plus rien sentir, ne plus rien voir, ne plus rien entendre.

« Je ne te savais pas liée au vaudoo, Khali. Qui sont tes parents ? »

La voix de Singh la tira de ses pensées. Ses yeux mordorés se reconnectèrent à une réalité tous comptes faits plus rassurante que celle du taudis de la folle. Elle déglutit, essayant de remonter à ses plus anciens souvenirs pour y trouver un visage, un indice...

« Joshua et Willow Mayfair. », commença-t-elle en se passant les mains sur les bras comme pour se réchauffer, « Elle n'arrêtait pas de m'appeler Saint-James, palera. Je ne sais rien de tout ça Singh, je ne sais même pas ce que c'est. Mes parents sont morts quand j'étais petite. Ils étaient commerçants. Ils sont morts dans un accident de portoloin. Tout ce que je sais c'est ce dont m'a parlé mon grand père. C'est tout. Je ne suis qu'une maîtresse d'école. »

Elle ferma les yeux, les coudes sur la table, la tête entre les mains. Cette histoire allait la rendre dingue elle aussi.

Le nom de Joshua Saint-James n'était pourtant pas celui d'un inconnu au marché aux trolls. La famille St James avait bâti sa fortune sur le palo. Un art macabre, proche parent du vaudou, qui faisait peur et demandait une connaissance et une maîtrise approfondie. Un art dans lequel les Saint-James s'étaient distingués auprès des plus riches familles de sang pur, depuis les négriers du pacifique jusqu'à il y a peu. Un univers bien loin de celui de Khali qui se décrivait plus dans les pâtes à sel et les gommettes colorées que ses élèves exposaient dans sa salle de classe que dans la misère et la noirceur du marché aux trolls.

« Joshua et Willow Mayfair. » Akshay plissa légèrement ses yeux, comme si ça lui rappelait quelque chose. Quelque chose qui était depuis trop longtemps enfoui dans ses pensées, quelque chose qui n'avait, jusqu'alors, aucune importance pour lui, pour ses propres desseins. Pour ce fait, il n'arrivait pas à se rappeler de quoi. Du moins, pas tant qu'elle ne lui donne plus d'informations, ce qu'elle fit quelques secondes après. « Elle n'arrêtait pas de m'appeler Saint-James, palera. Je ne sais rien de tout ça Singh, je ne sais même pas ce que c'est. Mes parents sont morts quand j'étais petite. Ils étaient commerçants. Ils sont morts dans un accident de portoloin. Tout ce que je sais c'est ce dont m'a parlé mon grand père. C'est tout. Je ne suis qu'une maîtresse d'école. » Akshay se passa une main sur les lèvres. Saint-James. Rien que ce nom-là, lui fit froid dans le dos. Elle pouvait le voir d'ailleurs. Dans ses yeux, nul présence de folie, pas de Singh, rien. Il y avait seulement Akshay, et la peur qu'avait éveillé le nom de Saint-James. Le mot palera en rajouta une couche, signifiant alors qu'elle était liée au Vaudoo. L'indien ne dit rien, du moins pas tout de suite. C'était une nouvelle pour le moins déroutante, et Singh ne s'empêcha pas de lui demander si ses sentiments restaient les mêmes pour la jolie noire aux yeux mordorés. Mais Akshay s'en fichait bien, son cœur battait pour elle, même si pour cela, il passait pour le dernier des fous aux yeux de la belle maîtresse d'école.

Finalement, il se leva, servant un verre d'eau à Khali, avant de s'asseoir à côté d'elle, sur le lit. Akshay laissa la distance de sécurité pour laquelle Khali avait tant insisté à cause de ce qu'il avait fait, et du fait qu'elle ne soit pas trop tranquille à ses côtés. D'ailleurs, se rappela-t-il, elle s'était blottie contre lui sur le marché aux trolls après le sauvetage qu'il avait du faire, alors qu'elle était entre les mains d'une folle furieuse. Akshay la regarda par en dessous, toujours sérieux, mais avec une expression protectrice, comme si tout son corps voulait qu'elle comprenne qu'il ne lui ferait jamais le moindre mal, et qu'il serait son chevalier. Fou, certes, mais chevalier tout de même. « Tu n'as rien de tout ça, Khali... Tu n'as pas cette noirceur qu'ont les obeah, les palera, les ce-que-tu-veux, dans tes yeux. Tu brilles comme jamais. » Joshua Saint-James. Akshay eut un petit frisson, mais ne s'étendit pas dessus, pas maintenant. Il ne devait pas lui montrer plus ce qu'il ne ressentait déjà à l'éveil de tout cela. Le Vaudoo était une magie sombre, capricieuse, violente, et qui demandait toujours un tribu. Puis... Les Saint-James n'étaient pas réputés pour être des tendres. Ils étaient violents, sanglants, et se fichaient bien des mœurs des gens, se bâtissant une fortune, un empire sans se soucier de la douleur laissée sur leur passage. « Ton grand-père... Mayfair... C'est qui ? Linius ? » Un brin de curiosité dans le regard, il lui fit un petit sourire.

Elle prit le verre d'eau qu'il lui tendait. Il lui semblait qu'elle n'avait jamais été aussi fatiguée de sa vie. Près d'elle, mais pas trop, Singh était attentionné et rassurant. Elle ne s'était jamais rendu compte à quel point il pouvait être prévenant ou du moins, jusque là, toutes ses attentions l'avaient horripilée et c'était seulement maintenant qu'elle commençait à les apprécier.

« Tu n'as rien de tout ça, Khali... Tu n'as pas cette noirceur qu'ont les obeah, les palera, les ce-que-tu-veux, dans tes yeux. Tu brilles comme jamais. »
« Merci Singh. », elle baissa les yeux, jouant des doigts sur le bord de son verre d'eau, « Je suis désolée de t'avoir empoisonné. Je me suis laisser happer par ce dîner et... la conversation. Quand tu m'as embrassée ce n'était plus ce que j'avais en tête. Ça me serait probablement revenu, plus tard, je ne veux pas te mentir, mais je ne voulais pas profiter de ta crédulité à ce moment-là. Je pensais que ça se passerait ... pas comme ça. »

Finalement elle reposa ses yeux mordorés sur lui, sombre mais sincèrement désolée.

« Ton grand-père... Mayfair... C'est qui ? Linius ? »

Elle l'interrogea du regard, surprise et inquiète à la fois :

« Comment tu le sais ? »

Il lui semblait que le monde entier lui échappait à commencer par sa vie. Qu'allait-elle encore apprendre cette fois-ci ?

« Je suis désolée de t'avoir empoisonné. Je me suis laisser happer par ce dîner et... la conversation. Quand tu m'as embrassée ce n'était plus ce que j'avais en tête. Ça me serait probablement revenu, plus tard, je ne veux pas te mentir, mais je ne voulais pas profiter de ta crédulité à ce moment-là. Je pensais que ça se passerait ... pas comme ça. » Akshay fut touché. Il ne dit rien, ne répondit rien, hochant juste brièvement de la tête, comme pour lui faire comprendre qu'il avait entendu ce qu'elle avait à lui dire, mais que, surtout, il comprenait ce qu'elle ressentait, et qu'il aurait probablement fait pareil, voir pire. Singh hurlait, il n'en pouvait plus, il ne savait plus quoi faire pour lui faire comprendre, à Akshay, qu'il lui fallait se réveiller, car elle ne serait jamais sienne. Mais Akshay s'en fichait. Il y croyait. Il était résolu là-dedans. Elle serait à lui, il brillerait pour elle, et lui aussi connaître son zénith, son minuit dans le ciel de Khali, pour qu'enfin, ils finissent leur vie l'un avec l'autre. C'était stupide, c'était insensé. Akshay était un demeuré, Akshay était un rêveur. Singh était terre-à-terre, et là, il ne savait plus quoi faire. Il avait même cessé de lui parler, le regardant faire avec mépris, espérant alors qu'il se vautrerait la gueule par terre avec la ferme intention qu'il ne l'aiderait probablement pas cette-fois là.

« Ton grand-père... Mayfair... C'est qui ? Linius ? » Un brin de curiosité dans le regard, il lui fit un petit sourire. « Comment tu le sais ? »

Akshay eut un sourire un peu plus présent sur son visage basané. Il n'était guère moqueur, non. Il était juste impressionné de la voir si ignorante. Le fait qu'il est visé juste était un pur coup du hasard, car il s'agissait du seul Mayfair qu'il connaissait, mais cela ne faisait qu'étaler son sourire sur son visage. « Je ne le savais pas. C'est le seul Mayfair que je connaissais jusqu'alors. »

Il lui fait un sourire, puis s'assoit enfin, se passant une main sur le visage. Il retira son pull, laissant de nouveau paraître un débardeur noir. Akshay ne laissa pas plus de temps au silence pour s'installer entre eux. « Linius Mayfair est à la tête d'une organisation criminelle appelée La Galerie. On a eut énormément de soucis avec eux, du temps de Mace. » Son visage était redevenu sérieux. Il rajouta : « Je pense que si tu veux des réponses, il faudrait aller voir par-là. Je serais ravi de t'y aider, Khali. mais pour le moment, je pense que tu devrais dormir un peu, car tu as vécu de drôle de choses. »

Akshay se leva, allant préparer le lit pour elle. Il tapota le drap de sa baguette, et aussitôt, les draps se retirèrent du lit pour aller former une boule de linge informe à l'autre bout de la pièce. Il la pointa ensuite sur l'armoire, qui s'ouvrit aussitôt, pour ensuite la diriger de nouveau vers le lit. Des draps jaillirent de l'armoire pour aller s'installer sur le lit, laissant alors paraître un lit particulièrement bien fait. Puis, il l'appela : « C'est bon, le lit est prêt. » Il la laissa entrer, puis il se dirigea vers la porte, comme pour la regarder se coucher, avant de la quitter dans les bras de Morphée. Après ce qu'elle venait de vivre, elle avait bien le droit à un peu de repos. Il baissa le regard vers le sol, sachant pertinemment qu'il devrait lui rendre sa liberté, et vite. Ca lui brisait le coeur, mais s'il devait le faire pour qu'elle aille bien, qu'elle revive correctement, et qu'il puisse espérer qu'un jour, elle lui donne cette chance, c'était la seule chose qu'il lui restait à faire. Puis... Elle n'avait rien dit à son baiser, et elle... Et même si elle avait avoué avoir fait ça dans le but de pouvoir le fuir, elle reconnaissait le fait qu'elle l'ait oublié ce détail au fur et à mesure que la conversation s'était déroulée.

Pour elle, cela ne signifiait pas grand chose.

Mais pour Akshay, c'était énorme.

Khali n'avait aucune envie d'entendre ce qu'Akshay était en train de lui expliquer. Le fait qu'il ait trouvé de lui même le prénom de son grand-père aurait dû lui mettre la puce à l'oreille mais, la fatigue aidant, elle n'avait pas réagi. Elle l'avait laissé déroulé son fil sans l'arrêter, sans lui dire qu'elle ne voulait rien savoir de tout ça. Que c'en était trop pour elle. Trop pour une seule journée.

« Linius Mayfair est à la tête d'une organisation criminelle appelée La Galerie. On a eut énormément de soucis avec eux, du temps de Mace. Je pense que si tu veux des réponses, il faudrait aller voir par-là. Je serais ravi de t'y aider, Khali. mais pour le moment, je pense que tu devrais dormir un peu, car tu as vécu de drôle de choses. », conclut-il en lui faisant le lit.

Elle s'effaça pour le laisser faire sans rien dire du tout. Ses yeux, fixés dans le vide, suivaient la scène sans trop y être. Quand il eut fini, elle se glissa dans le lit sans oser lui demander de rester. Après tout elle n'avait plus l'âge et vu leurs antécédents, ç'aurait été plus que déplacé.

« C'est peut-être un autre Linius Mayfair... », souffla-t-elle pour se consoler.

Quand il referma la porte, elle se retrouva dans le noir, toujours pas dans son lit, toujours pas dans son chez elle où elle s'imaginait s'endormir tranquille. Elle s'endormit malgré tout assez rapidement voire tranquillement. Ce n'est qu'après que ses rêves la ramenèrent à ses angoisses des jours passés. Très vite, la jeune femme commença à s'agiter dans son lit puis à se débattre.

Elle écartait d'elle les mains griffues de la folle qui cherchait encore à lui arracher les yeux en lui hurlant des insultes et des menaces. Son coeur battait si fort dans sa poitrine qu'il aurait pu s'en arracher. Un cri s'échappa de la bouche de Khali. Elle se redressa, trouvant les bras de Singh pour l'entourer. Elle ne posa aucune question. Les larmes lui baignaient le visage. Elle tremblait. Elle cherchait le contact de Singh sans vraiment l'oser.

« Me laisse pas s'il te plait Singh ... »

Ses yeux mordorés se fixèrent sur le visage de l'homme, espérant qu'il ne demanderait pas quelque chose de plus en échange...