La naïveté. Au fond n’y avait-il pas plus grisant ici bas que de duper l’innocence des autres ? Un jeu malsain et jouissif, une sorte de cercle vicieux consistant à souiller le plus d’existences possibles. Pour autant, l’aîné Carlson avait été autrefois très proche de son cousin Dean et de la jeune Rose Mandrake. Mais le temps faisait le reste, les gens changeaient selon la voie qu’ils choisissaient. Il s’était engouffré dans le chemin du savoir, avec cette volonté d’aller toujours de l’avant, esquissant ses théories qu’il défendait ardemment. Le monde actuel ne pouvait guérir que si on lui arrachait les mauvaises herbes. Et pourtant, lui-même était sang-mêlé, mais à ses yeux il demeurait l’un des rares privilégiés faisant partie de l’élite. Parce qu’il avait compris le fonctionnement de ce monde, qu’il mourrait de toute évidence sans descendance, ne daignant pas laisser derrière lui un autre sang impur, sacrilège. Assis derrière son bureau, penché sur quelques livres entrouverts, une plume à la main allant gratter son journal, le mangemort attendait patiemment la venue de la jeune fille. Dean avait maintes et maintes fois chercher la supercherie sans la trouver, de ce fait il avait peiné à ramener Rose à Poudlard, avant de céder à la tentation. Il la voulait auprès d’elle, c’était prévisible. L’esprit cohérent et vif de Tyler était tel que l’on pouvait presque lui accorder le don de voyance, tant parfois ses analyses s’avéraient être vraies. C’en était frappant et déstabilisant. Enfin, trois coups frappèrent à la porte, laissant les yeux sombres du mangemort se fixer sur celle-ci. Il posa sa plume blanche sur son bureau, reposant son dos contre le dossier de sa chaise, et invita la jeune fille à entrer de sa voix posée et basse. La porte s’ouvrit alors dans un grincement, laissant entrevoir une silhouette fine et subtile, comme une poupée de porcelaine que l’on pouvait casser. L’aspect semi-vélane de la jeune Rose ne se voyait que trop, dans l’aura lumineuse qui stagnait autour d’elle, délicate et fragile. Mais Tyler s’emploierait bien vite à taire cette lumière et à la modeler de ses propres mains d’artisan. Il en ferait sa propre marionnette, sans que jamais, la jeune fille ne s’en rende compte. Le regard de celle-ci se posa partout, curieux, ce qui eut le don de laisser un sourire presqu’attendri mais toujours aussi froid sur les lèvres du mangemort. Il avait laissé une fillette derrière elle, et se retrouvait face à une jeune fille pleine de grâce.

Tyler : « Avance Rose. »

Le jeune Mangemort se leva, se voulant rassurant. La jeune fille sentait la crainte à plein nez, malgré ce léger parfum d’orchidée qui la précédait. Se dirigeant vers la jeune fille, il n’eut pas de remords à la toiser de haut en bas, observant la nouvelle femme qu’elle était devenue. Etait-elle restée la même, naïve, innocente et peu sûre d’elle ? C’était fort évident, cela sautait tant aux yeux que ç’en était désespérant. Son regard fuyant, son mutisme, la façon de se tenir comme une petite poupée souhaitant retourner dans son coin d’ombre… Elle deviendrait son nouveau pantin, si facile à manipuler. Rose esquissa un mot, néanmoins Tyler ne la laissa pas parler, laissant place à ses pensées. Elle ressemblait tant à sa mère que ç’en était déconcertant. L’innocence et la pureté de la jeune Mandrake aurait pu en toucher plus d’un, mais pas Tyler, qui voyait en elle l’instrument de sa vengeance future.

Rose - Je ...
Tyler : « Tu es devenue une vraie petite femme... Magnifique. C’est affolant, comme tu ressembles à ta mère. »

Il se remémora alors tous ces étés passés avec sa famille et la jolie Rose, dans le fond, c’était fort dommage de devoir se servir d’elle, mais c’était aussi pour le bien de la jeune fille. Trop réservée, trop taciturne, trop effacée, il la hisserait toujours plus haut, afin de la contrôler un peu plus. Tyler soupira légèrement, s’il n’avait pas de remords à se servir d’elle, il esquissait déjà un adieu au passé. Car s’il avait ce sourire fraternel sur les lèvres, jamais il ne parviendrait à ne plus avoir d’arrières-pensées lorsqu’il la regarderait. Comme la fragile marionnette qu’elle était et dont il agiterait les fils avec génie. Ses mains glissant dans ses poches dans une attitude décontractée, tentant de la mettre à l’aise en lui esquissant ainsi l’ancien Tyler qu’elle avait connu, ce dernier plongea son regard dans le sien, sans jamais le lâcher.

Tyler : « Il fallait que Dean te ramène. J’avais peur qu’on ne te fasse du mal, là où tu te trouvais. »
Rose - Tu disparais durant deux ans sans donner de nouvelles à personne, et maintenant tu te soucies de moi ? rétorqua-t-elle dans un sourire désabusé, arquant les sourcils.
Tyler : « Ne dis pas ça, tu es comme ma petite sœur. Je te l’ai toujours dit et tu le sais très bien. »
Rose - Où est la supercherie ?

Le jeune mangemort lâcha un bref rire froid. Il s’y était fortement attendu, tout était calculé, chez l’ancien Serpentard. La ruse alliée à l’intelligence exacerbée pouvait en faire de lui soit un allié de poids, soit un ennemi redoutable. Malheureusement pour la jeune Rose, le jeune loup souhaitait croquer l’agneau pour le ramener dans sa meute. Aussi, il feinta la surprise, daignant se montrer vaincu alors qu’il était en position de force, excellent acteur qu’il était.

Tyler : « Bien, bien. Je m’avoue vaincu Mademoiselle. Il est vrai que là-bas, tu avais tes parents, tes amis, William... »
Rose - Peu importe.

Un léger sourire sombre alla se dessiner en coin sur les lèvres du mangemort, sarcastique voire cruel, alors que la jeune Rose détournait la tête. Tout fonctionnait comme prévu, elle s’était vue rejetée par le don juan de l’école, et connaissant le caractère de la jeune Mandrake, Tyler ne pouvait que savoir ce qu’elle pensait, sans même pénétrer dans son esprit. Perdue et troublée, ne sachant plus où aller. Le petit ange s’était perdu dans les cieux, et le diable qu’il était devenu lui tendait la main pour la ramener dans les Géhennes. Après tout, un ange dans le ciel n’avait rien d’exceptionnel. Mais un séraphin en enfer, voilà qui était fort rare. Il pourrait alors la manipuler avec facilité, lui promettant des choses qu’il ne pensait pas, la mettant en confiance, la berçant d’illusions jusqu’à ce que finalement, elle ne demeure persuadée que Tyler était sa seule famille. Aussi, l’aîné Carlson rajouta aussitôt :

Tyler : « Mais ici, je t’offre la possibilité de devenir quelqu’un d’autre. C‘est aussi pour cela, que je voulais te voir ici, à Poudlard. Rose, dit-il après une courte pause silencieuse, nous avons pratiquement grandit ensemble, je sais qui tu es. Tu ne veux plus être celle qui a beau parler sans que l’on ne l’écoute. Personne, là-bas, n’a daigné poser ses yeux sur l’immense potentiel que tu avais. Ils te voient toujours comme une petite fille, pas vrai ? Est-ce que quelqu’un là-bas, a pensé à te prendre sous son aile pour faire de toi quelqu’un et développer ce potentiel ? »

Tyler s’était alors rapproché d’elle, créant une intimité déconcertante. Il se voulait le grand-frère, le protecteur, celui pour lequel elle aurait une confiance absolue, celui qui deviendrait tout pour elle. Les griffes du lion se refermait sur la gazelle, intriguée et troublée, trop innocente pour daigner voir les sombres desseins qui se dressaient face à elle. Il lui sourit alors, déployant tout le charme que lui avait doté le diable, arborant des paroles trop convaincantes pour être réfutées. C’est qu’il avait l’art et la manière de tourner savamment ses mots, l’ancien Serpentard.

Tyler : « Je prendrai soin de toi, je vais faire de toi une femme du monde. Tu deviendras quelqu’un d‘autre, celle que tu as toujours voulu être. »
Rose - Pourquoi tu ferais ça... Qu’est-ce que ça peut t’apporter ? demanda-t-elle à la fois intriguée et méfiante.
Tyler : « Allons Rose, je t’ai dit que tu étais comme ma petite sœur. Et sincèrement, on ne peut pas dire que la vie a été très tendre avec toi. Ton grand-père était si attiré par l’argent qu’il ne voyait pas même le joyau inestimable qu’il avait sous son propre toit. Tes parents... »
Rose - Ils n’y sont pour rien. Ils...Ils sont tombés lors d’une bataille, répondit la jeune fille sur la défensive.
Tyler : « Bien sûr, je ne dis pas le contraire. Mais lorsqu’ils se sont engagés en tant qu’Aurors, ils savaient très bien qu’ils pouvaient mourir à tout moment sur le champ de bataille. Ont-ils vraiment pensé à toi ? »

C’était là, la phrase fatale, le dernier coup de maître. La faire sentir seule et abandonnée de tous. Et plus il lui faisait ressentir cette pensée atroce, plus il se rapprochait de la jeune fille, comme s’il forçait son subconscient à lui faire sentir que seul Tyler était là pour l’aider, jusqu’à apposer sa main dans une tendresse infinie sur la nuque délicate de Rose. Le mangemort chercha à croiser son regard, perdu à terre, dans un geste symbolique de soutien, alors même qu’il se jouait là tout le contraire. Il l’attirait vers les entrailles de la terre, chez lui en enfer, entre les flammes destructrices de la haine. Il ferait d’elle sa petite poupée, et penserait à sa place.

Tyler : « Tu n’es pas seule. Je suis là. »
Rose - Que se passerait-il si... je n’adhérai pas à vos idéaux ?
Tyler : « Tu es libre de penser par toi-même » dit-il dans un très léger haussement d’épaules.
Rose - Si je reste ici, est-ce que je dois restée enfermée dans mon dortoir ?
Tyler : « Tu as libre circulation... Mais évite de trop t’approcher des bureaux de Clash et de Joad » rétorqua le mangemort dans un bref sourire.
Rose - Cela fait beaucoup de permissions refusées habituellement aux élèves, répondit la jeune fille d’un air méfiant.
Tyler : « Tu es une Carlson à part entière à mes yeux. Tu as tes privilèges. Alors, qu’en dis-tu ? Je te promets de veiller sur toi, et de t’apprendre tout ce qui te sera nécessaire. »
Rose - Ce sera sans doute du travail inutile, puisque mes jours sont comptés.
Tyler : « Crois-moi, ils ne le sont plus. »

De nouveau, une phrase lourde de sens et qui intriguait la jeune fille. Elle ne pouvait que penser qu’il se souciait véritablement d’elle, et en pénétrant habilement l’esprit de Rose, Tyler ne put que voir ô combien il avait raison. Il laissa la jeune fille dans ses pensées, songeuse, bien qu’il était évident que le loup déguisé en agneau avait gagné. La jeune Mandrake lui adressa un magnifique sourire, qu’il lui rendit aussitôt, satisfait. Il connaissait déjà la future réponse.

Rose - Alors dans ce cas... J’accepte. Merci. finit-elle par dire.
Tyler : « Tu n’as pas à me remercier Rose. Ah et puisque j’y pense... Je t’autorise à envoyer un hibou à ton petit ami, il doit être mort d’inquiétude. »
Rose - Non, ce n’est pas la peine. William et moi ne sommes plus ensemble...
Tyler : « Oh... vraiment ? Celles que l’on pensent être les meilleures personnes sont parfois les pires ennemis. On ne se méfie pas assez d’eux. »

Ironie, quand tu nous tiens. Tyler avait feinté de nouveau la surprise, pour autant c’était hautement prévisible à ses yeux. Le mangemort avait pourtant dissimulé son sarcasme derrière une voix peinée, alors que dans le fond cette affaire l’arrangeait fortement. Rose ne répondit pas, tournant alors les talons, taciturne afin de sortir de l’antre de son marionnettiste. C’est alors que la porte s’ouvrit devant elle, laissant entrer Russel, un vampire à l’aura sombre. Un instant, le nosferatu et la jeune vierge échangèrent un regard, et l’on ne pouvait que trop ressentir le frissonnement de la jolie Rose. La porte se referma, et Tyler alla rejoindre sa place, satisfait, tandis que Russel s’avança, allant s’asseoir face à son ami et collègue.

R. ~ Une nouvelle victime ?
Tyler : « Disons un nouveau jouet. Que diront donc ses parents, lorsqu’ils verront leur fille chérie se retourner contre eux ? L’on sous-estime de trop le pouvoir de l’esprit. Je peux rendre fou les Mandrake, rien qu’en modelant Rose comme je le souhaite. Bientôt, elle ne verra que par moi. On n’a jamais assez de pantins. » dit-il en se penchant de nouveau sur son journal.
R. ~ Tu aiguises ma curiosité Carlson. Pour ma part je dirai simplement qu’elle m’a l’air appétissante, rétorqua-t-il dans un murmure sombre et un sourire carnassier.
Tyler : « Ne la mords pas avant que je n’en finisse avec elle. » répondit alors l’aîné Carlson sans daigner lever les yeux.
R.~ Qui a dit que je voulais la mordre ?

Tyler posa alors sa plume, son regard se levant sur Russel, un sourire se dessinant au coin de ses lèvres blêmes. Une lueur vive d’intérêt et d’amusement s’éveilla dans ses prunelles sombres, tandis que sur le visage du vampire persistait ce même rictus. La voix hautaine, froide et amusée de Tyler s’éleva alors.

Tyler : « Tu n’y arriveras jamais. Elle est si pure et chaste qu’elle pourrait être bonne sœur, même son don juan de petit ami n’a pu y poser la main. »
R. ~ Je prends les paris, rétorqua-t-il d’un air suffisant.
Tyler : « Bien, dit-il amusé. Je te donne jusqu’au 31 décembre, minuit, pour que tu sois le premier à l’attirer dans ton lit. »
R. ~ Un jeu d’enfant.
Tyler : « Elle devra être consentante. »
R.~ Hmm… cela complique les choses, dit-il dans un amusement sordide. Mais je gagnerai Carlson.
Tyler : « Et que voudrais-tu gagner, si tu y parviens toutefois ? » demanda le mangemort dans ce même sourire macabre.
R. ~ Je veux Ashka. La vengeance est un besoin que je finirai par assouvir, Tyler.

Carlson se cala un peu plus dans son fauteuil, fixant Russel d’un air pensif, les mains jointes devant lui. Sa fierté ne lui permettait plus de reculer, pour autant il était évident qu’il gagnerait. C’était une certitude et une vérité absolue, égocentrique qu’il était.

Tyler : « Entendu. En échange je veux la certitude que tu ne toucheras pas Lola. Si tu perds, bien évidemment, ce qui sera ton cas. »
R. ~ Pas de coup bas, Carlson, rétorqua le vampire dans son sourire sombre.
Tyler : « Jamais, Russel » dit-il d’un air ironique et amusé.

Aucun coup bas… C’en n'était pas certain, le sourire en coin persistait sur le visage de Tyler, dont mille idées bouillonnaient déjà en tête pour mettre des bâtons dans les roues du vampire. Ce dernier plongea son regard abyssal dans les yeux de Carlson. La force violente contre la subtilité de l’esprit. Il restait à savoir encore, qui gagnerait.