La nuit apportait était souvent synonyme de réconfort, apportant avec elle l’obscurité, et son lot d’apaisement. Certains voyaient enfin leurs démons s’évaporer pour l’espace de quelques heures, comme ils finissaient par le repos tant attendu. D’autres au contraire tremblaient pour chaque ombre se dessinant sous les rayons de la lune, et pour chaque frémissement qu’apportait la légère brise qui soufflait ce soir là. Dans le silence qui régnait, une ombre parmi tant d’autres se faufilait silencieusement, le bruit de ses talons étant la seule chose qui brisait ce silence oppressant pour beaucoup, mais reposant pour elle. Avançant de ce pas à la fois si déterminé et si gracieux qui lui était propre, la Belle tenait dans sa main fiche le bas de sa longue robe noire, facilitant ainsi ses pas, et jetait de temps en temps des regard par dessus son épaule, pour s’assurer que l’on ne la suivait pas. Non pas qu’elle ait à craindre d’une quelconque présence, mais parce qu’elle était venue ici dans le but de s’isoler, cherchant la solitude, gardienne de ses secrets. Loin d’être de plus confiantes envers les autres, Sasha gardait farouchement pour elle certaines choses, ce qui ne faisait qu’attiser cette aura mystérieuse qu’elle dégageait incontestablement. Et si elle avait des amis, comme toute personne, aucun ne connaissait cette part d’elle même, qu’elle ne partageait qu’avec les membres de sa famille, par simple sécurité. Car qui pouvait se douter que derrière ses traits si doux, et si féminins, Sasha dissimulait soigneusement le fait qu’elle soit illusionniste. Don qu’elle tenait de sa famille, puisque sa mère et sa grand mère l’étaient, et qui pouvait s’avérer véritablement dangereux s’il tombait entre les mauvaises mains. La jeune femme avait découvert son pouvoir à l’âge de quinze, créant une véritable catastrophe pour l’anniversaire des jumeaux, deux de ses frères. Mais cela ne l’avait pas empêchée d’être ravie de voir qu’enfin, le destin semblait vouloir être clément avec elle, qui n’attendait que cela pour hériter de ce qui la fascinait tant chez sa mère. Depuis, elle n’avait de cesse de s’entraîner, sa soif de perfection faisant en sorte qu’elle voulait le comprendre, et le maîtriser. Sasha faisait partie de ces rares personnes qui ne supportaient pas la médiocrité, sentiment qu’elle ne pouvait tolérer d’autant plus avec un tel don. Car un seul faux pas, une seule erreur, et elle pouvait perdre la raison, aveuglée par une illusion bien trop forte.

Poussant la lourde porte de la Salle sur Demande qui venait d’apparaître, Sasha se glissa dedans silencieusement, un petit sourire satisfait dansant sur ses lèvres. Posant sa baguette au sol, elle alla s’asseoir au centre de la pièce, qui offrait une douce luminosité, tandis que les premières notes d’une composition classique s’élevaient. Une douce mélodie, qui avait toujours eu un effet apaisant sur la jeune femme, si bien qu’elle sentait parfois son cœur se serrer sur certains accords mélancoliques. Affable sentiment éphémère, mais qui était suffisant à contenter la Belle l’espace de quelques instants, avant que l’illusion ne laisse place à la réalité. Et très vite, son cœur vide reprenait sa constance habituelle, aussi dur que froid, réveillant son exigence, qui ne voulait que découvrir quelque chose qu’elle ne possédait pas. Lourd fardeau qui semblait peser sur les épaules de Sasha, et qui avait souvent tendance à réveille le Démon aux allures d’Ange qui sommeillait en elle. Loin d’être foncièrement mauvaise, elle avait pourtant ce besoin inexorable de ressentir, et ce, par tous les moyens possibles. Peut être était-ce un simple jeu du destin, qui ne voulait que s’amuser avec la jeune femme, et la mettre à l’épreuve. Peut être était-elle condamnée à ne jamais éprouver suffisamment pour sentir cette étincelle de vie vibrer en elle. Ou peut être au contraire, un événement ou une personne allait la changer de manière irrévocable. Sasha ne connaissait guère les caprices de l’avenir, et n’aspirait qu’à ce que son esprit soit apaisé. Fermant les yeux, la Belle se perdit dans les méandres de son esprit, travaillant des liens qu’elle seule était capable de voir, comme la réalité commença doucement à se brouiller. Et dans la pré ombre environnante, la Belle semblait avoir oublier le monde réel, bien trop concentrée dans cette salle qu’elle croyait pourtant sûre.