I'm A Fool to Want You

Ses mains tremblaient en passant le rouge sur ses lèvres. Khali releva le menton pour se donner du courage avant de se regarder dans le miroir. Une jeune femme vêtue d'une robe-chemisier noire plutôt sexy la regarder. Elle resserra un brin les pans de la robe pour diminuer l'échancrure du décolleté. Il ne fallait pas qu'elle en fasse trop, après deux semaines passées à lui refuser un malheureux dîner, il allait déjà se méfier en voyant qu'une table toute dressée l'attendait.

C'était le seul moyen qu'elle avait trouvé. Nerveuse, la jeune femme passa la main dans ses cheveux noirs, feignant de chercher à leur donner du volume. Depuis deux semaines, il n'avait cessé d'essayer de la convaincre qu'il y avait du bon en lui, qu'il ne demandait qu'une main tendue et un peu d'amour. Son plaidoyer tombait systématiquement dans l'oreille d'un sourd et pour cause, ce n'était pas en enlevant les gens sur leur lieu de travail qu'on s'attirait leur sympathie et encore moins leur amour. C'était pourtant ce qu'il recherchait semblait-il et ce soir, Khali était bien déterminée à le lui donner.

Elle avait mûri son plan les cinq derniers jours pendant ses absences. Elle ne savait pas ce qu'il faisait ni où il allait. Pour tout dire, elle ne savait pratiquement rien de lui sinon qu'il était sujet à d'inquiétante sautes d'humeur et qu'il n'était de toute évidence par très stable psychologiquement. Il lui avait bien dit et redit qu'il ne toucherait jamais un cheveu de sa tête et c'était bien la seule chose qu'elle était disposer à croire jusqu'ici. Simplement, elle ne voulait pas attendre de voir jusqu'à quand cela durerait. Elle ne pouvait pas prendre le risque qu'il ne change d'avis un matin où il se serait levé du mauvais pied et qu'il ne décide tout à coup elle serait plus belle en descente de lit qu'en animal de compagnie. Elle avait d'ailleurs pris énormément sur elle pour dissimuler la peur qu'il lui inspirer et ainsi ménager ses coups de sang.

Avant d'en arriver à l'extrémité à laquelle elle en était réduite ce soir, elle avait essayé de plaider sa cause en espérant qu'un brin de raison demeure dans l'esprit tordu de son ravisseur. Puis elle avait essayé, en vain, d'attirer l'attention des voisins. N'importe qui aurait fait l'affaire. Elle ne savait pas où elle se trouvait exactement - le marché aux trolls avait-il dit - mais elle savait que l'appartement se trouvait dans une rue très passante à en juger par ce qu'elle pouvait entrapercevoir par l'embrasure de la porte lorsqu'il sortait. Bien sûr, elle ne pouvait pas se fier à ça à 100% car il aurait très bien pu s'agir d'une porte magique dont les destination aurait pu être multiples.

Justement la porte grinça. Khali se lava les mains et apparut dans le couloir timidement. Dans sa robe chemisier, ses formes ne semblaient pas chercher à se cacher bien qu'on ne vit rien de plus que le croisé du tissu qui dissimuler sa poitrine à sa naissance pour ne laissait admirer que la courbe de sa nuque et de ses épaules. Ses jambes étaient couvertes jusqu'au dessus du genou, longilignes et finement musclées. Le seul défaut de sa tenue était peut-être qu'elle ne portait pas de chaussures (il n'y avait pas de talons hauts dans les affaires que son ravisseur avait ramené de chez elle). Mais elle avait de si jolis pieds qu'on pouvait lui pardonner aisément.

Comme tous les soirs - et comme prévu - il avait ramené quelque chose pour le dîner. Khali baissa le regard, ne cachant rien de son malaise contrairement à ce qu'elle avait pris l'habitude d'essayer de faire ces derniers jours :

« J'ai mis la table. », annonça-t-elle d'une voix un peu hésitante avec tout le courage qu'elle arrivait à puiser en elle.

Effectivement elle avait mis la table. Dressé deux couverts et posé un drap propre en guise de nappe, un chandelier pour le romantisme et quelques pierres précieuses qu'elle avait trouvé négligemment abandonnée sur son chevet en guise de chemin de table.

« J'ai ...hum... réfléchi à propos du dîner. J'ai changé d'avis. Je suis d'accord. »

Elle avait toujours autant de mal à lui parler (peut-être parce que la plupart du temps elle s'abstenait) mais il faudrait qu'avant la fin du repas elle arrive à prendre ses marques et de l'assurance. C'était essentiel pour le bon déroulement de son plan.

Comme tous les soirs depuis quelques jours maintenant, Akshay ramenait toujours à manger pour deux. Personne ne savait qu'elle était là, et il ne comptait pas que cela se sache. Le Marché aux Trolls étaient un droit beaucoup trop sombre, beaucoup trop mal fréquenté pour laisser une âme innocente se baladait en son sein sans qu'elle ne sache réellement où elle se trouvait. Akshay était très protecteur envers elle, essayant de la protéger de tout, même de lui. Elle voulait partir, mais il ne pouvait pas la laisser partir, pour la simple et bonne raison, qu'il n'y arrivait pas. Il y avait pensé, mais Singh s'était moqué de lui, lui rappelant alors pourquoi il en était là, dans cette relation qui n'arriverait maintenant jamais. Singh lui avait même dit de la laisser partir, de la jeter dans un caniveau, et de continuer sa vie sans elle, car elle ne ferait rien de bien pour lui. Comme si elle pouvait le sauver. Il ne cessait de rire dans sa tête, tandis qu'Akshay parvenait à contrôler plus facilement certaines de ses pulsions, jusqu'à avoir des discussions sans effrayer Khali. Des discussions très courtes à chaque fois, étant donné qu'elle n'aimait pas trop être en sa présence, mais pour Akshay, ces petits moments lui donnaient envie de continuer, de persévérer. Un jour, elle le verrait comme il était vraiment, et elle sera ravie de pouvoir enfin se rendre compte de l'homme qu'il était vraiment.

« J'ai mis la table. » Lui dit-elle, l'air hésitante, alors qu'il posait son regard sur elle. Elle a fait quelque chose. Non, pourquoi ? Elle ne faisait qu'accepter ce qui lui demandait depuis plusieurs jours. Elle ne te veut pas, elle se joue de toi, et tu ne le vois même pas. Non. Akshay sourit faiblement, posant la nourriture sur la table, tandis qu'elle lui montrait la table. Son sourire s'intensifia doucement. Il se dirigea vers l'armoire pour changer de tee-shirt, avant de revenir vers la table. Il se lava les mains, et elle lui dit : « J'ai ...hum... réfléchi à propos du dîner. J'ai changé d'avis. Je suis d'accord. » Akshay leva son regard noir vers elle, et elle put y lire une profonde joie s'y dessinait. Il s'assit alors, allumant les bougies d'un geste de la main. Qu'est-ce qu'il allait bien pouvoir dire, maintenant qu'il l'avait son dîner ? Il semblait troubler, comme si elle venait de lui dire qu'elle l'aimait. Tu es pathétique. Elle est là, elle se refuse à toi pendant quinze jours, et toi, tu te laisses mener par le bout du nez, juste parce que soudainement, elle a changé d'avis ? Laisse-moi tranquille. C'est une femme, tu sais comment elles sont, hein ? Elle n'est pas mauvaise, arrête ça tout de suite, et laisse-moi profiter de ce moment. Il sortit les lunchbox des sacs. Il ne s'était pas attendu à ce que finalement, elle ne change d'avis. Sinon, il aurait essayé de prendre quelques choses de plus... approprié.

« Hum... J'ai pris chinois. Si j'avais su ça, j'aurais pris quelque chose de plus approprié. » Akshay sourit doucement, il voulait quelque chose de vrai avec elle, il voulait vraiment qu'elle trouve la force de lui pardonner, de lui donner sa chance, mais il ne savait plus quoi faire. Il n'osait plus lui dire quelque chose de peur de mal lui dire les choses. « Tu es très belle, Khali, mais je te préfère au naturel. » Il esquissa un sourire, sans se rendre compte qu'il aurait peut-être mieux valu ne pas dire la fin de sa phrase. Pauvre débile, hahahahahahaha ! Akshay se sentit rougir malgré lui, avant de regarder ses habits, et de se dire qu'il devrait peut-être faire un effort. Il lui demanda alors : « Tu veux que j'aille me changer ? Je suis pas... En faites, je... Peut-être que tu voudrais que ... ? » Il rougit de plus en plus, ne sentant pas très bien tout d'un coup. Il aurait pu faire un effort, il aurait probablement pas d'autres chances, et il était simplement revêtu d'un tee-shirt blanc. T'es le pire demeuré sur terre, Akshay, je te jure, j'ai jamais vu un mec tout raté comme ça. Il baissa le regard, l'air abattu.

Rouler son ravisseur dans la farine ne serait pas si facile tout compte fait. Mais ça n'était pas pour les raisons qu'on aurait pu croire. En effet, il n'avait absolument pas l'air de soupçonner quoi que ce soit et Khali aurait dû s'en sentir soulagée. Merlin savait ce qu'il pourrait décider de faire s'il la perçait à jour. Mieux valait ne pas y penser... Non il ne se doutait de rien et tout au contraire, quand il la vit qui l'attendait dans le couloir, son regard s'illumina comme si rien au monde ne pouvait lui faire plus plaisir. Khali en eut le coeur brisé pendant une seconde, elle voulut même renoncer mais non. Elle ne pouvait pas décemment rester ici pour le restant de ses jours pour ne pas faire de la peine à un type qui n'avait eu aucun scrupule à l'enlever et à la séquestrer. Ce n'était pas raisonnable. C'était tout sauf raisonnable.

Il fallait faire taire son bon coeur de maîtresse d'école - même s'il savait reconnaître mieux que personne une expression sincère d'un air emprunté - et ne pas regarder aux dommages collatéraux. Cet homme avait besoin d'un psy pas d'une nounou.

« Hum... J'ai pris chinois. Si j'avais su ça, j'aurais pris quelque chose de plus approprié. »
« Non, non c'est très bien. J'adore manger chinois. », s'empressa-t-elle de dire pour essayer de le mettre à l'aise. Cela dit elle ne mentait pas, elle aimait bien la cuisine asiatique même si ça n'était pas très original compte tenu du nombre de personnes qui partageaient cet avis.

Le pire dans tout ça qu'il semblait encore plus ml à l'aise qu'elle. Pour un peu il se serait excusé de n'avoir pas prévu le coup - tant mieux d'ailleurs - et serait retourné chercher quelque chose. Il était exactement l'homme adorable qui était venu lui demander des renseignements à l'école des petits sorciers...

Ah non! suffit, tu ne vas pas reculer maintenant. Au pire tu n'as qu'à pas le regarder... voilà qu'il sourit maintenant...

A cet instant Khali avait exactement l'impression d'être l'abominable parent responsable qui noie les petits chatons à la naissance soit disant parce que "c'est mieux comme ça". A la différence qu'elle n'allait noyer personne et que l'homme qu'elle avait devant elle n'était pas un inoffensif chaton... Elle, elle allait juste planter un couteau dans le dos à un pauvre type qui avait probablement tellement de problèmes dans sa vie qu'il en était réduit à enlever des maîtresses d'école et à quémander leur aider.

Non mais ça va pas mieux ma pauvre Khali. Tu vas pas te mettre à culpabiliser en plus de ça. C'est pas toi qui l'a enlevé que je sache!!! Du nerf par la barbe de Merlin !

« Tu es très belle, Khali, mais je te préfère au naturel. »

Avait-il grillé pour le rouge à lèvres ?

« C'est que... j'avais rien d'autres dans les affaires que tu m'as ramené pour un dîner... mais - je veux dire - tu m'as ramené tout ce dont j'avais besoin. J'voulais pas dire que... », rajouta-t-elle en quatrième vitesse histoire qu'il ne le prenne pas comme une critique.

Ne jamais énerver celui qui a la baguette. Même quand il sain d'esprit. Ce qui n'est pas le cas ici.

« Tu veux que j'aille me changer ? Je suis pas... En faites, je... Peut-être que tu voudrais que ... ? »
« Non non. Tu es - très bien comme ça. Et puis, il vaut mieux manger chaud non ? »

N'en fais pas trop, il va finir par se douter de quelque chose.

Mieux valait aller se mettre à table pour achever de le convaincre. Khali tira et s'assit bien sagement, posant la serviette sur ses genoux. Elle le laissa sortir les lunch boxes et servir, se contentant de remplir leurs verres d'eau (elle n'avait rien trouvé d'autre dans l'appartement).

Après un long silence gêné - il fallait dire que leur dîner n'était pas non plus ce qu'on faisait de plus spontané, l'un et l'autre étant aussi à l'aise que s'ils avaient été assis sur un tapis de fakir.

« Peut-être que tu pourrais me raconter ta journée ... », suggéra Khali plus pour rompre le silence que parce que ça l'intéresser vraiment de savoir.

Pour sa tranquillité d'esprit, elle se disait même qu'elle aurait dû le lancer sur autre chose mais le mal était fait.

« C'est que... j'avais rien d'autres dans les affaires que tu m'as ramené pour un dîner... mais - je veux dire - tu m'as ramené tout ce dont j'avais besoin. J'voulais pas dire que... » Akshay eut un sourire à la fois tendre, et amoureux. Elle n'avait pas besoin de s'excuser de quoique ce soit car il ne l'avait pas prit pour une critique personnelle. Singh était hilare, car visiblement, Akshay n'avait pas saisit ce qu'elle venait de dire, voyant par là, plus une excuse venant de sa part, qu'une critique faites à son encontre à peine voilée. Il ne disait rien, préférant la laisser se mettre à l'aise. Il ne préférait pas la brusquer, surtout en voyant tous les efforts qu'elle semblait faire. Et pour Akshay, il n'y avait rien de plus beau, à cet instant précis. Singh n'en pouvait plus, il riait. Et plus il riait, plus Akshay parvenait à en faire abstraction, n'entendant alors plus rien dans sa tête. Sa simple présence le guérissait de son mal personnel, c'était ce qu'il lui avait dit, et il avait cette étrange impression qu'elle commençait enfin à le voir comme il était réellement. Il était loin de se douter de la ruse et de l'affront qu'elle s'apprêtait à lui faire. Pauvre Akshay.

C'est alors qu'il se mit à rougir, apercevant ses habits hors propos, comme déplacé dans pareil rendez-vous. Lui qui lui avait demandé pendant deux semaines de lui donner une chance, il n'avait pas su la saisir lorsque la situation se présentait enfin. Alors, il lui demanda rapidement : « Tu veux que j'aille me changer ? Je suis pas... En faites, je... Peut-être que tu voudrais que ... ? »
« Non non. Tu es - très bien comme ça. Et puis, il vaut mieux manger chaud non ? » Lui répondit-elle, instantanément. Khali trouva les mots, car Akshay retrouva sa couleur, arborant alors un sourire joyeux. Singh essayait de tirer toutes les sonnettes d'alarmes, elle lui préparait un sale coup. Mais Akshay continuait de ne rien entendre, n'ayant d'attention que la pour la jolie jeune femme qu'il avait en face de lui. Khali finit par s'asseoir devant lui, puis il sortit les lunchbox pour la servir, tandis qu'elle remplissait leur verre d'eau.

Un silence gênant s'installa alors. Akshay ne savait pas trop quoi dire. Il avait pensé à lui demander comment c'était passé sa journée, mais Singh avait tout simplement éclaté de rire. On n'a jamais vu plus con, disait-il, dans sa tête, tu te rends compte tout de même que tu la séquestres ? Tu te rends compte tout de même que la seule chose qu'elle doit faire de ses journées, c'est prier pour que tu crèves et qu'elle puisse prendre cette occasion pour s'enfuir le plus loin possible de toi, de ta sale gueule, et de ta pire façon d'accoster la fille que tu aimes dont tu sais pertinemment que, quoiqu'il arrive, elle n'acceptera jamais l'homme que tu es devenu ? Akshay l'entendit cette fois, et il se mit à rougir, baissant la tête, tout en arrêtant de manger. Ce n'était pas la première fois qu'il se sentait au plus mal devant Khali. Ce qu'il lui avait fait avait peut-être rendu leur relation impossible, mais ce qu'elle avait fait ce soir-là, lui donnait de l'espoir, un espoir qu'un jour, elle lui pardonnerait. Il s'y raccrochait malgré les rires de Singh, qui n'en pouvait plus de voir à quel point il pouvait être naïf, lui faisant alors comprendre pourquoi c'était lui qui dirigeait d'habitude, et qu'il ferait mieux de le laisser continuer. Mais Akshay ne pouvait s'y résigner... Elle avait su le toucher en plein coeur, alors pourquoi abandonner maintenant ? Surtout après l'attention qu'elle venait de lui porter ?

Au final, c'est elle qui brisa le silence, l'arrachant de ses sombres pensées, l'arrachant de Singh. Il releva la tête, souriant de plus belle, ne montrant alors aucun signe de mal aise, si ce n'est celui que l'on à son premier rendez-vous, avec sa potentielle future petite copine. « Peut-être que tu pourrais me raconter ta journée ... » Finalement, il soupira, son sourire s'en allant aussi vite qu'il était venu. Devait-il lui parler de ce qui le rongeait ? Peut-être comprendrait-elle pourquoi il était devenu ainsi ? Peut-être qu'elle allait lui pardonner son geste, qui était tout, sauf chevaleresque ? Akshay posa ses baguettes sur la table. De toute manière, cela faisait bien deux minutes qu'il ne mangeait plus, l'estomac noué par Singh, qui cherchait toujours un moyen de le convaincre, afin de le dissuader d'essayer quelque chose avec elle. « Je... Je cherche un moyen de venger la mort de mon ami. » Akshay était le seul à le penser, d'ailleurs, que sa mort n'était autre qu'un assassinat. D'après certains, même de la Reine, il était mort d'une maladie. Même Singh y croyait. On va dire que la couverture sociale dans le Marché aux Trolls était aussi présente que la nourriture pour tous en Afrique. Pourtant, Singh n'était pas aussi catégorique qu'il ne l'était pour Khali. « Il était tout pour moi. C'est grâce à lui que ma famille, maintenant, vit et dort tranquille. Il est le seul à m'avoir tendu la main, lorsqu'au ministère, on me refusait les places, me faisant passer des concours auquel j'échouais toujours mystérieusement, j'ai... » Il se tut. Akshay sentait des émotions étranges lui venir du plus profond de son âme, et même Singh, semblait ému, n'en disant rien, ne commentant pas.  Akshay baissa le regard, et ajouta : « Grâce à lui, j'ai pu avoir beaucoup d'argents, et très vite. C'est stupide, tu vas penser, mais... Ma famille a toujours été très pauvre, et ça... Porter des vêtements d'occasions quand tu es à Serpentard, c'est pire que tout. Je voulais une vie où je n'aurais plus à me soucier de savoir si mon père et ma mère allaient réussir à nous offrir un véritable repas au moins une fois par mois. »

Il se força à sourire. C'était des souvenirs dont il avait honte. Il n'aimait pas ce par quoi il était passé, et... Au final, il ne s'aimait pas, détestant chaque moment de sa vie, jusqu'à sa rencontre avec Khali. Quand on voyait ce qu'il lui avait fait... « Je suis tombé dans la facilité, tu vas me dire. Mais Mace était bon avec moi, j'étais proche de lui. Je sais qu'au début, je n'étais que son pion, son soldat. Mais les années sont passés, et il a commencé à s'ouvrir à moi. Il avait gardé mon secret, il avait gardé le fait que je ne m'appelais pas réellement Singh.  Il a accepté le fait que je souhaitais conserver ma famille à l'écart de tout ça. » Il attrapa son verre, qu'il porta à ses lèvres. Peut-être qu'en avalant, il pourrait renfermer toutes ses émotions qui lui provoquaient des tremblements au niveau de sa jambe gauche sous la table. « Crois-tu au Karma, Khali ? » Finit-il, par lui demander, en reposant son verre sur la table.

Quand elle posa la question, le sourire de son ravisseur s'effaça. Khali se mordit la lèvre, prête à lui dire qu'il n'était pas obligé de répondre mais elle n'eut pas à le faire.

« Je... Je cherche un moyen de venger la mort de mon ami. »

La métisse posa ses baguettes, relevant le regard vers lui. Si on avait été à l'école des petits sorciers, elle aurait dit que la vengeance ne résolvait jamais rien. Mais dans un monde d'adultes, et a fortiori dans celui dans lequel semblait évoluer son hôte, les règles étaient très différentes.

En faisant cette confession il semblait profondément peiné et cela la toucha malgré elle. Peut-être parce que ça le rendait un peu plus humain d'avoir une attache et d'éprouver des choses qu'elle était capable de comprendre.

Petit à petit, presque prudemment, il s'ouvrit à elle, livrant un petit peu de lui, de ce qu'il était, de ce qu'il faisait. Il montrait finalement le visage d'un homme bien intentionné, presque bienveillant, mais pourri par le contexte dans lequel il évoluait et tout à coup, ces requêtes répétées de se voir offrir la rédemption prenaient un peu plus de sens.

Sans s'en rendre compte, Khali plongea complètement dans le petit récit de "Singh", oubliant jusqu'à ses projets pour ce soir-là l'espace d'un instant. Elle imaginait même des visages sur les personnages de son histoire, la misère dans les yeux d'un petit garçon qui, concrètement, ne pouvait rien faire pour aider sa famille. Tout cela, elle le comprenait et c'était la première fois que ça lui arrivait depuis que "Singh" l'avait ramenée ici.

« Crois-tu au Karma, Khali ? »
« Non je - je sais pas. Parfois j'ai franchement pas l'impression qu'on a que ce qu'on mérite. Je regarde les autres, je me regarde moi... On a beau faire de son mieux pour essayer de bien faire ça n'empêche pas que ... »

Elle baissa le regard sur son assiette. Honnêtement, elle ne méritait pas de se retrouver enfermée ici. Elle exerçait un métier au service des autres. Elle était une bonne copine. Une bonne petite fille avec son grand-père, même si elle le voyait peu souvent. A Noël elle donnait aux œuvres caritatives. Elle ne détournait même pas le regard quand elle voyait un sdf faire la manche sur le trottoir. Qu'est-ce qui justifiait qu'elle se retrouve là du coup ? Rien. C'était le hasard. Un malheureux hasard.

« Alors qu'il y des gens qui vendraient leur mère pour une poignée de gallions qui tirent plutôt bien leur épingle du jeu. Tu trouves qu'il y a une forme de justice là dedans toi ? Non moi je crois pas. Je crois qu'on provoque sa chance ou qu'on la provoque pas c'est tout. Mais parfois il y a... des accidents de parcours. C'est tout. »

Elle releva le regard vers Singh. On ne pouvait pas toujours être gagnant.

« Non je - je sais pas. Parfois j'ai franchement pas l'impression qu'on a que ce qu'on mérite. Je regarde les autres, je me regarde moi... On a beau faire de son mieux pour essayer de bien faire ça n'empêche pas que ... » Akshay sentit une fois de plus la culpabilité l'envahir. Il savait que ce qu'il avait fait n'était pas bien, mais ça avait été plus fort que lui, et voilà qu'elle se disait mal chanceuse. Quelque part, Akshay comprenait. Pourquoi elle, et pas une autre ? Il savait lire entre les lignes malgré son comportement complètement instable, et ses délires dissociatif de sa propre personnalité. Il était malade, il le savait, mais tout était réel pour lui. Il n'arrivait pas à réfréner certains de ses pulsions les plus stupides. Il avait essayé, mais peu importe ce qu'il faisait, jamais rien ne se passait de bien dans sa vie. Il le savait, et c'était pour cela qu'il avait embrassé à pleine bouche cette vie de merde pour être sûr que la bonne étoile de sa famille ne soit plus noircit par lui. C'était à cause de lui tout ce qui était arrivé de sa famille, il en était sûr et c'était ancré au plus profond de son être. Si seulement, il savait... Pour lui, en venant au monde, il avait endetté ses parents, et c'était pour cela que tout allait mal. Il n'avait fait qu'empirer les choses pour son frère et sa soeur, qui, passant derrière lui, devait récupérer ses propres affaires. Quand tout va mal, on a besoin de reporter la faute sur quelqu'un. Et si certains, c'est vers Dieu qu'il se tourne, Akshay, lui, s'est sur lui. Vivre avec ça, chaque jour que Dieu fit, fut un calvaire, et au final, pour éviter qu'il ne pète un câble, il s'était forgé indirectement une autre identité pour se cacher derrière elle. Ce n'était pas Akshay, c'était Singh qui faisait. Au final, la seule chose qu'Akshay avait fait de sa vie, c'était de fuir. Las de se battre contre un système dépourvu de bon sens où seules les origines et le sang comptent, Akshay avait tout laissé tomber. Ceci expliquait très certainement pourquoi il se détestait autant.

« Alors qu'il y des gens qui vendraient leur mère pour une poignée de gallions qui tirent plutôt bien leur épingle du jeu. Tu trouves qu'il y a une forme de justice là dedans toi ? Non moi je crois pas. Je crois qu'on provoque sa chance ou qu'on la provoque pas c'est tout. Mais parfois il y a... des accidents de parcours. C'est tout. » Il baissa son regard, le plongeant dans sa lunchbox. Non, non, dis lui, Akshay, dis lui, ce que nous sommes, ce pourquoi nous sommes nés. Dis lui qu'on a sauvé ta famille, dis lui. Singh se faisait insistant. Il avait peut-être raison. En plus, il avait cessé de vouloir à tout prix la chasser de leur repaire, comme si lui aussi avait besoin d'entendre ce qu'Akshay avouait. Il releva son visage vers Khali, souriant à peine. Un sourire tout aussi fuyant qu'il l'était, un regard résigné, la douleur dessinant ses traits, il posa sa lunchbox. « Il était une fois un jeune garçon qui avait des rêves plein la tête. Chaque soir, lorsqu'il se couchait, son père lui faisait un baiser sur le front, avant de se faire lire une histoire par une mère attentionnée, et aimante. Chaque soir, il attendait ce moment avec impatience, car chaque soir, il rêvait alors d'une vie meilleure, d'une vie avec de la magie, de la vrai magie, celle du cœur. Puis, lorsque sa mère finissait, embrassant le front de son enfant, elle se retirait, éteignant la lumière, laissant la porte ouverte, juste assez pour que son enfant n'est pas peur des vilains monstres qui se cachaient sous son lit ou dans son armoire tant leur apparence faisait peine à voir. la tête dans son oreiller sans forme, il entendait son père réconforter sa mère, de ne pas cesser de prier, que les esprits finiraient par leur rendre un jour. Mais rien ne changeait, tout empirait, car ses parents lui donnèrent une sœur, puis un frère, qui, à leur tour, naquirent dans un foyer où la misère semblait, elle aussi, s'installer. » Il déglutit, Singh écoutait, la mort dans l'âme. Mais Akshay était celui qui savait le mieux parler des deux, il fallait qu'il continue, ça leur faisait du bien. « Cet enfant fut un grand un jour, et il se tourna vers des métiers complexes, des métiers où il pouvait y laisser sa vie, mais on lui donnerait alors beaucoup d'argents pour qu'il aide sa famille. Il n'avait pas la main sur le coeur, non. Il avait honte de la vie qu'il avait mené jusque là, honte de voir ses parents compter chaque noise à chaque dépense, voyant alors leurs rêves toujours un peu plus repoussé, pour au final ne jamais aboutir. Alors cet enfant décida de forcer la chance, et passa énormément de concours, ou d'entretiens. Forcer la chance mal habillé, car pas d'argents, ne servait à rien, sinon à le bercer, lui aussi, de rêves irréalisable. Il ne baissa pas pour autant les bras. Sa mère lui avait promis un avenir meilleur, elle lui avait promis qu'un jour, il aurait suffisamment d'argents pour avoir une femme, pour avoir sa propre famille, qu'ils étaient venus ici pour ça. Il fit la plonge dans des restaurants minables, il fit le gardien dans des endroits où la peur lui étreignait l'estomac au point de lui en couper la fin, il nettoyait les volières des postes du pays, mais jamais il faisait ce qu'il voulait. »

Akshay avait baissé le regard, sentant ses yeux s'embuaient de larmes qu'il connaissait bien. Singh ne disait toujours rien. C'était comme si, en parlant, en racontant tout ce qu'il avait sur le coeur, ce qu'il n'avait alors jamais jusque là, était le remède à tous ses maux. Akshay attrapa son verre, avant une bonne moitié d'eau, avant de le reposer, relevant alors son regard. « Humilié, cet enfant devenu grand, perdit tout espoir et se retrouva à errer dans les limbes de Yama. C'est là qu'il tomba sur le diable, qui lui proposa alors de travailler pour lui. Désespéré, il écouta le Diable, qui lui chuchotait de douce paroles réconfortantes à l'oreille, lui empoisonnant l'âme sans qu'il ne s'en rende compte. C'est à ce moment là que cet enfant devint un vilain. D'abords de petites actions anodines, le vilain devint rapidement un enfant du diable. La seule chose qui le différenciait des autres de son nouveau monde, était le fait qu'il n'avait jamais tué. Cet acte l'effrayait. Mais le Diable le paya bien, et comme il le lui avait promis, sa famille commença tout doucement à remonter la pente grâce à l'argent que le vilain gagnait. Un argent sale, dont ses parents ne savaient pas vraiment d'où il venait, mais dans leur cupidité, et leur besoin d'argents, ils n'en dirent rien, le prenant alors. Le Diable finit par devenir son ami. Puis vint Yami, sa sœur jumelle. Tout changea à nouveau, rapidement le Diable trouva la mort dans une maladie douteuse, et Yami devint alors Yamuna, reine des Enfers. Elle ne fit rien, si ce n'est se rire de la mémoire du Diable, maintenant qu'elle dirigeait. Mais le vilain, lui, il avait besoin de sortir des limbes, il avait besoin de voir la lumière... Alors, il décida de prendre les choses en main, et de se venger de la vie. Maintenant, c'était à lui d'avoir son happy ending. »

Akshay se tut. Singh lui murmura quelque chose de doux, et une larme coula le long de sa joue. Il en avait assez. Il repoussa sa lunchbox, et se leva, comme s'il allait craquer. « Mais ce vilain... IL A TOUT NIQUE ! IL A VOLE LA LUMIERE ! » Il saisit sa chaise, comme s'il allait la lancer de toutes ses forces, avant de la reposer en regardant Khali. Il inspira profondément, avant de se reculer, et d'aller près du lavabo. Akshay retira son haut, pour se mouiller le visage sans avoir à faire attention à ne pas mouiller ses vêtements, avant de regarder son propre reflet dans la glace. Singh croisa alors son regard, secouant la tête. Akshay sentit ses nerfs éclataient, et il envoya son poing dans le miroir qui se brisa en mille morceau (Heureusement, la magie existe, parce que vu le nombre de fois qu'il a été brisé celui-là). Posant ses mains sur le lavabo qu'il serra jusqu'à ce que ses jointures devinrent blanche, il se retourna, vers Khali, qui pouvait alors voir un tatouage sur sa poitrine. Une espèce de tête de lion fait en tribal ornée sa poitrine basanée. « Le vilain... Je t'ai volé, Khali. Je t'ai volé car j'avais peur de ne plus avoir d'autres occasions de voir la lumière... Je suis désolé. » Arrête de t'excuser, Akshay. Elle s'en fou de tes excuses.

Khali écouta patiemment l'allégorie du petit garçon et du vilain sans rien dire du tout et, même si cela ne changeait rien à leur situation, elle avait de la peine pour celui qui racontait cette histoire. De toute évidence, elle était bien trop douloureuse pour être simplement relatée de façon rationnelle. Il fallait que d'autres personnages en endosse le poids pour ne plus laisser au narrateur que les larmes à verser.

C'était un mécanisme de défense que Khali pouvait comprendre. Un mécanisme d'enfant. A ceci près que Singh n'était plus un enfant et que sa façon de raconter l'histoire laissait sentir qu'il perdrait à nouveau pied avant la fin de ce semblant de dîner. Et comme elle s'y était attendu, à la fin de l'histoire, il explosa :

« Mais ce vilain... IL A TOUT NIQUE ! IL A VOLE LA LUMIERE ! »

Khali serra ses doigts sur le rebord de sa chaise, rentrant la tête dans les épaules. La chaise allait voler et tout foutre en l'air sur son passage... puis finalement non. La jeune femme rouvrit les yeux, hésitante. Leur regard se croisèrent. Elle déglutit puis finalement, Singh lui tourna le dos, retirant son t-shirt pour aller se passer de l'eau sur le visage.

L'instant de lucidité était passé, mieux valait le laisser. En deux semaines, Khali avait au moins appris cela. Ne jamais aller chercher le lion lorsqu'il était acculé par ses démons. Elle attendit donc un peu avant de se lever puis, quand elle eut l'impression qu'il n'y avait plus trop de danger, elle se leva pour aller prendre de la gaze et une fiole dans l'immense pharmacie que Singh tenait sans se demander un instant s'il se demanderait comment elle avait su qu'elle trouverait tout ça là dedans, d'autant qu'elle n'avait pas l'air de chercher.

« Le vilain... Je t'ai volé, Khali. Je t'ai volé car j'avais peur de ne plus avoir d'autres occasions de voir la lumière... Je suis désolé. »

Elle posa la main sur son poing qui pissait le sang, doucement, comme elle l'aurait fait avec un des gamins de sa classe, un peu trop énervé pour pouvoir écouter correctement. Après une longue hésitation, elle le va les yeux sur lui, une fraction de seconde, avant de reporter son attention sur sa blessure. C'était plutôt vilain au demeurant. Elle déboucha la petite bouteille de cordial et tamponna doucement les articulations meurtries :

« Peut-être que quelqu'un aurait dû dire au petit garçon que rien de tout ça n'était de sa faute dès le départ... »

Elle s'était levée comme si elle avait toujours été chez elle, se dirigeant directement vers la petite pharmacie dont il disposait dans sa chambre. Khali s'était approchée de lui, sans éprouver le moindre sentiment de peur, avec, dans les mains, de quoi lui désinfecter la main. Akshay en pouvait plus, il avait envie de pleurer. Il voulait s'en sortir, mais c'était dur de combattre constamment ses vieux démons. Voir Singh, dans son miroir, l'avait rendu ivre de rage, haineux. Il en était arrivé à un point où il ne supportait même pas son propre reflet, tant il se dégoutait lui-même.

Akshay lui dit alors qu'il avait tout brisé entre eux, avant même que cela ne commence, qu'il en était désolé. Il n'avait qu'une envie, c'était de trouver le bouton reboot, et d'appuyer dessus. Mais s'il avait trouvé un tel bouton, il aurait très certainement reboot l'intégralité de sa vie. Il avait déjà pensé au voyage dans le temps, pour améliorer les choses, mais la peur de se voir confronter à ses parents, à se revoir tout petit l'avait très vite dissuader de trouver un retourneur de temps. De toute manière, les bruits couraient comme quoi le Ministère de la Magie les avait tous brisé.

Elle déboucha la bouteille de cordiale, tapotant le tissus avec, pour ensuite lui nettoyer délicatement la main, comme si elle l'avait fait avec un de ses élèves. Akshay la regarda alors différemment. C'était la première fois qu'elle et lui se retrouvait si proche l'un de l'autre. Elle n'avait plus peur de lui, et quelque part, ça lui fit du bien de s'en rendre compte à cet instant-là, tout particulièrement. Elle avait comprit qu'il n'était pas méchant, qu'il ne lui voudrait aucun mal, qu'il ferait tout pour la préserver du mal de ce monde, quand bien même il devait en payer le prix fort. A ses yeux, elle n'était plus que la seule chose qui comptait pour lui. Ses parents, sa famille, comptaient pour lui, bien entendu. Mais pour eux, il était mort. Alors que pour elle... Akshay sentit une larme coulait le long de sa joue, observant ses fines mains s'activaient autour de ses coupures.

« Peut-être que quelqu'un aurait dû dire au petit garçon que rien de tout ça n'était de sa faute dès le départ... » Akshay sentit un poids se lever de son cœur. Elle avait tout comprit. Elle... Il eut un sourire ému, baissant son regard encore plus bas. Elle était si gentille avec lui, si belle, si... Elle était parfaite. C'était donc ça, être quelqu'un de bien ? N'avoir rien à se reprocher et mener sa petite vie tranquille sans rien demander à personne, ne suivant que le cours de sa propre vie ? Elle venait de le convaincre de persévérer. Et il le ferait. Il irait au bout cette fois, quoique ça lui coûte.

Akshay releva doucement son regard, croisant alors le sien. Il n'y avait plus rien autour d'Akshay, c'était comme si tout avait été étudié pour que ce moment-là arrive. Il avait doucement levé sa main vers la joue de Khali, qu'il effleura du bout des doigts, avant de se mordre doucement la lèvre. Ses caresses étaient douces, délicates, presque sensuelles. Elle était si importante à ses yeux, et... Et si c'était LE moment du baiser ? Devait-il se lancer ? Devait-il prendre les devants malgré ses antécédents auprès de la belle jeune femme ? Akshay déglutit péniblement, tandis qu'il caressait les traits de sa mâchoire, posant son regard sur sa peau foncée. Même dans ses traits de visage, elle semblait parfaite, lumineuse. Il releva son regard vers le sien, plongeant ses yeux noirs tintés de folies, d'amour et de passions dans ses yeux mordorés, puis, il avança timidement sa tête avant de fermer les yeux pour déposer ses lèvres sur les siennes.

Ce moment ne dura pas très longtemps, mais pour Akshay, ce fut suffisant. Son cœur battait à tout rompre, et lorsqu'il rouvrit ses yeux, on y lisait une quiétude intérieure toute particulière. Ça lui allait plutôt bien, enfin de compte. Il eut un sourire, mais lorsqu'il voulut s'excuser d'avoir été si prévenant, il sentit ses lèvres s'alourdir à vitesse grand V. Puis ses bras, ses jambes, sa tête, et enfin ses paupières. Il la regarda alors, comprenant rapidement qu'elle l'avait piégé. Il sourit, aucune animosité sur son visage, comme s'il lui pardonnait déjà d'avoir fait ça. Singh voulut dire quelque chose, mais déjà, Akshay partait tête la première vers le sol, inconscient.

Khali n'avait jamais été quelqu'un de malhonnête. Quand elle soignait la main de son ravisseur ce n'était ni parce qu'elle cherchait à se le mettre dans la poche pour endormir sa méfiance, ni parce qu'elle souffrait de Merlin savait quel traumatisme qui la poussait à s'attacher à son ravisseur. Si elle le faisait c'était parce qu'au plus profond d'elle-même, elle était une maîtresse d'école et que c'était son job de mettre du rouge sur les petits bobos. De même, quand elle essayait de lui faire comprendre qu'il pouvait envisager les choses autrement, c'était parce que c'était son job de donner un exemple à suivre, d'expliquer les choses et de recadrer quand on s'écartait trop du droit chemin. Et, comme elle faisait son job le plus sincèrement du monde, oui, à un moment elle se laissa happer par l'instant présent et oublia le contexte. Le pourquoi de ce dîner. Le pourquoi de sa présence en ces lieux.

Lui aussi perdait de vue la réalité. Était-ce la raison pour laquelle il posait ses doigts délicatement sur sa joue ? Non. Khali se rendait bien compte de ce qu'il était en train de faire et sans savoir pourquoi, elle ne fit rien pour l'en empêcher. Elle se contenta de garder ses yeux mordorés fixés sur Singh qui se penchait sur ses lèvres. Ses lèvres. Le rouge. La pharmacie. Trop tard. Khali eut un sursaut en réalisant que malgré elle, elle menait à bien son plan initial. Elle voulut le prévenir, pour qu'il ne pense pas qu'elle le prenait en traître mais tout ce qu'elle put faire ce fut le rattraper pour éviter qu'il ne se fracasse sur le plancher. Elle eut l'impression qu'il lui souriait, peut-être parce qu'elle se sentait coupable que ce se soit passer comme ça. A un moment où elle ne cherchait rien d'autre qu'à l'aider un peu finalement.

Réactive, elle traîna l'homme tant bien que mal jusqu'à sa chambre et le hissa sur le lit. Elle lui retirait ses chaussures et le couvrait comme pour se faire pardonner du coup bas qu'elle venait malgré elle de lui jouer mais ça n'était pas le moment de culpabiliser. Elle n'avait aucune idée du temps qu'il faudrait pour que les effets du poison s'estompent et quoiqu'il en soit, quand ça arriverait il faudrait qu'elle soit loin d'ici. Chez elle qui sait. Rapidement elle griffonna un mot d'excuse dans lequel elle lui disait que tout avait été sincère sauf peut-être l'invitation à dîner et qu'il n'avait pas à s'enfermer dans ce personnage qu'il s'était créé pour survivre. Consulter quelqu'un l'aiderait probablement à aller de l'avant.

Là dessus Khali retourna tout l'appartement à la recherche d'une baguette. Pas de trace de la sienne, ni non plus de celle de Singh mais l'homme était probablement trop prudent pour la ranger dans un tiroir comme tout le monde. A contre coeur, elle retourna dans sa chambre, souleva la couverture. Il devait l'avoir sur lui, quelque part. Ses manches furent le première endroit qu'elle vérifia et fort heureusement, c'est là qu'elle trouva ce dont elle avait besoin. La baguette lui donna une méchante châtaigne quand elle la vola, comme pour lui signifier que les choses ne seraient pas si faciles que ça mais Khali persévéra. Elle commença par déverrouiller la porte mais quand celle-ci s'ouvrit finalement, la stupeur la scotcha au pas de la porte.

Elle avait toujours crue être retenue quelque part dans Londres mais ce qu'elle avait sous les yeux ne ressemblait en rien à la ville qu'elle connaissait. Elle se trouvait dans une rue souterraine - à en juger par les lumières artificielles et la voûte noirâtre qu'elle distinguait au dessus de sa tête.

« Bouges ton cul de là, t'es sur mon ch'min joli coeur! », rugit un demi-géant à la gueule mangée par une sale cicatrice qui lui barrait la moitié du visage, emportant un oeil au passage, comme une deuxième gueule béante.

Khali se rattrapa à la façade du bâtiment dont elle était sortir et la porte claqua, se reverrouillant automatiquement exactement comme toutes les fois que Singh était allé et venu. Elle était toute seule à présent mais, loin de se laisser démonter, Khali jeta un regard en arrière et se lança à toute jambe dans la rue. A en juger par les faciès qui s'y injurier et y faisait commerce, mieux valait ne pas attirer l'attention et quitter cet endroit répugnant aussi rapidement que possible. L'air était étouffant. Il transportait quelque chose de moite et de malsain qui vous collait rapidement à la peau, surtout quand vous n'y étiez pas habitué. Et dans ce cas là, pour les autres, c'était un peu comme si vous aviez une cible dans le dos qui suppliait qu'on vous achève au plus vite.